L'introduction et les six premiers chapitres exposent les liens entre les notions de « monde » et de « psychisme » dans l'univers dickien, ainsi que les caractéristiques et les causes de leurs altérations. Les chapitres suivants aboutissent à une « méthode » inspirée des fictions de
Philip K. Dick (les « trois tâches de l'artiste »), lointain écho, semble-t-il, au premier ouvrage de
David Lapoujade paru en 1997,
William James - Empirisme et pragmatisme (où, dans l'introduction, le philosophe présentait ainsi la nécessité à laquelle répond la méthode pragmatique : que faire lorsqu'agir et penser sont devenus des problèmes, que l'absence de confiance en ce monde nous trouve « immobile et sans réaction, défait » ? Comment suivre alors « le mouvement de ce qui se fait » pour « lutter contre le mouvement de ce qui se défait » ?).
Ouvrage passionnant, éclairant, à la fois sur les romans, les nouvelles et l'Exégèse de
Philip K. Dick, mais aussi sur certaines tendances du monde dans lequel nous vivons.
On pourrait reformuler une des questions de départ en ces termes : en quoi la création d'un monde fictionnel est-elle inséparable d'une forme de délire, délire qui n'est pas sans danger et nous renvoie à une folie plus grande déjà à l'oeuvre « dans les profondeurs du réel » ? C'est, en quelque sorte, la question de la folie du romancier lui-même, question que tout lecteur un peu acharné de
Philip K. Dick s'est posé à un moment ou à un autre. « Ses récits sont comme les tableaux successifs du combat qu'il mène contre sa propre folie », écrit
David Lapoujade dans son introduction, soulignant que l'interrogation que ne cesse de soulever PKD sur la consistance de la réalité n'est peut-être pas tant d'ordre ontologique ou métaphysique que clinique (même si tout cela est bien sûr lié).
Une des pistes à suivre sur ce versant clinique serait alors celle du dispositif narratif, en partant de la distinction auteur/instance narrative/personnages : comment une distinction de cet ordre se maintient-elle dans l'ensemble des romans et des nouvelles de
Philip K. Dick, suivant quelles modalités (porosités, rétroactions, altérations...), et en vue de quelles fins (le délire comme fonction réparatrice ; le genre littéraire - SF ou fantastique - pour ce qu'il rend possible ; etc.) ?
Ce n'est qu'un exemple. Toute la réflexion sur les liens entre idéalisme dickien et théorie cybernétique (PKD lecteur de
Norbert Wiener,
Cybernétique et société), autour notamment des notions d'entropie (sur ce point voir également la comparaison avec l'oeuvre de Ballard, p. 69-72), de rétroaction et de l'analogie formes vivantes-pensantes/machines intelligentes est dense, intéressante. le dernier chapitre est très beau.