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Anne Besson (Autre)
EAN : 9782363583543
224 pages
Editions Vendémiaire (07/01/2021)
3.66/5   16 notes
Résumé :
L'auteure décrypte le rôle politique de la fantasy et de la science-fiction dans les sociétés contemporaines. Alors que ces littératures de l'imaginaire ont longtemps été associées à de la littérature d'évasion, elles sont désormais un moyen de revendications, notamment lors des manifestations comme le maquillage du Joker ou la cape rouge et la cornette des servantes écarlates.
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
J'avais découvert Anne Besson lors du MOOC (Massive Open On-line Course) de l'Université d'Artois sur La Fantasy de l'ère victorienne à Game of Thrones, il y a quelques années et je dois dire que ses cours étaient vraiment passionnants. Puis, j'ai suivi ses interventions aux Imaginales 2018 et à cette occasion, je m'étais procurée son essai Fantasy et Histoire(s) qu'elle avait dirigée. Aussi, lorsque j'ai vu qu'elle sortait un essai sur les usages politiques des Littératures de l'Imaginaire (en particulier, la Fantasy et la Science Fiction), je me suis empressée de le sélectionner lors de la dernière Masse Critique. Et à ce titre, je remercie Babélio ainsi que les éditions Vendémiaire de me l'avoir envoyée.

Une lecture exigeante…

Je me rappelle que les actes du Colloque Fantasy et Histoire(s) n'avait pas toujours été facile à appréhender et j'ai eu le même souci dans ma lecture de cet essai. En effet, elle n'a pas été très fluide pour plusieurs raisons :

- le style d'écriture : la plupart des phrases sont trop longues et entrecoupées de parenthèse ce qui nuit au rythme de la lecture. J'avais le sentiment de me retrouver en « apnée » à la fin de certaines phrases.
- Un vocabulaire très spécialisé : Anne Besson emploie de très nombreux termes très spécifiques et sincèrement, il m'a fallu relire parfois trois ou quatre fois plusieurs phrases pour pouvoir enfin appréhender le propos.
- Les notes à la fin de l'ouvrage : pour ma part, je préfère que les notes soient placées en bas de la page, il est ainsi plus facile de les lire puis de revenir au texte principal sans trop d'interruption. le fait qu'elles soient placées à la fin de l'ouvrage a perturbé mon rythme de lecture car je mettais plus de temps à retrouver ma ligne, une fois revenue au texte principal. Aussi, j'ai décidé au bout d'une cinquantaine de pages d'abandonner purement et simplement la lecture des notes. Dommage car certaines étaient intéressantes.

… mais un propos captivant sur le rôle de la Fantasy et de la Science Fiction dans nos sociétés contemporaines.

Si l'on fait abstraction des difficultés de lecture, l'essai d'Anne Besson était en soi passionnant. Pour ma part, je m'intéressais déjà à ces problématiques (si vous voulez aller plus loin, je vous conseille aussi la lecture d'articles du CNRS – Centre National de la Recherche Scientifique). Et Les pouvoirs de l'enchantement m'a permis de pousser plus loin les réflexions autour du rôle des Littératures de l'Imaginaire dans notre société. L'ouvrage est ainsi divisé en deux parties :

Anne Besson s'intéresse tout d'abord aux oeuvres de fiction et à leur portée politique.
– Elle déconstruit tout d'abord le préjugé selon lequel la Science Fiction serait davantage portée vers l'avenir donc progressiste et de « gauche » tandis que la Fantasy serait au contraire tourné vers le passé, réactionnaire et de « droite ». Elle oppose à ces préjugés plusieurs arguments notamment le fait que certains ouvrages de Fantasy au contraire sont bien ancrés dans le réel. Ils traitent de problématiques actuelles comme l'écologie, le sexisme, le racisme, l'homophobie ou la transphobie. Et elle prend ainsi plusieurs exemples comme Game of Thrones de GRR Martin dans lequel les marcheurs blancs seraient l'allégorie du changement climatique ou Danse avec les lutins de Catherine Dufour qui traite de la cohabitation des peuples.
– L'autrice constate également une explosion depuis le début des années 2000 d'oeuvres engagées mais sombres comme les dystopies et des cli-fi (climate fiction) qui a pour cible un public adolescent et jeune adulte. Ces dernières permettent ainsi de mettre en garde contre des dérives possibles de notre société (tyrannie, ségrégation, problèmes environnementaux, etc…). On peut ainsi citer Hunger Games de Suzanne Collins ou l'adaptation récente en série télévisée du roman de Margaret Atwood, La servante écarlate.

Dans une seconde partie, Anne Besson s'attache davantage au comportement des fans de ces oeuvres appartenant à l'Imaginaire. Grâce à la visibilité de plus en plus grandissante de la culture populaire et de l'avènement d'internet (d'abord les forum puis maintenant les réseaux sociaux), les communautés de fans autour d'une oeuvre (Fandom) peuvent se regrouper et échanger plus facilement. Et elle constate une certaine réappropriation du public de ces oeuvres dans des buts contestataire et politique.
– Des personnages de fiction sont ainsi récupérés par les fans qui les inscrivent dans le réel : la figure de la servante écarlate (présente sur la couverture de l'ouvrage) pour manifester contre Trump en 2017 ou celle du Joker lors de manifestations au Liban, en Espagne ou au Chili en 2019.
– Des fans n'hésitent pas non plus à intervenir dans le processus de création d'une oeuvre. Par exemple, une pétition avait circulé pour que la fin de l'adaptation en série de Game of Thrones soit réécrite.

En conclusion, l'essai Les Pouvoirs de l'enchantement n'a été une lecture ni facile, ni fluide en raison d'un problème de forme (phrases trop longues, présence d'un vocabulaire très spécifique, notes présentes en fin d'ouvrage, etc…). J'espère d'ailleurs avoir bien saisi les propos de l'autrice et n'avoir pas fait de contresens. Toutefois, Anne Besson offre à son lecteur deux axes de réflexions sur l'Imaginaire très intéressants notamment en remettant en question certains clichés sur la Science Fiction et la Fantasy et en mettant l'accent sur leur pouvoir politique. de plus, elle s'est rendue compte également que le comportement des fans autour des oeuvres a fortement évolué depuis le début des années 2000 et ces derniers n'hésitent pas à se les réapproprier dans un but politique et contestataire.
Lien : https://labibliothequedaelin..
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Pour commencer, petit point de contexte : Les pouvoirs de l'enchantement, d'Anne Besson, est un essai avant tout à visée universitaire à destination de chercheurs et étudiants. Il ne s'agit pas de vulgarisation à l'usage du grand public, et, à ce titre, c'est un livre exigeant. Avec ma formation scientifique, je ne possède pas les codes du « genre ». J'ai de facto été parfois perturbée par la prose d'Anne Besson, complexe par son vocabulaire, mais surtout par ses constructions de phrases très longues et peu linéaires : avec des phrases de plus de cinq lignes, j'avais parfois l'impression d'idées juxtaposées sans transition et lien logique au sein d'une même phrase. J'imagine que ça vient de moi à qui il manquait les liens logiques implicites que je ne maîtrise pas, mais du coup, le propos m'est apparu confus et manquant de transitions pour mon petit cerveau de lectrice qui n'a pas tous les codes et n'est pas rompue à la lecture d'ouvrages universitaires.

Il n'en reste pas moins que les idées développées dans ce livre sont hyper riches et passionnantes. Si l'on s'intéresse aux genres de l'imaginaire et à leur réception et politisation, c'est un incontournable.

Le livre est construit en deux temps : d'une part le pouvoir, l'impact, de la fiction, et bien sûr en particulier des genres de l'imaginaire, sur son lecteur. Grâce à l'expérience de pensée qui permet de se mettre à la place d'un autre, dans une situation complètement autre, l'imaginaire prend toute sa pertinence. L'autrice analyse également la dimension politique que le genre permet de développer, en revenant sur l'histoire de la SF et de la fantasy, et en rappelant notamment à quel point l'imaginaire s'inscrit dans une vision instantanée (au risque de mal vieillir d'ailleurs).
La seconde partie développe ensuite le pouvoir que donne la fiction à son lecteur quand il se l'approprie : un pouvoir sur le monde (« Imagine better » : au travers notamment d'exemples d'activisme qui prend sa source dans un amour commun de Harry Potter, Anne Besson nous montre comment les lecteurs s'emparent de la fiction dans le réel à des fins politiques) et un pouvoir sur le texte lui-même (on pense alors aux fan-fictions, aux débats de fans pour définir le canon, ou encore aux mouvements face aux fins contestées d'oeuvres).

J'ai été particulièrement sensible à la seconde partie : forcément, vu mon expérience de ce qu'est la communauté de fans (je suis administratrice sur le site de la Garde de Nuit, consacré à la saga du trône de Fer, donc la communauté, je suis en plein dedans^^), j'étais passionnée par ce qu'en disait Anne Besson, et elle a mis des mots sur certains points hyper pertinents qui ont résonné en moi. La première partie m'a parue plus absconse (déjà parce que je ne vois qu'assez peu l'intérêt de développer ce qui fait des littératures de l'imaginaire quelque chose de pertinent… perte de temps de cerveau ou expérience qui me rend meilleure en temps que lectrice, j'ai déjà fait mon choix depuis des années : lire m'apporte du bien-être, qu'un littéraire érudit considère ce que je lis comme pertinent ou non…). Mais son développement restait néanmoins très enrichissant, et notamment toute la partie sur le discours politique des fictions m'a passionnée.

Au final, donc, un livre exigeant, mais d'une grande richesse d'idées.

Je remercie Babelio et les éditions Vendémiaire pour l'envoi de ce livre.
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Considérée comme la grande spécialiste des mondes alternatifs , Anne Besson vient de sortir Les Pouvoirs de l'enchantement, son dernier essai en date aux éditions Vendémiaire.

Du maquillage du Joker aux costumes des servantes dans la série The Handmaid's tale, cet ouvrage montre comment la sicence fiction et la fantasy sont devenus les nouveaux terrains des combats politiques d'aujourd'hui et livre un message qui questionne notre rapport au politique.

Contrairement à l'idée trop rapidement répandue selon laquelle les univers imaginaires seraient avant tout conçus comme relevant de l'évasion, ou comme une forme de fuite face à un quotidien qui deviendrait insupportable, Anne Besson démontre que les fictions peuvent être porteuses d'une vision du monde et des rapports socio-politiques.

Pour cela, elle prend des exemples puisés dans la pop culture et les univers Star Wars ou Marvel, dans les séries de fantasy comme Game of Thrones, des enjeux sociétaux et environnementaux d'aujourd'hui et les place dans une réalité historique et théorique.

Des symboles représentés dans des oeuvres comme Harry Potter ou encore Hunger Games en passant par Games of Thrones peuvent parfaitement se retrouver au sein des différentes manifestations et tribunes contestatrices du monde entier .

Par exemple, au Liban, des centaines de milliers de personnes ont défilé pour protester contre la classe politique qui dirige le pays et, sur les réseaux sociaux, on a vu apparaître des photos de manifestants maquillés comme le célèbre anti-héros, interprété par Joaquin Phoenix dans le film.

Dans le domaine des interactions entre le politique et l'imaginaire, Anne Besson n'oublie pas de démontrer la manière dont les univers de fiction pénètrent les débats politiques contemporains et du pouvoir essentiel détenu par la fiction, en incitant les individus à vouloir transformer le monde et la société.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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J'ai beaucoup (beaucoup) de mal à lire cet ouvrage d'Anne Besson. J'ai connu cette professeure de littérature via les MOOC qu'elle a présidé il y a déjà de ça quelques années et auxquels j'avais participé.

C'est une enseignante passionnante et, bien que pointue, je l'avais trouvée accessible à l'oral. C'est bien moins vrai par écrit. C'est évident que son ouvrage s'adresse à un public averti, universitaire même, mais je trouve dommageable malgré tout de le placer à une telle hauteur qu'il en devienne inaccessible pour un lecteur curieux. Les idées auraient pu être présentées de façon plus simple.

Le style est lourd, avec un vocabulaire peu accessible à une lecture fluide et des phrases à rallonge. Je ne sais pas si j'arriverai à aller au bout et c'est bien dommage parce que les idées sont là mais le format est indigeste. Un exemple de phrase au hasard :

"Certaines oeuvres, on a commencé à le voir, semblent pourtant davantage attachées à une interprétation idéologique, quand d'autres se veulent d'emblée plus disponibles : il y a des degrés dans l'hétéronomie, entre l'allégorie au sens strict (l'oeuvre pour laquelle on peut établir une correspondance point par point entre ses contenus symboliques et une interprétation morale ou religieuse unique), procédé largement obsolète en notre ère de l'ouverture interprétative, et l'applicabilité d'un système analogique apte à faire sens dans différents contextes."

Voilà voilà... bonne digestion ! Ahah

Rajout du 09/10/2021 : Je l'ai enfin fini, ça doit faire un mois que je le lis petit bout par petit bout... Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit en amont : il est extrêmement fatiguant à lire, il demande beaucoup de concentration, l'autrice fait peut d'effort pour se rendre accessible MAIS malgré tout, les idées sont riches, argumentées et très intéressantes.

Elle relève comment l'actualité s'implante, génération après génération dans les oeuvres de fictions grâce à ce léger décalage avec la réalité justement. Les fictions sont porteuses de valeurs, elles dénoncent mais aussi implantent des idées qu'une autre réalité est possible et permet à des générations de se politiser voir de militer. Anne Besson souligne que les fictions de l'imaginaire visent à éveiller une culture/conscience politique qui n'est actuellement transmise nulle part ailleurs mais SURTOUT une transmission des valeurs : écoféministes, antispécistes, la liberté, le care... Elle donne de nombreux exemples pour étayer ses propos même si les phrases sont (encore et toujours) un peu trop grandiloquentes pour être digestes.

Une partie est également consacrée aux sous-cultures, j'ai trouvé ça extrêmement intéressant, elles cherchent à prendre (comme l'imaginaire mais en plus marginale encore) le contre-pied de notre société libérale consumériste mais Anne Besson souligne qu'à chaque fois les mouvements se font avaler par le courant mainstream (ex du grunge, du punk...) Et dans le cas des fictions de l'imaginaire il faut bien avoir en tête que certaines franchises sont carrément, dès l'origine, fondamentalement capitalistes dans le sens où la communauté de fan rapporte gros à ceux qui les créent. (HP, le seigneur des anneaux, Star Wars, GoT...)

BREF passionnant mais pénible à lire !
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Hello !

On se retrouve pour une nouvelle chronique, sur un nouveau livre d'Anne Besson, enseignante-chercheuse spécialisée notamment en littératures de l'imaginaire. Il s'agit de Les pouvoirs de l'enchantement : Usages politiques de la fantasy et de la science-fiction.

Le livre explore au travers de deux parties le rôle de l'imaginaire et de la fiction dans nos rapports à la littérature et à la politique, puis la manière dont les lecteurs ont révolutionné ces derniers années ce rôle en s'appropriant les textes, au point d'utiliser des univers fictionnels, qui n'existent pas, dans des combats sociétaux et sociaux qui eux le sont bien, comme par exemple la lutte pour le droit à l'avortement avec le personnage de la Servante Écarlate, ou encore comment des autrices comme J.K Rowling qui avaient tout pouvoir sur leurs textes se retrouvent contestées de par leur choix autistiques, certes, mais aussi leurs opinions politiques, qui se retranscrivent sur leurs oeuvres.

C'est un livre très complexe. Je trouve que la première partie n'est pas très accessible pour des lecteurs qui n'ont pas de cursus littéraire. On y aborde beaucoup de références théoriques et de notions assez complexes d'analyse littéraire. Les nombreux exemples aident néanmoins à comprendre, bien que ça risque de prendre plus de temps pour certaines personnes que pour d'autres.

La deuxième partie en revanche est beaucoup plus claire et touche à des thématiques que n'importe quelle personne un peu investie dans une communauté autour d'un livre, d'un film, d'une série télévisée comprendra sans problèmes. On y aborde les forces des communautés, leur impact politique, en bien ou en mal, et leurs limites, notamment par la formation de mini-communautés dans les communautés qui parfois en viennent à s'opposer. C'est un sujet qui m'intéresse également tout particulièrement, vous le savez pour ceux qui me suivent depuis longtemps, et je l'ai trouvé très actuel, avec beaucoup de références actuelles qui permettent de donner beaucoup de contexte aux propos de l'autrice.

C'est une lecture très intéressante que je recommande si vous êtes curieux et intéressés par le sujet. J'ai trouvé que c'était très pertinent, comme toujours, mais eh, c'est aussi Anne Besson qui m'a formée en licence et ça a sans doute un rapport, je ne suis pas très neutre ahahah. Que vous écriviez des fanfictions ou vous intéressiez aux dramas récents autour de la représentation, vous trouverez quelques pistes de réflexion qui pourraient enrichir votre esprit critique !
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critiques presse (1)
LeSoir
27 avril 2021
« Les pouvoirs de l’enchantement » montre les usages politiques de la fantasy et de la science-fiction.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Ce n’est pas un paradoxe si ce sont les fictions de l’imaginaire qui portent aujourd’hui les aspirations politiques des jeunes générations, mais au contraire une évidence : elles sont à la bonne distance pour assurer leur pertinence maximale ; elles ne peuvent être suspectées de mentir sur leur statut, elles n’affichent pas d’expertise mais leur message est clair et explicite, elles sont didactiques sans être trop visiblement moralisatrices ; surtout, leur nature même illustre ce qu’elles cherchent à démontrer : l’enchantement nécessaire, la possibilité pour chacun d' »imaginer mieux », de garder ouvert un espace pour rêver autre chose, un monde meilleur, un avenir différent. Distanciation, défamiliarisation, ces concepts conçus pour distinguer une littérature moderniste exigeante établie à la fin du XIXe siècle, sont devenus des outils et des effets moins formels que fictionnels, moins esthétiques que culturels (ou ontologiques, selon les approches) : ils désignent désormais non pas tant un approfondissement (creusant une complexité opaque) qu’un décalage (faisant percevoir clairement un propos). On peut regretter ce qui serait compris comme une perte de substance inhérente à la qualité artistique ; on peut aussi se réjouir que les œuvres de l’imagination fonctionnent encore, qu’elles tiennent leur rôle, autrement, pour de nouvelles générations et des publics plus nombreux, plus divers.
Cette revalorisation actuelle des cultures populaires et médiatiques, dominées par les genres de l’imaginaire, s’opère au nom de leurs usages et de leur utilité – les appropriations dont les œuvres font l’objet par leurs publics, leur permettant de se saisir des récits pour tenter de donner forme au futur collectif qu’ils désirent. Si on peut y voir l’instrumentalisation persistante du champ d’une part de la culture qui, délégitimée par son hétéronomie, se doit donc toujours d’être « au service » de quelque cause en dehors d’elle-même, une telle évolution lui assure une place centrale dans les débats contemporains, comme fer de lance d’un retour de l’éthique et du politique dans notre évaluation de la valeur des fictions.
Le critère de la pertinence s’impose en notre début de XXIe siècle pour justifier l’intérêt porté aux œuvres de l’art et de l’imagination. À l’évidence les jeunes chercheurs et chercheuses aujourd’hui – ceux et celles qui s’inscrivent en master, en thèse, qui organisent des séminaires ou des journées d’études – s’emparent avec avidité des questions de genre ou de canon, qui les passionnent et les connectent au monde qui les entoure. Les générations antérieures regardent en revanche avec perplexité ou méfiance des positions dont ils perçoivent la menace, jusqu’à les qualifier parfois de « censure morale » ou de « politiquement correct ». Je pense pour ma part que le monde doit changer et je suis une idéaliste ; je me réjouis de la re-politisation de la vie publique et du rôle qu’y gagnent les fictions : mais cette évolution qui peu à peu transforme les études littéraires en études culturelles fait peur à beaucoup et doit elle-même être interrogée, être considérée, dans son histoire, sa logique et ses enjeux, avec le respect et l’expertise qui s’imposent – ne serait-ce que pour ne pas être dupe des opérations de récupération que mènent en permanence les industries culturelles et les idéologues de chaque camp, en un pas-de-deux constant entre décalage et conformisme.
Entre la peur de l’aliénation par l’évasion, manipulée en sous-main par des maîtres du storytelling qui luttent pour notre temps de cerveau disponible (la nature commerciale des productions) et le fantasme d’une foule braillarde et désordonnée, tout juste capable d’oppositions violentes (l’arène politique virtuelle des publics), il importe de préserver l’enchantement nécessaire et de ne pas se livrer au seul air du temps. Ce qui fait le prix des genres de l’imaginaire, c’est en effet ce fameux espace des possibles, ce pas de côté libérateur, qui impliquent des oeuvres, qu’elles émanent de singularités créatrices ou de réflexions collectives, de maintenir et de renouveler constamment une distance, une ouverture, qui les placent toujours ailleurs que dans l’ici-et-maintenant, un peu plus loin, un peu à part. Pour que les autres mondes possibles des fictions de l’imagination demeurent des inspirations pour nos aspirations – car qui sait à quoi ressembleront nos avenirs ?
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La formule d'entrée du conte, "il était une fois", à la puissance magique intacte, le dit bien : la porte qui s'ouvre là est celle d'un passé révolu, mais cet imparfait (le temps verbal de ce qui se prolonge - duratif - et de ce qui se répète -itératif) et cette "fois" (où le déterminant "un" peut désigner un moment unique ou indéterminé) dureront aussi longtemps et reviendront aussi souvent qu'il y aura quelqu'un pour le souhaiter.
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Les questions morales importent, car notre époque comme les autres avant elle n'a que trop d'occasions de désarroi éthique, entre un certain relativisme (qui invite à comprendre les choix de chacun sans les juger) et des impératifs moraux à défendre (anti-racistes ou anti-homophobes par exemple) - or ces questions sont trop peu adressées, peu traitées, ailleurs que dans les fictions de genre et de jeunesse.
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