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EAN : 9782021349399
304 pages
Seuil (01/12/2016)
4.02/5   128 notes
Résumé :
Depuis 2012, plus d'un millier de Français sont partis rejoindre des groupes jihadistes en Syrie. Près de 700 sont toujours sur place, près de 200 ont déjà été tués, et autant ont choisi de rentrer. David Thomson a rencontré ces "Revenants". Il est l'un de leurs meilleurs connaisseurs. Il les suit depuis des années, les a parfois connus avant leur départ et entretient avec eux des relations directes et régulières.
Bilel, Yassin, Zoubeir, Lena... S'ils ont des... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Longtemps "moqué" (c'est relatif) médiatiquement pour ses craintes liées à l'endoctrinement des djihadistes français, David Thomson est rapidement devenu LA référence journalistique pour les questions de terrorisme. Le présent ouvrage est assez pertinent et permet de détailler un peu plus le parcours de certains "monstres", et d'autres moins monstres. On serait tenté de dire carrément que ce sont des brebis égarées dans certains cas.. Son style se veut neutre, ni complaisant, ni accusateur. Bon équilibre. Je présume que c'est cette approche qui lui a permis de gagner la confiance de ces jeunes et de la garder au fil des années (et des événements).

De manière générale, j'ai été particulièrement frappé par la recherche de légitimation permanente de ces djihadistes. Certains sont simplement perdus ou en manque de perspective, d'autres sont carrément des pervers (pas uniquement sexuels bien entendu). Dans tous les cas, ces joyeux petits compagnons se retrouvent dans une aire de jeux, Syrie-Irak, qui permet d'assouvir leurs besoins meurtriers, sexuels, de domination, de religion aussi, etc.. Quelles que soient leurs actions, celles-ci se verront toujours justifiées divinement d'une manière ou d'une autre, pourvu qu'elles aident l'EI à se renforcer.

La fin du livre est une synthèse des différents entretiens menés. L'auteur pose une analyse générale de la situation de ces jeunes, en reprenant souvent mot pour mot leurs expressions. Il en ressort, notamment, que la réponse politique apportée est complètement en phase de test. Personne ne sait vraiment quoi faire. Alors on fonctionne par expérimentation. On observe, et on tente d'apprendre. Le meilleur exemple reste quand même le biais de genre qui a prévalu pendant longtemps: une femme ne pouvait pas vraiment être assimilée à cette idéologie de manière autonome. Non, il devait être plus que probablement question de soumission quelque part. Il en ressort que ce n'est pas le cas. Les femmes sont, si pas plus, au moins aussi convaincues de la légitimité de ce combat que leurs congénères masculins.

Il ressort également de ces entretiens que l'argument "ça n'a rien à voir avec l'islam" semble très léger pour les convaincus. Un des "repentis" l'explique très bien (le plus intéressant des djihadistes suivis à mes yeux): la démocratie n'est pas compatible avec l'islam. Dire qu'il est possible de concilier une approche démocratique et religieuse avec es gens n'a aucun impact sur ces personnes. En effet, comme dit dans les dernières lignes du livre, la souveraineté populaire revient à usurper le droit à produire des lois. Ce droit n'appartient qu'à Dieu et, de fait, l'homme se met à la place de Dieu pour édicter "ses" lois. Pour des personnes qui ne jurent que par les "textes" (c'est relatif), les solutions apportées pour concilier démocratie et islam sont quasi automatiquement rejetées.


De manière générale, l'approche journalistique (micro) est intéressante, et convaincante. Cette lecture vient, à mon sens, en complément du livre (plutôt macro) du sociologue Gilles Kepel "Terreur dans l'Hexagone, Genèse du djihad français".
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Ils sont partis, ils ont combattu, ils ont tué puis écoeurés, déçus, ou par peur ils sont revenus. Parfois, leur famille est partie au péril de la vie de chacun des membres ou de leur liberté afin de les aider à revenir en France....."Ils" ce sont ces ados, ces garçons et filles aussi, partis par centaines faire le djihad en Syrie ou ailleurs. Des français et françaises, des banlieues ou non, qui depuis sont emprisonnés ou portent un bracelet électronique et pointent régulièrement dans les commissariats....Certains d'eux parfois repartiront combattre, pressés de fuir une deuxième fois la France ou attirés par la mort...Certains sont revenus pour tuer en France, d'autres se déclarent repentis.
Certains sont des paumés embrigadés, d'autres sont des fous tueurs sans états d'âme
David Thomson a rencontré une centaine de ces combattants du djihad, afin de connaître l'histoire personnelle de chacun d'eux, ses motivations, son parcours scolaire, les conditions de sa décision de départ de France et de retour. Il a réussi à les mettre en confiance. Leur anonymat a été conservé.
Connaître afin de nous informer, sans porter de jugement, parce qu'il est journaliste.
Cette enquête m'a passionné et m'a fortement remué et inquiété. Ces jeunes de toute condition sociale, de toute religion - il a même écouté un ancien enfant de coeur - ont tout plaqué, et sont partis pour combattre. Shit, religion, malaise social, milieu familial, niveau scolaire, etc. se mèlent et s'additionnent.
Des imams auto-proclamés savent utiliser une faiblesse temporaire, une détresse sociale, un accident familial, un parcours scolaire chaotique, ou un échec professionnel pour faire entrer la haine de la France dans la tête de chacun d'eux. Parfois ce fut un ami d'enfance, ou une rencontre fortuite. L'imam s'est appuyé sur des versets du Coran sortis de leur contexte historique et faisant référence à des événements vieux de plusieurs siècles, pour leur dire «tu vois le Coran le dit».
Effrayant!
Effrayant de constater, le rôle qu'ont tenu dans la décision de départ de chacun les réseaux sociaux, les mêmes que ceux que nous utilisons pour partager nos événements familiaux, nos informations culturelles...Ceux-ci ou d'autres plus confidentiels véhiculent une "propagande jihadiste francophone extrêmement sophistiquée et attractive". David Thomson a effectué un travail sociologique de profondeur, un travail de cinq ans qui interpelle chacun de nous, parents, responsables d'associations, responsables politiques locaux au plan nationaux...Qu'on en juge : "en chiffres absolus, avec plus de 100 départs, mais pas en proportion de sa population, Nice est ainsi la ville la plus touchée en France". Chacun est concerné.
Il semble que la France est le pays occidental le plus touché par cette problématique...Pourquoi? Des hypothèse sont avancées, toutes dérangeantes, méritant un travail en profondeur.
A la suite des attentats de Trèbes (60 km de mon domicile) j'ai cherché des livres sur ce problème qu'est le djihadisme... J'ai découvert cet auteur, ce titre.
Le "prix Albert-Londres du livre" n'existait pas...il vient d'être créé et "Les revenants" est, signe des temps, le premier ouvrage à l'avoir obtenu. C'est le deuxième livre écrit par David Thomson sur le djihadisme...Il connait le sujet et a été correspondant de RFI en Tunisie...l'un des pays qui a donné au monde le plus fort taux de djihadistes. Menacé de mort il a décidé de quitter la France et de ne plus travailler sur le djihadisme. Il est depuis correspondant de RFI aux Etats-Unis. Mais il prévient : "L'Europe est condamnée çà subir le contre-choc des erreurs qui ont été faites"
Il les montre du doigt, témoignages à l'appui.
"Revenant" veut parfois dire "repenti", parfois seulement ...et "repenti" pour combien de temps? «Il est impossible de s'assurer de la sincérité du repentir d'un djihadiste» dira-t-il lors d'une interview
Cerise sur le gâteau : Lors de l'émission "Ce soir ou jamais" du 25 avril 2014 animée par Frédéric Taddeï, un des participants a asséné le coup de grâce à David Thomson en lui disant qu'il n'y connaissait rien...

Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Un ouvrage que j'ai dévoré ! Je ne peux que le conseiller à tous ceux qui s'intéressent à ce sujet aussi bien sociétal que géopolitique.

David Thomson nous offre ici l'opportunité de comprendre, tout du moins de tenter de comprendre, ce phénomène ô combien complexe : les raisons qui peuvent pousser de jeunes Français à partir faire le jihad, les conditions de leur arrivée, leur vie sur place, leur retour en France, l'organisation des organisations terroristes, etc. Le tout en livrant de nombreux éléments de compréhension sur les textes musulmans.
Il critique également la gestion mise en place par l'Etat français et n'hésite pas à souligner les travers de la fameuse "déradicalisation" qui apparaît finalement plutôt comme un mirage médiatique que comme une solution.

Je ne mets pas cinq étoiles car il convient de souligner certains manques, il faudrait compléter cette lecture avec des ouvrages plus scientifiques comme ceux de Gilles Kepel par exemple.

Ce livre reste cependant une vraie mine d'informations qui permet d'ouvrir notre esprit en appréhendant le sujet de façon multicausale. A LIRE !
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un journaliste suit ces Français qui font la hijra (la migration en terre de Sham, c'est-à-dire la Syrie et l'Irak aux mains de Daesh/l'EIIL/l'EI...) et qui en reviennent : hommes, femmes, souvent jeunes (la vingtaine), embrigadés via facebook ou par une "figure" locale, partis pleins de confiance vers ce territoire où le "vrai" islam règne, convaincus de défendre un idéal de vie et qui finalement se trouvent immergés dans la réalité de la guerre et d'un Etat totalitaire au milieu des bombardements de la Coalition occidentale ... désillusions le plus souvent, parfois retour "pratique" (accoucher dans de meilleures conditions) ... comment rentrer ? quelle place prendre ou retrouver auprès de l'Etat français, de la famille, des "frères" et "soeurs" restés là-bas ? quelle vie après avoir vécu quelques mois, quelques années dans ce contexte ultra-violent ? Qui part et pourquoi ? Que faire pour ceux qui reviennent : sont-ils une menace pour la France ? Peut-on les "déradicaliser" ?... autant de questions auxquelles David Thomson tente de répondre grâce à la centaine de jihadistes français qu'il a suivi et suit encore. Il n'y a pas un profil réel, il y a même des jihadistes qui n'ont jamais mis un pays au Sham et qui perpétuent des attentats sur le sol français ...
Quel bilan faire de cette lecture ? Elle est assez anxiogène : il y a une menace réelle, "déradicaliser" est selon l'auteur une utopie (il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut entendre, ... surtout si le discours qu'il entend n'utilise pas les bons codes !)... La galerie de portraits proposée balaie divers profils : sexes, origines, motivations, rôle en Syrie, motifs conditions et parcours de retour ... La synthèse finale est bienvenue. Si vous êtes béotien en ces questions de sociologie et de géopolitiques, le livre est peut-être un peu dense (les notes de bas de page éclairant le vocabulaire jihadiste sont bienvenues et claires). Si vous êtes déjà interpellés par cette question de l'embrigadement, à travers des films comme le Ciel attendra ou des romans de plus en plus nombreux sur le sujet, cette approche est un documentaire -le ton est plus distancier, plus "scientifique"- et présente l'avantage de réfléchir sur un parcours : comment on décide de partir, la confrontation entre l'imaginé et le vécu une fois sur place et le retour -étape à ma connaissance moins traitée jusqu'ici-. l'écriture est agréable et accessible, la lecture assez rapide. le journalisme doit garder une distance vis-à-vis des autorités, pour la protection des sources et le respect des libertés. Néanmoins ce genre d'ouvrage me conforte dans l'idée née au fil des années en suivant notamment le Prix Bayeux des Reporters de guerre, qu'autorités et universitaires (géopoliticiens, politologues, sociologues ... souvent loin du terrain et "théoriciens") ne doivent pas négliger le regard et la lecture des faits par les journalistes qui vont sur le terrain, ont accès à des "sources" différentes ou par un autre biais... Leur lecture des faits qu'ils observent souvent de l'intérieur, leurs "intuitions" sont souvent très pertinentes : montée d'al Qaïda puis de l'EI, mondialisation du Jihad ... comme le rappelle l'auteur en introduction.
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Depuis l'apparition de Daesch, depuis les attentats commis par ses fidèles sur le territoire national, politiques, journalistes et spécialistes auto-proclamés font le diagnostic: le danger islamiste court dans le pays. Qui? Pourquoi? Comment? Les questions fusent. Les esprits responsables essayent de comprendre pour armer la République contre ses propres citoyens. Comment la sauver, la protéger, en effet, des attaques perpétrées par des nationaux à l'intérieur de son territoire? Tous s'accordent: il faut être dans l'action et la prévention. Autrement dit, il faut empêcher la radicalisation des esprits sains et assurer la dé-radicalisation de celles et ceux qui sont touchés par le fléau. le virus est détecté, le diagnostic est posé, les remèdes sont recherchées: qui propose l'enfermement des fiché(e)s, qui veut les réinsérer par une entreprise floue dans la réalité qu'ils auraient abandonnée. Et tous demandent si ses solutions sont efficaces. Peut-on, en effet, lutter contre la radicalisation de la pensée? Peut-on la dé-radicaliser quand elle est constatée?

Après quelques essais, la réponse est formulée, l'échec est avoué: la dé-radicalisation ne peut fonctionner pour celles et ceux qui sont persuadés de penser bon et juste, pour ces individus qui croient profondément en leurs idées, qui pensent détenir la vérité et qui ne peuvent lire le monde qu'à partir de leur grille de lecture. L'échec n'était-il pas, dès le départ, évident? Fallait-il autant de temps pour invalider la démarche? Il fallait, à mon sens, avant toute entreprise de dé-radicalisation, poser et répondre à quelques questions qui me semblent essentielles: qu'est-ce qu'une pensée radicalisée? Par ricochet, qu'est-ce qu'une pensée non-radicalisée? Comment passe-t-on de l'une à l'autre? Qui peut juger de cette radicalisation? Qui est légitime pour le faire? La réponse à ces questions aurait, j'en suis persuadée, évité le temps perdu. Elle leur aurait permis de voir, en effet, que la conviction est difficile à ébranler, qu'un raisonnement lorsqu'il se croit juste ne parvient pas à se détendre avec des contres-arguments, que la chose n'est possible que pour celles et ceux qui sont prêts à échanger, discuter, débattre. Pour les autres qui sont dans une confrontation pure avec leurs « adversaires », leurs « ennemis », le changement n'est guère possible, encore moins quand il est proposé par ces mêmes « contradicteurs ». le livre de David Thomson le montre d'ailleurs parfaitement. Il révèle également la complexité du phénomène, la difficulté à élaborer un profil pour ces personnes qui épousent le djihadisme. Les responsables, intellectuelles et politiques, veulent savoir qui, pourquoi, comment et, à cette fin, observent et étudient ces hors-la-loi mais, malheureusement, si les protagonistes ont quelques points communs, il n'est guère possible de les confondre dans un profil unique.

Ce livre, à lire absolument pour sortir de l'ignorance crasse dont sont imprégnées les « têtes » (journalistes, intellectuels, politiques) en France, a raison d'être, d'exister. David Thomson a fait ce qu'il fallait exactement faire pour se rendre compte des erreurs commises, pour éviter les pensées et jugements erronées: il a interrogé les acteurs mêmes du terrorisme, les a approché pour nous révéler, dévoiler leurs être, leur façon d'être dans ce monde. Ils sont répugnant mais ils sont. Ils existent sur cette terre et, sauf cas d'exception, ils ne peuvent être considérés comme des brebis égarés parmi les loups. Ils sont les loups.
Lien : http://kanimezin.unblog.fr/2..
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critiques presse (1)
LeDevoir
12 décembre 2016
Le livre, prémonitoire, laissait d’ailleurs présager la violence d’actes terroristes sur le territoire français bien avant les attentats de Paris.
Lire la critique sur le site : LeDevoir
Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
Au fil des mois, Zoubeir a de plus en plus le sentiment que le « LOL jihad » des Français est l’importation en Syrie d’« une culture de cité ». Certes, le phénomène touche aussi les classes moyennes, voire, dans certains cas beaucoup plus rares, supérieures de la société française. Près d’un tiers des cellules familiales dont ils sont issus sont également chrétiennes, parfois même juives.

Mais les convertis proviennent eux-mêmes très souvent de foyers chrétiens issus de minorités : de l’immigration portugaise, asiatique ou d’Afrique subsaharienne, en passant par la communauté des gens du voyage et de nombreux cas originaires des Antilles françaises et des territoires d’outre-mer. Les zones rurales ne font pas exception.

Ces dynamiques ne se résument pas uniquement à l’équation immigration-délinquance-banlieue. Mais la sociologie jihadiste française concerne dans une large majorité des jeunes affichant un faible niveau d’études, socialisés dans la culture musulmane et dans les quartiers populaires français.

Zoubeir estime que seule une minorité est animée d’une logique de piété, de combat authentiquement religieux, rejetant toute ostentation sur internet. À ses yeux, derrière un vernis fondamentaliste, la plupart conservent en Syrie un comportement similaire à celui qui était le leur en France. Ils ne modifient pas tant leur mode de vie qu’ils l’islamisent, tout en prenant une revanche sur un passé français de frustrations, en exerçant sans entrave leur volonté de puissance, par la force des armes.

« Cette ambiance de cité existe vraiment chez l’EI. Les habitudes de cité n’ont pas trop changé en vérité. Le langage est le même. Les jihadistes ont islamisé le vocabulaire qui caractérise la délinquance. Avant ils auraient dit “tapettes”, aujourd’hui ils disent “murtad”, apostat. Mais c’est exactement pareil que quand ils insultaient les gens avant dans leur période d’égarement, la jahilya. Les mots s’arabisent, s’islamisent, mais les comportements restent les mêmes. Ils s’insultent, ils font des punchlines comme dans le rap, mais à la gloire de Daesh. Même là-bas, ils étaient toujours attirés par tout ce qui est or, femmes, armes… C’est les mêmes centres d’intérêt qu’ils avaient en banlieue, c’est les mêmes plaisirs. » Sauf que, détaille Zoubeir, « ce qu’ils ont volé, ils vont dire qu’ils l’ont pris en butin. Ils ont fait une ghanima. Quand ils vont mentir à des gens qui ne sont pas comme eux, ils vont pas dire que c’est du mensonge, ils disent que c’est de la ruse. Quand ils parlent d’insulter, ils vont dire que Dieu les a autorisés à médire sur les mécréants. Ils font leurs mêmes conneries, mais avec un peu plus d’islam, d’islamité dedans ».
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La Syrie jihadisée prend les atours d’un pays de cocagne matériel et spirituel où les dominés deviennent dominants, où les rapports de classes sont inversés, où des jeunes Français en majorité issus des minorités s’approprient le monopole de la violence physique légitime d’État, au prix d’un aller simple pour la Turquie. Souvent au bas de l’échelle sociale en France, ils intègrent en Syrie le groupe qui est au pouvoir. Soumis à une législation dont ils s’estiment victimes en France, ils deviennent les garants de l’imposition ultraviolente de leur propre législation en Syrie. C’est la revanche sanglante des humiliés, le remède à toutes les frustrations, générant dès 2013 des départs exponentiels alors que le phénomène est encore inconnu des médias et mésestimé par les services de renseignement. Le jihad en Syrie est alors vendu et vécu comme une expérience de jouissance individualiste et collective, légitimée religieusement, offrant un statut de chevaliers de l’islam et l’effacement de tous les péchés.

Tout ce qui n’était pas possible en France devient possible en Syrie. Nike Air aux pieds, fusil d’assaut dans une main, smartphone dernier cri dans l’autre, le consumérisme capitaliste n’a en rien disparu chez ces Français. Tout ce qu’ils ne pouvaient pas posséder en France est à portée de main en Syrie au titre du « butin de guerre ». Cela au nom d’une cause présentée par la propagande comme ontologiquement noble, valorisante et rédemptrice : défendre les musulmans en créant une cité idéale avec, à la clé, la promesse pour cette poignée d’élus du plus haut degré de paradis dans l’au-delà. « On voit les vidéos où ils sont dans des piscines, ils s’amusent, ils mangent des glaces, du Nutella. Ils prennent des photos avec des chats, ils vont dans des parcs d’attractions. Du coup, ils s’éclatent vraiment et ils se sentent libres. Plus aucune contrainte, plus de soumission à un système, comme ils disent, corrompu, explique Zoubeir. Ils sont dans le meilleur des systèmes, libres de profiter, sans culpabiliser. Quand ils s’amusaient en France, ils se disaient : “Ah oui, mais ce qu’on fait ici, ce n’est pas bien, on s’amuse alors que des gens sont en train de se faire tuer dans le monde.” Mais le fait que maintenant eux aussi sont partis combattre les gens qui opprimaient leurs frères, ça ne leur pose plus de problème de profiter de la vie. »
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En bon petit soldat, Abou Mujahid valide tous ces éléments de langage, à la lettre. Ses appels au crime vengeur sonnent comme un morceau de rap. « On est des soldats de l’État islamique, ils nous tuent, on les tue, lance-t-il. Tu tues ma femme, je tue ta femme. Tu tues mon enfant, je tue tes enfants. C’est clair. Le mec de la coalition qui a tué je sais pas combien de usulmans à Manbij, il va rentrer chez lui, il va faire l’amour avec sa femme et il va boire son café au lait le lendemain tranquille. Donc nous on s’en fout, on tue femmes, enfants, chiens, chats, chameaux ! On tue tout ! On explose tout ! On explose l’économie du tourisme. On veut faire couler ces pays. Mais on fait pas ça juste comme ça. Y a un intérêt, l’EI, il a pas attaqué la France avant qu’ils viennent avec leurs avions. »

Pour fonder religieusement la légitimité de l’EI à appliquer la loi du talion, Abou Mujahid sort des documents en français de son smartphone, références coraniques à l’appui. « Si tu veux les preuves islamiques sur quoi les mujahidin se basent pour frapper les mécréants sur leurs terres, eh ben tu peux lire ces PDF et tu vas tout savoir. Ils s’appuient sur des versets du Coran très clairs, y a le nom de la sourate et le numéro du verset : sourate An-Nahl, verset 126 : “Et si vous punissez, infligez [à l’agresseur] une punition égale au tort qu’il vous a fait.” Ensuite sourate Al-Baqarah, verset 194 : “Donc quiconque transgresse contre vous, transgressez contre lui, à transgression égale”. »

Un autre de ses PDF s’intitule « Clarification sur le fait de viser des femmes et des enfants ». Un autre légitime les opérations kamikazes : « L’avis islamique concernant la possibilité de réaliser des opérations de sacrifice, suicide ou martyre ? » Inutile de le lire pour en connaître la réponse. Enfin un dernier visuel, réalisé après l’attentat de Nice dans lequel un tiers des 86 tués étaient de confession musulmane, légitime le fait de tuer des musulmans, considérés comme dommages collatéraux en cas d’attentat en « terre de mécréance ». « Pour nous, il n’y a plus de débat là-dessus », martèle Abou Mujahid.
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Plus ils me disaient c’est pas ça l’islam, plus j’étais convaincu du contraire. Pour les gens de cette idéologie, plus leurs ennemis, c’est-à-dire l’Occident, leur disent que c’est pas ça l’islam, plus ils sont convaincus du contraire. Ils disent que c’est un discours pour endormir les gens, pour vous encourager à rester ici, à être complètement passif par rapport à ce qui se passe dans le monde. Moi, j’avais lu à ce moment-là une parole d’un livre d’Ibn Talib, c’était un des premiers califes. Il disait : “Si vous voulez savoir où est la vérité, regardez dans quelle direction vont les flèches des mécréants.”
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Dans le débat sur la question salafiste en France, Zoubeir a désormais une opinion tranchée. À ses yeux, dans son parcours, cette idéologie rigoriste prônant des valeurs fondamentalistes de rupture, en opposition complète avec celles de la République française, a clairement été une étape déterminante dans son processus de radicalisation religieuse. Certes, ces deux branches du salafisme s’opposent donc violemment, mais Zoubeir considère aujourd’hui que, pour lui comme pour une majorité de Français rencontrés en Syrie, le quiétisme a préparé le terrain et constitué un marchepied vers son basculement dans le jihadisme. « Ça a eu une grande influence parce que c’était le premier reflet que j’avais du salafisme. Petit à petit, je pensais que ce n’était jamais assez, et que le stade le plus élevé, c’était le jihadisme. C’est celui où tu coupes tous les liens, c’est celui où ils te disent que tu peux pas vivre tranquillement, donc il faut que tu meures vite, faut que tu combattes, en fait c’est la souffrance. Je pense pas qu’il y ait quelque chose au-dessus. Au niveau humanité, l’idéologie la plus déshumanisée au monde, c’est celle-là. Je voulais toujours plus donc je suis arrivé à ce stade-là. »
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