L'Instant qui précède une catastrophe de cette envergure semble toujours empreint d'une sérénité troublante, surnaturelle dans sa perfection. Une paix profonde règne sur le monde et le temps paraît s'être figé dans son élan.
Il en est ainsi parce que rien ne nous a préparés à l'horreur et que les minutes qui viennent nous sont encore épargnées. Elles ne dévorent pas encore nos certitudes. Elles ne nous obligent pas déjà à ramper parmi les décombres.
Cet instant demeure unique. Il semble irréel, mais c'est à lui que nous nous accrocherons même si, pour l'heure, nous ne connaissons pas encore le prix de notre humanité, ni ne croyons jamais devoir le payer.
Dorénavant, plus personne ne mangera à sa faim, on sera tous endettés à l'os, le bonheur sera obligatoire et il faudra, coûte que coûte, faire taire les dissidents. Yahya se voit président à vie. Puis il se dit que non, le boulot de Président est ingrat, indigne de ses capacités, et qu'il vaudra mieux embaucher un figurant, comme cela s'est toujours fait.