Des visages : Une anthropologie

Que sommes-nous sans nos visages? Ce petit point, nommé tête, placé sur le corps, et dont la surface concentre toute notre essence et cristallise tant de significations?

Au travers de cet essai absolument passionnant, David le Breton, anthropologue attaché à l'étude du corps et à ses multiples aspects, lance une réflexion profonde sur le visage, ce morceau de chair-miroir.

Ce qui est fascinant dans son analyse, c'est l'absolu diversité des représentations que peut prendre notre face, notre trogne, notre frimousse. le visage, c'est notre tout.

Son étude se veut exhaustive et déroule avec force détail, le long récit culturel, philosophique et ethnologique que l'humanité a écrit vis-à-vis du visage.
De sa conceptualisation, partant d'un non-visage divin à celui de l'être unique, du Moi Narcisse face à lui-même.
Il aborde cette tendance capricieuse des gens à cartographier les traits d'autrui pour les classer dans une mythologie de la physiognomonie, avec tous les travers qui l'accompagne.
Puis il s'attarde sur la notion très corporelle qui entoure le visage : de nos regards et nos baisers, intimes ou scrutateurs.
Il traite ensuite de la question de l'altérité, car le visage est d'abord ce qui est vu par l'autre, notre façade première. Un double hors de soi aux formes changeantes et complexes.
Une partie porte sur la surface du visage comme espace d'expression, des émotions, mais aussi des symboles, d'une face qui se montre, s'expose, à celle qui se dérobe, se déguise ou se cache.
Il poursuit sur l'inévitable violence de la transformation liée au vieillissement; puis sur l'horreur du rejet, du délit de faciès, de cette haine et despotisme imposé aux mauvaises bouilles, celles dont la couleur, la forme, les traits ne conviennent pas, à cette dictature imposée par les normes d'un regard arbitraire.
L'apothéose reviens au renoncement de l'humanité d'autrui par l'effacement de son visage, de son identité. C'est le point d'une partie centrée sur le traitement symbolique vécu par les êtres durant la Shoah.
Une réflexion qui s'achève sur la question des visages disparus, détruits, déchirés que l'on tente de réparer, de reconstruire avec l'aide de la médecine; de cette quête du soi par l'accès à ses propres traits.

Que dire sinon que j'ai adoré ma lecture? Elle fut enrichissante, pertinente et passionnante.

Un grand merci @babelio et aux éditions Métailié pour cette lecture!

David le Breton ne me déçoit jamais avec ses écrits, toujours très clairs, intéressants, bien amenés et bien construits. J'avais notamment beaucoup aimé son "Anthropologie du rieur". C'est pourquoi, quand j'ai vu que les éditions Métailié proposait une nouvelle anthropologie de David le Breton, j'ai sauté sur l'occasion ! Je remercie d'ailleurs Babelio et les éditions Métailié pour l'envoi de ce livre dans le cadre de la Masse critique.

Le thème de cette anthropologie est tout bonnement passionnant (et si riche) :
le visage ! A travers de nombreuses références littéraires, philosophiques, artisitiques etc, David le Breton s'attelle à brosser le portrait du visage, partie de notre corps à fois si expressive et si nue.

Ce que j'ai finalement le plus apprécié dans cette anthropologie est que David le Breton s'attache à toujours relier le sujet avec l'actualité. Il y a vraiment un souci de s'inscrire dans une actualité et une réalité contemporaine : il traite des selfies, de la chirurgie esthétique, etc. Ainsi, cette anthropologie, en plus d'être une mine d'informations culturelles questionne notre rapport à notre visage et à celui d'autrui - ce qui ouvre des pistes de réflexion pour mieux appréhender, pour mieux en-visager, le visage.

Je n'aurais pas dû cocher ce livre dans la Masse critique, il n'était pas fait pour moi, en tout cas pas ce mois-ci. le sujet m'intéressait pour une raison très personnelle - et quand j'ai lu dans la longue liste des ouvrages précédents de David le Breton qu'il avait aussi abordé les douleurs chroniques, j'étais enthousiaste - mais je n'ai pas réussi à accrocher. La mise en page très dense, les multiples citations de lui-même, mon cerveau qui a perdu l'habitude des livres de fac ? Malheureusement, le travail du chercheur qui me fait mettre la moyenne à ce livre, n'est pas venu jusqu'à moi.