Un auteur que je viens de découvrir et une bien sympathique rencontre. Ce recueil de nouvelles est très beau, bien écrit, très poétique et il fait réfléchir autour de la citation de versets du Coran. Des passages de ce livre sont étroitement mêlés à l'actualité de ce début janvier 2015.
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On dit que le premier amour est inoubliable, et cette assertion comporte assurément une grande part de vérité. Les années passent, les traits de l'être par qui nous ont été révélés le grand mystère et la grande consolation de la vie se sont bien estompés, nous ne pensons pas à lui ni notre coeur ne bat la chamade quand le hasard nous fait rencontrer une personne portant le même nom que lui et...
Et soudain, un jour, sans crier gare, le voici qui se rappelle à notre souvenir, son nom qui chante à notre oreille comme une mélodie, sa voix ô combien familière qui nous interpelle comme si nous nous étions quittés la veille, son sourire lumineux qui nous emplit à nouveau de joie et de bonheur, comme son visage juvénile sur lequel le temps impitoyable semble avoir glissé comme une brise, sans y laisser la moindre trace.
Pour moi, c'est par la porte du rêve qu'eut lieu la résurrection de ce premier amour.
Un sourire de contentement, de bonheur indicible, ne tarda pas à illuminer son visage.
Les versets du Coran que psalmodiait encore, d'une voix très douce, l'un de ses trois amis, venaient de lui en rappeler d'autres, admirables, merveilleux, qui se trouvaient dans la même sourate :
"C'est pourquoi nous avons donné ce précepte aux enfants d'Iraël : celui qui aura tué un homme sans que celui-ci ait commis un meurtre, ou exercé des brigandages dans le pays, sera regardé comme le meurtrier du genre humain; et celui qui aura rendu la vie à un homme sera regardé comme s'il avait rendu la vie à tout le genre humain."
Une immense joie dilatait son coeur, son être entier. Il renfila sa gallabiya, toute poudreuse maintenant, s'y dressa, plus majestueux encore; humble, immense, le visage illuminé.
Il avait rendu la vie à tout le genre humain.
Sur un sable blanc et fin, face à la vastitude bleue de la mer, la mer une et au nom multiple - Egée, mais aussi mer Ionienne, et de Crète, et de Marmara -, face à la multiple splendeur, dans la lumière cristalline diffusée par un ciel d'azur baignant comme une autre mer la terre, se tenait debout un adolescent grec, nu, immobile comme une statue qui eût été sculptée dans la matière même, subtile et impondérable, dont était faite cette lumière. Il était de la ville d'Ephèse; sa beauté irradiait. (Le philosophe dévoré par les chiens)
Par douze fois, dans le verger incultivable du ciel, la lune, fruit d'or et d'argent, s'était épanouie et fanée, depuis que le jeune Hiroki avait franchi pour la première fois la porte du monastère zen.
Durant toute cette année, comme les autres novices, il avait été affecté aux travaux ménagers. Ceux-ci consistaient à balayer le sol, ratisser lentement, méticuleusement, le gravier du jardin jusqu'à ce qu'il présentât la forme de vagues ondulantes, épousseter les statues du Bouddha, préparer les deux repas quotidiens, frugaux et pris en commun par les moines. (Retour au monde flottant)