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EAN : 9782330130800
96 pages
Littérature (05/02/2020)
3.29/5   33 notes
Résumé :
Suite à son licenciement, Hasna se doit d'accepter les opérations de chirurgie esthétique préconisées par sa conseillère de réinsertion dans l'emploi. Elle vit très mal ces interventions et sombre peu à peu dans une étrange résistance.
Novella noire inspirée de la littérature d'anticipation, ce récit à la deuxième personne est l'histoire d'une insurrection silencieuse, d'une insurrection sans visage, à l'endroit d'une société normée par les technologies du r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Quel roman !

Au début, j'ignorais où l'auteur voulait m'amener, mais je suis resté, complètement fasciné par son style hors norme.
Une écriture très spéciale, rédigée à la deuxième personne du singulier. Une écriture toute en mouvement, en description, en réflexions philosophiques, en poésie et en agitation. Une écriture unique, qui m'a fait penser à la « prose dynamique » (en reprenant cette expression de chroniqueurs) de Mathieu Brosseau, dont j'avais lu « Chaos » il y a quelques années.
*

Des petites phrases, séparée par des virgules, qui s'enchainent, qui courent sur le papier, qui se déroulent à grande vitesse. L'histoire d'Hasna qui s'accélère au fil des pages. Où le lecteur doit suivre ce rythme s'il ne veut pas se perdre dans cette dystopie.

L'histoire d'Hasna, cette femme à la recherche d'un emploi. Mais pour toucher sa prime, il y a des règles à respecter, il y a des obligations à remplir.
Pour Hasna l'enfer commence, les situations oppressantes surgissent, les sentiments jaillissent de toute part, la solitude se fait de plus en plus oppressante.
Hasna se déstructure, se déstabilise et par la même occasion déstabilise le lecteur, car il ignore comment cette fuite se terminera.
Hasna est cette femme complètement perdue dans une société futuriste ultra moderne, elle est cet être englouti dans ce monde de l'apparence.
Un monde normé, lissé et policé qui lui torture l'esprit avec ses rendez-vous, ici chez sa conseillère d'orientation, là chez le psychiatre, autre part dans cet hôpital.
*

Pour Hasna c'est la confusion, ses frontières se brouillent, elle est affolée, presque terrifiée, elle se cache, elle s'échappe.
Bientôt elle ira se réfugier dans sa colère et dans l'insurrection…
*

Merci Camille Espedite !
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Coup de coeur ❤️

« Même les pires délinquants renoncent à se tatouer la face. le visage est la clé de ton existence et tu le sais. Il faut que tu saches t'en servir, que tu assumes et puisses te regarder dans un miroir sans sourciller. C'est ainsi que tu trouveras ta place dans la société, et aussi, un job. »

Dans un monde dystopique où le visage seul donne droit à l'existence, à l'intérieur de cette société où les « soldats de l'optique » veillent à « l'ordre scopique », une femme, remodelée, visage et sexe, pour retrouver un emploi et une vie sociale normalisée, va rentrer en dissidence.
Son corps, scanné, observé, évalué, devient un espace chaotique dans lequel elle va tenter de trouver sa liberté intime.

Chair médicalisée, boursouflée, couturée, la peau s'étale sur ce corps dans lequel cette femme se sent étrangère.
Il y a pourtant beaucoup de poésie dans cette errance charnelle : la langue d'Espedite, inventive et créatrice, se fait le reflet des hallucinations visuelles à travers lesquelles son personnage voit désormais les visages et les espaces qui l'environnent.

Elle traverse ainsi une sorte de « bad trip », dans lequel les faciès perdent leurs contour, liberté ultime et indécente d'une femme révulsée par sa nouvelle corporéité.

« Tu prends sur toi, ingurgites ton énième verre d'un geste furtif et te diriges vers les autres. Tu les aperçois à peine. Scalpés de leur faciès, les corps perdent face. (…) Tu es perdue au milieu de la jungle. Sur le qui-vive, à l'affût du moindre détail pouvant t'indiquer à qui tu t'exposes, tu fouines, tu rumines, tu évolues à pas de loup, tu fourrages, tu fougères, tu fauves, épies prédatrice, traques et peines à découvrir les silhouettes tapies dans le décor ».

Ecrit à la deuxième personne, le récit, par ce choix de conjugaison, place le lecteur dans une position de voyeur : la forme de ce bref roman l'oblige à observer, à scruter la rébellion nauséeuse, embrumée et incontrôlable de cette chair iconoclaste et le mène parfois au bord du malaise.

Visage redessiné au scalpel, fardé sous le voile. Voilé aussi le miroir aux reflets démoniaques, corps corrompu par sa propre chair, colonie dévastée par le bistouri qu'il faut reconquérir à coups de sourires falsifiés décochés au psychologue ou à la conseillère de Pôle Emploi.

C'est notre identité profonde et notre liberté ontologique qui sont mises en jeu dans ce texte dans lequel surnage cependant, plus forte que tout, la fantaisie d'être soi.
Ainsi la rencontre entre cette femme au regard diffracté et cet aveugle masqué derrière ses lunettes noires, rapprochement valsé de deux insolences pirates.

« Tu mets un moment à prendre la mesure de la révélation : un aveugle te fait face. Tu te sens d'abord stupide, mais peu à peu la découverte te transporte. Tu te résous à relever la tête et à ne rien censurer de tes visions. Ainsi ta vue fouille-t-elle son visage. (…) L'abîme de ses césures lumineuses rédime ton regard, tu vertiges dans sa peau vaseuse, te pores dans ses lignes inchoatives. de joie tes mains trouvent les siennes. Il n'osait l'espérer. »

Dans une langue ciselée, en perpétuelle métamorphose, créant une chorégraphie de mots devenus verbes au gré de son inventivité libérée, Espedite dessine les contours et la chair de ce que l'on appelle « prendre corps ».

Retrouvez aussi l'article sur mon blog :
https://rouquinerielitteraire.wordpress.com/…/cosmetique-d…/
Lien : https://rouquinerielitterair..
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Suite à son licenciement, Hasna doit accepter de subir des opérations de chirurgie esthétique qui sont préconisées par Pôle Emploi. Ces opérations devraient l'aider à trouver plus facilement du travail. Hasna est d'abord opérée du visage, puis c'est son corps et ses organes génitaux qui sont charcutés. Elle vit mal ces opérations et sombre peu à peu dans la dépression.

Dans ce monde « vaste zone uniforme, sur laquelle les paroles n'ont pas de prise, seuls comptent l'image et l'écrit, rapport de police photos à l'appui, câbles surveillance et capture d'écran, la prose du présent ».

A travers cette dystopie au style incisif, l'auteur dénonce la dictature de l'apparence et les dérives qui en découlent. Quelle place notre visage et notre physique tiennent-ils dans notre société ? Les injonctions sociales, dictées par les organismes étatiques, apparaissent comme les tortures des temps modernes. Par certains moments, les thèmes abordés dans ce roman font écho à 1984 de George Orwell. En usant et abusant de métaphores pour mettre en exergue la « bad trop » d'Hasna, Camille Espedite signe un roman percutant et ultra moderne. Un bémol cependant sur le style qui aurait pu être un peu plus épuré et faciliterait l'accès à ce roman à un plus grand nombre. Vous ne regarderez plus votre reflet dans le miroir de la même manière ...
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Un court roman et un long cauchemar. Entrelacs d'une réalité actuelle et de l'envahissement du virtuel technologique du lendemain. Réseaux, reconnaissance faciale, remodelage des chairs et injonctions intrusives
à s'adapter à ces mutations insanes. Alcool et psychotropes imbibent le tableau. C'est le cri de Munch en prose.

On attendra en vain une réaction humaine à cette révolution numérisée. Lasciate ogni sperenza voi ch'intrate...
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C'est en parcourant le catalogue des éditions Actes Sud que j'ai découvert Cosmétique du chaos de Camille Espedite. Cette novella, au titre évocateur et au pitch dérangeant, est présentée comme une fable poétique et agressive. Hasna, suite à son licenciement, doit accepter les opérations de chirurgie esthétique préconisées par sa conseillère de réinsertion dans l'emploi.

Je m'attendais à une dystopie semblable à celles publiées dans la collection Actes Noirs tel Isola d'Åsa Avdic ou L'épidémie d'Åsa Ericsdotter, mais il n'en est rien. Ce court texte se rapproche davantage de l'écriture coup de poing de Jean Baret. Entre culte de l'apparence et surveillance à outrance, l'auteur nous plonge dans un avenir sombre où la beauté (artificielle) est une prérogative non seulement nécessaire mais indispensable au lien social et à une vie si ce n'est confortable au moins décente.

Ce récit ramassé, écrit à la seconde personne du singulier, est provocant voire irritant mais surtout déstabilisant. Sa lecture est une expérience littéraire où il n'est pas aisé de suivre le propos de l'auteur. Les nombreuses circonvolutions m'ont totalement perdu, heureusement quelques envolées plus terre à terre m'ont permis de m'accrocher à cette histoire extraordinaire. Au final, je pense ne pas avoir réellement saisi le sens du récit.

Cosmétique du chaos est un court récit emprunt de violence et de questionnement qui ne peut laisser indifférent. Encore faut-il avoir saisi le message...

Lien : https://les-lectures-du-maki..
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Après un temps intervalle, tu es appelée à te rendre au bureau 17, bâtiment 2. À l’orée d’un box exigu matérialisé par trois panneaux en plastique, tu devines une voix qui te fait signe. Tu tâches de t’asseoir sur une des deux chaises. Elles sont pratiquement collées l’une à l’autre. Tu dois faire un effort pour te frayer un passage. Enfin installée, tu regardes ta conseillère, et c’est comme si tu lui dévorais le visage. Tu t’englues dans ses rides sans pouvoir la reconnaître. Tu détournes aussitôt les yeux pour ne pas céder à la panique et te concentres sur la raison de ta présence ici : l’opération chirurgicale que tu viens de subir et que Pôle emploi prend en charge. La probité se révèle si on présente bien, il faut savoir afficher sa personne, se mettre en valeur par un sourire éclatant débarrassé de ses impuretés et des marques de son vieillissement, magnifié dans son essence par la chirurgie et le maquillage, c’est fondamental, on ne marche qu’à visage découvert, sinon, c’est la suspicion de terrorisme, d’obscurantisme prosélyte, de trahison. Même les pires délinquants renoncent à se tatouer la face. Le visage est la clé de ton existence et tu le sais. Il faut que tu saches t’en servir, que tu assumes et puisses te regarder dans un miroir sans sourciller. C’est ainsi que tu trouveras ta place dans la société, et aussi, un job.
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La caméra de reconnaissance faciale de l’entrée de ton immeuble est momentanément désactivée. Tu dois composer ton code personnel pour y pénétrer. Tandis que tu ouvres la porte, tu te souviens avec effroi que le hall est tapissé d’une immense glace murale, t’interdisant ainsi le confort de l’invisibilité. Tu le franchis en déroute, comme s’il s’agissait d’un champ de bataille pilonné aveuglément par l’artillerie lourde du siècle dernier. Tu entends le bruit de la mitraille crépitant alentour, postillonnée sur les tronches des simples soldats dépassant des tranchées, casque limité à la surface du crâne mais visages nus, ces visages tout juste fièrement arborés sur les papiers d’état-civil grâce à l’invention conjointe de la photographie et de la Carte nationale d’identité, ces visages magnifiés en peinture dans les bonnes familles comme symboles de leur prestance bourgeoise et devenus populaires dans son grain noir et blanc bon marché, ces visages qu’on a livrés en pâture aux projectiles arasants de l’ennemi quand les maréchaux sifflent l’assaut, maréchaux qui se sont fait tirer le portrait après la victoire, avec monuments à leur propre gloire et gros plan sur leur regard, cinéma, c’est moi la star, en oubliant tous ceux qui n’étaient même pas morts, tous ces défigurés, bêtes de foire abandonnées dans le civil, avec obligation d’afficher leur tête monstrueuse sur leur carte d’invalidité. Tu te cloîtres dans l’ascenseur puis déboules dans l’appartement. Ton chat est là. Avec un air bovin, il chaloupe entre les lignes de ses trajectoires régulières sans faire attention à toi. Tu le trouves épais, beaucoup plus gros que d’habitude, des poils par millions, certains voletant autour de lui en une énorme crinière. Il te fait un peu peur. Tu le chasses d’une pichenette. Il déguerpit sur-le-champ. Ce geste ne t’apaise qu’à moitié. Tu réfléchis un instant, perdue au milieu de l’espace perclus de sifflements métalliques et de poussières en suspens, puis vises les miroirs disposés çà et là dans le salon. Tu les décroches un à un en évitant de les regarder. Ne pouvant ôter celui de la salle d’eau – car il est fixé sur le mur -, tu le recouvres d’un tissu. Le silence et la pesanteur reprennent peu à peu leurs droits.
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Tu caches ta gêne à l’infirmière. Elle t’explique que quelques jours seront nécessaires pour que les modifications souhaitées soient définitives. De profil, le nez peut encore remonter, il descendra peu après, le temps que l’œdème se résorbe. Ils est possible également qu’un petit érythème disgracieux apparaisse. Il ne faut pas que tu t’inquiètes. Il pourra facilement être retouché au laser. Dans deux semaines tout au plus, ton visage se conformera parfaitement à ce qui était prévu. Elle conclut son propos en te félicitant de ta splendeur. Son éloquence ne te convainc guère. Tu demeures embourbée dans la vision de ta face saccagée hantant le verre réfléchissant. Dans un geste de commisération convenu, l’infirmière te prend par la main et te guide vers la sortie. Son contact augmente ton trouble mais tu ne dis rien. Tu quittes, hagarde, la clinique Cesari et ses allures de palais royal, embarques dans un taxi. Alors que tu t’installes, tu aperçois ton reflet dans la vitre ; tu l’évites aussitôt, tentes de te concentrer sur le paysage extérieur pour atténuer ton angoisse. Au milieu du lent défilé des buildings, dressés au garde-à-vous comme autant de généraux, tu ressasses la conviction que ta tête s’est étrangement alourdie, qu’on lui a ajouté de la matière au lieu d’en avoir ôté, apposition d’une greffe vivante, un animal, un chat, ou une tumeur, quelque chose qui enfle, se ramifie, chiendent aux radicules jaillissant de toutes parts, étamines en jouvence se pétrifiant peu à peu en densités morbides. Tu règles ta course d’un billet de vingt sans attendre la monnaie.
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Sur la surface du miroir, ton visage se trouble en risées capricieuses. Aucune blessure n’a dévasté ta face, aucun mal n’a corrompu tes chairs, tu es simplement là, à peine remise d’une opération de chirurgie esthétique tout à fait anodine, à contempler quelque chose d’aberrant, quelque chose de mouvant et d’instable dans laquelle tu ne te reconnais absolument pas. Telle une antique photographie papier marinant dans une solution de bromure mal dosée, tes traits restent irrémédiablement flous et tremblotants. Ils dessinent avec peine une gueule cassée de la Grande Guerre, amas de boursouflures cicatrisant gastéropode autour d’un trou noirâtre impossible à cautériser. Ton cerveau est encore brouillé te rassures-tu, par les effluves de ton anesthésie, ton foie s’est un peu détraqué sous l’effet des substances chimiques : ça passera, oui, ça passera.
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Le jour suivant, la clinique t'accueille à l'heure convenue dans un soupir de portes vitrées et un sourire charte qualité. Tu es prise en otage dès ton arrivée, te laisses guider vers la chambre médicalisée, déshabillée à quatre mains, telle une reine, Cléopâtre à la beauté éternelle. La vulve est un visage. L'infirmière te l'explique : tu dois assumer ta féminité, tailler tes petites lèvres te permettra de ne pas avoir peur de les exhiber au moment opportun, tu gagneras ainsi en confiance, en attractivité naturelle. Il ne s'agit pas de déflorer la personnalité de ton sexe, encore moins d'atténuer son originalité, il s'agit de le lustrer comme un bijou pour qu'il resplendisse pleinement.
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Video de Camille Espedite (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Camille Espedite
Vendredi 8 septembre 2017, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) recevait Camille Espedite à l'occasion de la publication de son troisième texte, "Se trahir", aux éditions Le Passage.
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