Bachar el-
Assad a été pour moi, et je présume pour beaucoup d'autres, quasi l'incarnation même du fameux 'Printemps arabe'. Plus tard, hélas, ĺe vent a commencé à tourner et il m'a déboussolé en ressemblant de plus en plus à son triste sire de père Hafez el-
Assad (1930-2000). Pendant tout un temps, j'ai continué à croire et espérer, me convainquant qu'il était tout bonnement prisonnier de l'ancienne équipe de son père, qui exerçait sur lui une pression indue, de peur de perdre pouvoir et privilèges. Encore plus tard, je devais me rendre à l'évidence que je ne comprenais plus rien au personnage central de la tragédie syrienne.
J'avais lu, avec un petit retard certes, l'ouvrage du journaliste britannique,
Alan George, "
Syria : Neither Bread nor Freedom" - ou La Syrie, ni pain ni liberté - dans lequel l'auteur se félicite de l'hypothèse d'un véritable printemps, tout en s'inquiétant de certains signes avant-coureurs disruptifs.
Ceci explique pourquoi j'ai choisi sur la dernière liste de Masse Critique l'ouvrage de Régis le Sommier, un des très rares journalistes - sinon le seul - à avoir rencontré à plusieurs reprises, Bachar et son épouse Asma, y compris en rendez-vous "off'".
Je remercie Babelio et les Éditions
De La Martinière pour l'envoi de "
Assad", comme ce livre a été simplement titré.
Deux facteurs expliquent mon engouement pour ce pays. En 1972, j'ai pendant 3 semaines fait le tour de la Syrie et y put admirer l'impressionnant Krak des Chevaliers (la forteresse au milieu de nulle part et qui remonte aux croisades), l'autant impressionnante Citadelle d'Alep, la splendide Grande Mosquée des Omeyyades à Damas du VIIIe siècle et le site historique de Palmyre, où les djihadistes de l'État islamique ont fait de leur mieux pour dédommager un maximum, en octobre 2015 ! En 2006, j'ai fait la connaissance d'un brillant étudiant originaire de Lattaquié, la ville portuaire où Poutine a sa base, et Chad et moi sommes devenus amis, avant que la réalité de l'horreur syrienne nous séparait
.
Déjà sur la page 22,
Régis le Sommier annonce la couleur et note : "À ma connaissance, aucun autre leader au monde n'a connu une telle déchéance. Aucun ne s'est retrouvé au ban des nations aussi rapidement alors qu'auparavant on lui déroulait le tapis rouge".
Penser que sans l'accident de voiture mortel de son frère aîné Bassel, en 1994 à 31 ans, Bachar serait peut-être resté un paisible ophtalmologue à Damas, Londres ou Paris, comme lors de son stage, au lieu du "Zaim" (leader politique au Moyen-Orient), largement coresponsable de tant de morts et 4 millions de réfugiés à l'étranger. La population syrienne était de 21, 12 millions en 2004, contre 17,18 millions en 2016. Soit un huitième en fuite. Selon le Monde cette guerre avait, en mars 2017, déjà fait 465.000 morts et disparus. Environ 200.000 se trouvent incarcérés.
Quoique Bassel el-
Assad aurait pu être pareil ou même pire. N'oublions pas que le nom choisi par Hafez de "
Assad" signifie 'lion' en Français.
Qu'au directeur adjoint du plus célèbre magazine français, Paris Match, des portes s'ouvrent qui resteraient hermétiquement closes à la majorité d'autres journalistes est évident, mais cela n'enlève rien au mérite de Régis le Sommier d'avoir réussi le tour de force à l'ouvrir à répétition.
D'abord , en décembre 2010, il a eu une entrevue avec la charmante Asma el-
Assad, qui ne lui a pas appris beaucoup ne voulant pas se mouiller dans des questions politiques. Fin novembre 2014, ce fut le tour à son mari. Et là je dois dire qu'il s'y est pris très bien. N'ayant pas eu peur de poser les bonnes et difficiles questions, cette interview vaut absolument la peine d'être lue ! Fin mai 2015, l'auteur parvient à obtenir une entrevue de presque 3 heures avec le Président syrien en petit comité, rien qu'eux 2, même pas d'interprète. le compte-rendu de cette rencontre surprenante est un "must" pour tous ceux qui veulent comprendre la situation ultra-compliquée de la guerre meurtrière dans ce pays et qui - comme moi - désirent cerner le personnage de Bachar el-
Assad. Ce serait une erreur de ma part d'essayer de la résumer.
Juste que la situation y est effectivement exceptionnellement complexe. Sur le terrain se bat l'armée officielle contre Daech, Al-Qaida et une myriade de groupes rebelles, aidée par le Hezbollah libanais, des troupes d'élite russes et une aide de l'Iran. Sur la scène internationale, cette guerre divise le monde : d'un côté donc la Russie et l'Iran qui soutiennent Bachar, de l'autre côté la France, l'Union européenne, les États-Unis et les régimes médiévaux du Qatar et de l'Arabie Saoudite, qui estiment qu'une paix peut uniquement intervenir en l'absence de Bachar. Et pour couronner le tout, il y a le vizir Iznogoud-Erdogan qui poursuit implacablement son propre agenda, contre les Kurdes, par exemple.
Ce qui complique également ce dossier est lié à la personnalité même de Bachar el-
Assad. Contrairement au démoniaque
Saddam Hussein d'Irak, au capricieux dangereux
Mouammar Kadhafi de Libye et l'autant dangereux et imprévisible Recep Tayyip Erdogan de Turquie, Bachar est un intellectuel relativement jeune (°1969), bon père de famille, mari-modèle, bien renseigné, convaincu de sa mission pour son peuple et qui désoriente le monde par son attitude de "profil bas".
Mais il y a eu les bombardements par son armée avec des armes chimiques !
Malgré l'excellent ouvrage de Régis le Sommier, honnêtement il me faut reconnaître ne pouvoir répondre à la question fondamentale si cette horrible guerre s'arrêterait avec la démission de Bachar el-
Assad comme Président de la république syrienne ?