Achill Island est une petite île au large de l'Irlande. Trois mille habitants, à peine, vivent en ces lieux battus par les vents et parfumés d'embruns. Son histoire est millénaire puisqu'on estime qu'elle est peuplée depuis le néolithique. Bien que reliée à l'Irlande par un pont, son éloignement lui permet de conserver des caractères coutumiers très forts. Ce court recueil, publié par
Werner Lambersy aux éditions Rhubarbe, est une invitation à flâner dans une Irlande typique, celle d'hier et d'aujourd'hui. Une Irlande en résonance intime avec le climat et les éléments, parcourue des fantômes de son passé et tiraillée entre le désir de s'affranchir de sa tradition et le besoin profond d'en conserver intacte les aspects.
▪ Peindre le vent, la mer et la Mort…
Werner Lambersy déroule ses vers au rythme des jours. Un pas qui semble alenti d'on ne sait quoi. Une mélancolie ? Où est-ce parce qu'ici, on vit dans la proximité permanente des disparus ? Partout, leurs voix silencieuses semblent s'élever, du cimetière jusqu'au pub. Les tombes et le souvenir dessinent pareillement les contours d'un paysage au-delà de celui qui est offert à nos yeux. En ses épures, le poète convoque – invoque ? – les fantômes des anonymes et ceux des illustres Irlandais. Ainsi, les marins revenus de leurs ultimes voyages rencontrent Joyce ou Yeats autour d'une pinte. Mais cette omniprésence de la mort n'est pas une négation de la vie. Elle entraîne le poète à se pencher sur sa propre existence, depuis son origine jusqu'aujourd'hui : « Sous la couette/on écoute la voix de fausset/du coq de l'enfance ».
Cette voix, c'est le vent qui la porte sur cette terre à lui soumise. Un vent qui est d'ores et déjà un élément du panorama, au même titre que l'océan. Comme le bras prolongé de la mer sur ce morceau de terre d'Irlande… Pas un bruit de fond permanent et entêtant, mais une mélopée millénaire et rassurante : « Déjà personne/ne sait plus où naissent les vents/qui nourrissent le rêve ».
▪ Des vers sensuels et chamarrés
Tout en virtuosité ce carnet de voyage recèle des parfums, des sons, des matières, et des couleurs jetées à larges brossées. Pour un tableau sensible de cette Irlande rurale, pleinement maritime. Ce qu'on touche des doigts, ici, est rugueux, épais : c'est la tourbe sur laquelle s'assoient les églises, c'est la laine des moutons peints en arc-en-ciel, c'est la roche grisâtre des tombes, des bicoques. Des sensations qui paraissent en accord avec le coeur des hommes : dur à la tâche et sans effusion. Même la passion connaît des voies souterraines ; ainsi, le poète l'exprime : « Un pays qui conserve l'âme/dans la chaleur/secrète ». Une ambiance en décalage avec la course du monde, avec sa propension à ériger l'exhibition en valeur maîtresse. le poète nous rappelle combien sont plus séduisantes les grâces qui ne se montrent pas toutes !
Les vers qui composent cet « Achill Island note book » font preuve du métier éprouvé de
Werner Lambersy. Un travail d'artisan d'art, humble et sans esbroufe. Ils ont fait vibrer les fibres profondes de mon intimité humaine.
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