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EAN : 9782491517113
192 pages
Aethalides (24/06/2021)
4.25/5   10 notes
Résumé :
France 2029. Alain Barfol, professeur de philosophie et militant de gauche, commet sans le vouloir un acte sacrilège que la société, désormais dirigée par les valeurs d’un féminisme militant, ne lui pardonne pas : une main aux fesses portée à une journaliste alors
qu’il visait, potache, le postérieur d’un vieux camarade. Il est alors interné dans un centre de rééducation, où on lui impose de se défaire de ses stéréotypes machistes, sous peine de ne pouvoir r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
Nos sociétés occidentales ont évolué, depuis les années 60, grâce aux avancées obtenues par ce féminisme qui a eu besoin d'une certaine radicalité pour s'imposer dans un monde totalement verrouillé par le patriarcat. Ce progrès notable et bienfaisant aurait presque fait oublier que les mots en -isme sont porteur d'un extrême qui peut aussi tourner au danger. Et à voir dans quelles voies se lancent ce qu'on essaie d'appeler aujourd'hui le néo-féminisme, on comprend vraiment que ce suffixe doit toujours amener à de la vigilance face aux excès possibles.

C'est a priori le sens que je voulais trouver dans ce "Délivrez-nous du mâle" qui se proposait d'aborder ces questions sous un angle comique, mais que le résumé pouvait permettre d'espérer malgré tout riche également de réflexion. Merci à la Masse Critique Babelio et aux éditions Aethalidès de me permettre d'aller le vérifier.

Je n'ai été que partiellement satisfait. J'ai dans la première partie du récit, regretté d'abord que la volonté humoristique prime quasi toujours sur le sens. La caricature est nécessaire quand on cherche le rire sur ces sujets, mais elle tourne ici à certains moments au ridicule. le personnage principal qui mériterait d'attirer l'empathie est régulièrement détestable et nous pousse à certains moments à hésiter entre le soutenir ou l'abandonner avec délice dans les bras de ses tortionnaires. Un rééquilibrage au milieu du récit qui fait un tant soit peu évoluer le personnage et un final aux conséquences intéressantes rééquilibrent un peu le tout, mais insuffisamment à mon goût.

L'autre problème réside dans le déséquilibre entre les passages de dialogue-action et des passages plus théoriques. La différence totale de style entre les deux est perturbante. On passe de dialogues plutôt banals et parfois même assez niais à certaines tartines beaucoup mieux construites et intéressantes, mais parfois presque inutilement dogmatiques et pompeuses.

Deux passages très drôles et qui savent trouver le ton juste sauvent heureusement l'ensemble: les dialogues avec le docteur(e) en recherche totale de son identité genrée et qui perd son interlocuteur autant qu'il est perdu, et la scène de théâtre-forum sur la bonne attitude à avoir face au piège de la galanterie. Il est difficile de maintenir un haut degré d'exigence tout au long d'un roman mais on est d'autant plus frustré de certains passages raplapla qu'on constate le talent indéniable de l'auteur par ailleurs.

Au final, dans l'exercice d'équilibriste que constitue un livre politiquement incorrect à notre époque, on se doit de saluer un auteur qui aura su éviter certains pièges, mais je ne peux que dire que j'en attendais mieux, même si je ne sais pas si mieux était possible !
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J'ai eu la chance de lire ce livre paru récemment car je l'ai remporté, grâce à un concours qu'organisait Babelio et la maison d'édition.
Je ne manque pas de livre, la PAL déborde, et j'en ai eu à prêter… mais devant celui-là, je n'ai pas su résister longtemps.
Des comédies, dans ma bibliothèque, il y en a peu… j'avais besoin de me détendre.
J'ai lu le pitch, et je me suis dit : il a osé et je me suis dit aussi qu'à priori, j'allais passer un bon moment. Et ce fut le cas. J'ai franchement ri des mésaventures que vivait notre anti-héros : Alain Barfol, et j'ai eu souvent pitié de lui.
L'auteur a une plume agréable et très fluide, le récit est bien rythmé, et est plein de bonnes idées ! J'ai passé un très bon moment de lecture.

C'est une comédie humoristique-romanesque- philosophique, qui se questionne sur le devenir du masculin, sous l'hypothèse d'une féminisation du monde occidental, qui nous questionne sur les dérives identitaires. 

Alain Barfol a 35 ans, il est professeur de philo dans un lycée et écrivain, (comme l'auteur dans la vraie vie) un homme ordinaire, tellement lui, qui veut juste être tranquille, il est féministe et sympathisant de la gauche multiculturelle. 
Voilà qu'il participe à une manifestation anti-fasciste en 2029 avec trois collègues et amis, quand soudain, il commet un acte sacrilège : 
Il met une main aux fesses…aux fesses de qui ?  de Dany, son ami et collègue…
Et manque de peau, non, ce n'est pas Dany, c'est une journaliste très populaire qui l'a reçue à sa place! Elle ne se laisse pas faire, elle a bien raison, mais tout cela est un gigantesque quiproquo !!! Notre Alain est embarrassé, s'excuse très maladroitement, il n'est pas entendu.

C'est le drame, la journaliste porte plainte et la scène de la main aux fesses tourne en boucle sur les chaînes d'informations. La vie de Barfol change du tout au tout, il ne peut plus faire cours à ses lycéens et voilà qu'il  est considéré comme "machiste obsédé" par un expert, il sera alors envoyé dans un centre de rééducation car le machisme est maintenant reconnu comme une maladie psychique par l'OMS.
L'idée de ce centre de rééducation est que les hommes doivent se glisser dans la peau des femmes afin de se mettre à leur place. Par exemple, il n'y a pas de plan, les hommes doivent apprendre à ressentir. Chaque jour l'acte par lequel ils ont rendu victime une femme est reproduit sur eux. Ces messieurs doivent faire les courses eux-mêmes, et attention, il y a des thèmes à respecter, j'en ri encore. Ils sont invités à préparer les repas… et entre autre à suivre la puissante pensée de Jacques Derrida : libérer du carnophallogocentrisme et aller vers le veggécoféministe etc, en bref, ils doivent se mettre dans la peau d'une femme et de tout ce qui l'a caricature et les réactions des personnages sont hilarantes.
Notre Alain parviendra-t-il à se réinsérer dans la société féministe ?

Je vous conseille vivement de lire ce livre, qui vous l'aurez compris, prône l'égalité des sexes, le respect des différences de l'autre, et du respect de soi-même... L'auteur se sert habilement des clichés sur les deux sexes pour en faire des situations délicates et amenant à la réflexion, je me conseille à moi-même de découvrir les autres livres de l'auteur, celui-ci est son 9ème roman, et d'autres livres de la maison d'édition Aethalidès
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Dans la langue française, le masculin « il » l'emporte sur le féminin « elle », preuve, une fois encore, de la domination masculine, dit-on.
Tout est une question de point de vue.
Si on considère que « ils » est utilisé lorsque des hommes et des femmes sont présents, c'est que « ils » est neutre ! Cela signifie donc que les femmes ont le privilège d'avoir un pronom féminin « elles » là où les hommes doivent se contenter d'un neutre « ils » qu'ils soient entre eux, ou mélangés à des femmes. Visiblement, ce qui est féminin a de la valeur, là où ce qui est masculin n'en a pas…
Dés lors qu'on considère le monde comme machiste, patriarchale, on ne verra que les éléments qui confortent notre point de vue.
De mon côté, j'ai tendance à considérer que le monde est favorable aux hommes dans certains domaines mais favorable aux femmes dans d'autres. On voit la femme qui fait le ménage mais on ne voit pas l'homme qui répare… On voit la femme qui pleure à chaudes larmes mais on ne voit pas l'homme qui pleure intérieurement.


« Délivrez nous du mâle » d'Alexis Legayet est un roman qui gratte…qui grince et dérange… mais c'est probablement ce qu'il faut d'un roman pour faire réfléchir aux sujets sociétaux et faire évoluer les idées.

Résumé de l'histoire :
Alain Barfol, professeur de philosophie, pratique des jeux débiles avec ses collègues masculins : taper sur les fesses. Un jour, par erreur, il fait de même à une femme journaliste, la prenant pour un de ses collègues.
Il se retrouve alors suspendu suite à un bashing médiatique puis, pour lui éviter une peine, on lui propose d'intégrer un institut, la matrice, qui soigne le machisme en déprogrammant, conditionnant, « déconstruisant » les hommes.



Alexis Legayet nous propose ici, une critique drôle et absurde de la mauvaise foi féministe. Forcément, elle ne plaira pas à tout le monde.
Avec brio, L'auteur nous montre comment on peut réinterpréter des faits en fonction de sa vision du monde, dans le cas présent, selon la grille de lecture ultra-féministe.

On peut penser que la réussite d'un roman se mesure à l'aune de trois éléments :
- Sa crédibilité (une histoire doit être soit complètement crédible, soit totalement irréaliste, selon la loi du tout ou rien). Ici, A.Legayet nous malmène en nous faisant passer de l'un à l'autre : le début semble crédible, on se sent plongé dans le monde actuel. Dès l'entrée dans la matrice, on se sent davantage dans un monde dystopique. A la fin du roman, on retrouve un monde bien connu.

- Son intérêt : Ce roman n'est pas qu'une critique de l'exagération de l'ultra-féministe, mais également de l'excès médiatique qui fait et défait des idées ou des hommes (pardon : des humains) en quelques jours. On comprend que tout n'est que question de point de vue et qu'il faut chercher à comprendre une situation ou une personne avant de la juger (et comme je le dis souvent, une fois qu'on a compris, on n'a plus envie de juger !)

- La sympathie de ses personnages et notre faculté à s'y identifier : si le personnage principal m'est paru antipathique au départ car il est présenté comme un obsédé un peu bourrin, il en devient de plus en plus attachant au fur et à mesure de ses mésaventures.


En résumé, j'ai aimé ce roman que j'ai trouvé drôle et intelligent, même si je l'aurais aimé plus long (en prolongeant notamment le séjour dans la matrice pour développer d'autres aspects du féminisme poussé à bout jusqu'à l'ineptie).
Il peut ouvrir la voie à un débat ou à plusieurs.
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Un livre désopilant ! Ce roman qui traite de la correction du machisme dans un futur très proche et imaginaire se lit presque d'une traite, tant il est drôle, bien écrit, d'un rythme tenant en haleine et ponctué de réflexions et dialogues bien sentis. le personnage narrateur est emporté dans un tourbillon d'actions et réactions tournant autour du machisme et de l'identité sexuée. On ne s'y ennuie jamais et même si la caricature abonde, la subtilité des points de vue empêche de ne retenir qu'un aspect des choses. Une très bonne découverte !
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Ah.. le livre qui va faire parler de lui cet été.. Je vous l'accorde, je ne suis pas objective : Alexis Legayet est en phase de devenir mon auteur français chouchou, il monte allègrement sur le podium infernal.

Mes retours de lectures ont pour but de vous inciter à lire un roman qui m'a plu. Mais pour une fois, j'ai un message contraire. Autant vous dire illico, chers copains lecteurs, si vous n'avez pas d'humour ni de second degré, ne lisez pas ce roman, car il risque fort de vous chatouiller là où il ne faut pas.

En l'an de grâce 2029, Alain Barfol, un brin potache, prof de philo dans un lycée, commet l'irréparable. Lors d'une manif bondée, dans un acte débile et puérile entre potes, il met une claque aux fesses à son collègue qu'il croit reconnaître de dos.

Sauf que ce n'est pas son collègue.

Mais une jeune journaliste – haut placé – avec qui il avait rendez-vous pour une interview.

Le « hue cocotte claqué » est très très mal perçu, la journaliste porte-plainte. Ce geste l'embarque malgré lui dans une spirale infernale où toute sa vie sera épluchée, jugée, jusqu'à sa façon de tenir ses cours. Pourquoi ? Parce qu'en 2029, non loin de là, c'est l'ère du néo-féminisme qui règne.

Une ère où les lois ont changé, certains thèses classiques sont revues et corrigées car jugées antisémites, sexistes ou racistes.. L'apologie de la hiérarchie des sexes fait ravage dans les tribunaux. le machisme est reconnu comme maladie psychique par l'OMS, c'est dire !

A partir de ce moment, vous assisterez à la mise à mort et à la castration de ce pauvre Alain Barfol.

Un contrat est alors conclu avec la procureure de la République : Alain Barfol sera puni et devra subir quelques mois de redressement dans un centre de rééducation pour machistes où la dirigeante et ses collègues vont tout faire pour l'émasculer et lui faire rendre les armes.

Le centre Olympe-de-Gouges est un centre d'expérimentation : des brimades jusqu'à l'humiliation, on y défait l'homme de tout stéréotype soit-disant machiste (adjectifs ‘faibles' à l'encontre des femmes, regard anodins sur une partie du corps…. ), l'obligeant à « subir » les attaques permanentes, inconscientes ou non, faites aux femmes. Au centre Olympe-de-Gouges, l'homme doit faire les courses, regarder des films d'amour, s'asseoir les jambes croisées,.. pisser assis.. et autres joyeusetés. On revoit totalement ses pensées et ses actes ; normal, car il est psychiquement déviant, à tendance misogyne obsessionnelle et compulsive..

Sans lien apparent, le roman surf avec un sujet actuel : #metoo. « Délivrez-nous du mâle » est une fable loufoque, sans parti pris aucun ! La plume d'Alexis Legayet reste toujours humoristique mais sérieuse et fait réfléchir aux conséquences et excès du néo-féminisme.

Je n'ai pu rester indifférente au sort d'Alain Barfol, personnage finalement attachant : passer du pervers par erreur à victime en pleine castration en fait un héro, bien malgré lui. En plein désarroi, il subit cet abus de pouvoir féministe et absurde. Il y a autour de lui toute une galerie de personnages secondaires importants, bien campés dans leurs rôles : Amélie Dastovic, directrice en cheffe de la Matrice Olympe-de-Gouges. Mimosa, infirmière aux charmes de body buildeuse. le/la Docteur.e Richer, médecin inclusif.ve du centre…

Un de mes passages préférés : un jeu de rôle demandant à Barfol quel comportement avoir face à une femme portant une grosse valise croisée dans la rue.. Une scène poussée à l'extrême – encore une fois – qui sera prétexte à le descendre et le ridiculiser.

S'il lui propose son aide : c'est qu'il la prend pour une faible, s'il évite d'avoir un regard porté sur elle (car il a flairé le truc) ; c'est qu'il lui manque de respect, s'il lui fait un compliment pour se rattraper en affirmant que les femmes ont plus d'esprit que les hommes ; c'est une flatterie douteuse.. Bref, cela démontre bien que quelque-soit nos bonnes intentions, il y aura toujours quelqu'un qui trouvera quelque-chose à redire et que ceux qui ont le pouvoir peuvent tout. Et ont toujours raison.

Le calvaire d'Alain Barfol s'arrêtera t'il lorsqu'il se fera enlever par un groupuscule secret ? Si vous n'avez toujours pas peur, lisez-le pour connaître son sort..

Même s'il faut avoir beaucoup de second degré pour lire ce roman, il n'en est pas moins léger. Sous couvert de comédie, il nous pousse à réfléchir également sur ces fameux enjeux du pouvoir. J'y retrouve la portée philosophique propre à l'auteur, grâce à des citations ou des références ciblées. Il déploie ses connaissances, sans jamais alourdir son texte, ni s'écarter du thème de son roman. Nietzshe, Epictète, St Phalle, Desproges, Pascal, Aristote, Schopenhauer… on reviendra même un peu sur la religion avec un clin d'oeil à Dieu-Denis. C'est la patte d'Alexis Legayet.

Vous l'aurez compris, cette lecture a été encore un excellent moment pour moi. Moins « poussé » que ces deux autres romans lus (Dieu-Denis ou le divin poulet et Bienvenue au Paradis), il est vraiment à lire comme une comédie se moquant des déviances et absurdités du militantisme extrême.

Il est vrai qu'à lire plusieurs oeuvres d'un auteur, on commence à reconnaître sa verve – c'est d'ailleurs celle qui nous retient – on sait aussi la direction qu'il veut prendre, ce qu'il veut dire, et surtout, le ton sur lequel il faut le lire.

Parce que finalement, ce roman est bourré d'humour, de cynisme et qu'il est politiquement incorrect. C'est potache et j'adore ça.

Alexis Legayet est professeur de philosophie au Lycée et enseigne depuis 15 ans. Auteur au ton résolument iconoclaste, il aime faire réfléchir de manière philosophique et humoristique sur les questions de notre temps (transhumanisme, véganisme, antispécisme…).
Lien : https://felicielitaussi.word..
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
- C'est le docteur Richer, murmura Mimosa.
- Et moi qui croyais qu'il n'y avait que des femmes ici ! Vous avez donc des médecins hommes ! s'étonna Barfol.
- Ne dites surtout pas ça, malheureux ! chuchota l'infirmière.
- Que je ne dise pas quoi ?
- Le docteur Richer n'est pas exactement un homme.
- Quoi ? C'est une femme ? Mais cette voix...
- Non plus. Ça dépend. Il est parfois neutre, parfois non binaire, parfois femme, parfois homme, parfois hybride... C'est très variable... Et je vous conseille de ne pas faire de bourde ! L.e.a docteur.e Richer (ça dépend) est très soupe au lait.
- Qu'est-ce que je dois dire, alors ? Docteur ou docteure ?
- Débrouillez-vous, faites dans l'évasif... Prononcez docteure, avec un "e" équivoque, presque muet... C'est ce que nous faisons toutes... Allez, à tout à l'heure... et bon courage !
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« Monsieur Pitre ! lança avec un soudain courroux Nathalie Tobolski, tout en regardant l’homme dont elle venait de déchiffrer le nom affiché sur la poitrine.
— Oui, Madame ? répondit ce dernier, avec un air à la fois coupable et rempli d’incompréhension.
— Vous ne voyez vraiment pas où je veux en venir ? » continua-t-elle, sourcils froncés en le fixant droit dans les yeux.
Gaël Pitre la regardait abasourdi, en balançant humblement la tête de gauche à droite. Non, franchement, il ne voyait pas.
« Qui peut donc éclairer M. Pitre ? » demanda alors la nageuse polonaise, en toisant l’assemblée d’un air narquois. Une main se leva, hésitante. C’était celle d’un petit brun à lunettes qu’Alain Barfol avait déjà repéré pour le zèle avec lequel il savait se soumettre à ses nouvelles maîtresses.
« Oui, monsieur Toczi ? demanda-t-elle, sourire en coin.
— Pitre a les jambes écartées, Madame.
— Oups ! fit Gaël Pitre, en recroisant immédiatement les jambes, genou contre genou. Je n’avais pas fait attention, je suis vraiment désolé…
— Bravo monsieur Toczi ! le félicita Nathalie Tobolski. Quant à vous, monsieur Pitre, sachez que vos gonades n’intéressent absolument personne ici. Votre place ne vous suffit pas ? Vous voulez prendre plus d’espace ? Vous répandre un peu plus parmi nous ? Et pourquoi pas, tant que nous y sommes, avec vos formidables attributs, vous répandre sur nous ?
— Non, non… Pas du tout… C’est l’habitude, vous comprenez…
— Une habitude issue d’un désir de puissance menant tout droit au viol et, logiquement, au meurtre, monsieur ! Ignorez-vous que, outre son impudeur bassement phallocratique, cette posture ignoble que vous arboriez à l’instant, si lamentablement, vient d’être interdite dans tous les lieux publics ? L’ignoriez-vous, monsieur Pitre ?
— Je… Oui, non… On me l’a dit… Je ne le ferai plus, s’excusa Gaël Pitre, contrit.
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La langue était heureusement devenue intégralement politique. La paix entre les sexes ne serait qu’à ce prix. Aussi vit-on fleurir au sein des plus grandes maisons d’édition des projets titanesques de réécriture des oeuvres littéraires du passé, afin de transformer la grammaire exclusive du passé en grammaire inclusive. Ne traduisait-on pas les ouvrages écrits en langue étrangère ? N’adaptait-on pas le français archaïque d’un Montaigne en bon français moderne ? Selon la même logique, il fallait accorder les oeuvres du passé à la langue nouvelle, celle de l’égalité. On avait déjà appliqué, avec succès, cette logique à la première partie de "À la Recherche du temps perdu", qui commençait désormais ainsi : "Longtemps, je me suis couché.e de bonne heure." C’était, disait-on, infiniment plus respectueux des ambiguïtés identitaires de Marcel.le Proust, injustement masquées, dévoyées et humiliées par le fascisme de la grammaire. Malgré ces progrès indéniables, quelques voix commençaient tout de même à s’élever contre cette grammaire qu’on disait, parfois, insuffisamment inclusive. Que faire, en effet, de tous ces non-binaires, les trans, les neutres, les bigenres, les agenres, demi-boys, demi-girls et autres androgynes, lesquels se voyaient injustement exclus par cette binarisation trop rigide de la langue ? La lutte pour l’égalité avait encore de beaux jours devant elle…
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Êtes-vous prêt à faire un gros travail sur vous, monsieur Barfol ? Reprit la procureure.

– Je suis prêt à faire tout ce que vous voulez, Madame la procureure de la République », répondit Alain Barfol, penaud et en sueur…

Impossible, toutefois de faire couler une seule petite larme. Fichu stoïcisme !

« Voyez-vous, nos prisons sont bondées et puis, franchement, c’est très inefficace. Le prisonniers pour crimes et délits sexuels ressortent autant, voire plus obsédés qu’auparavant et, fatalement, c’est la rechute. Il existe cependant une autre voie, une expérimentation…

– Qui m’éviterait de passer devant le juge d’instruction ?

– Vous avez bien compris. Il s’agit d’un centre, le centre Olympe-de-Gouges…

– Comme mon lycée !

– Oui mais dorénavant ce sera vous l’élève.

– Et pour apprendre quoi, Madame la Procureure de la République ?

– A vous ramollir la cuirasse…
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Barfol sentit alors tous les regards se diriger vers lui. S’il tendait la main vers l’assiette, comme il en avait le désir, il risquait, sinon de détruire, du moins d’obscurcir ce charme merveilleux dont il se sentait en ce moment enveloppé. Le regard, presque amoureux, de toutes ces demoiselles, probablement végétariennes, lui procurait un tel plaisir qu’il ne voulait pas le voir, pour un léger écart au nouveau sens commun, se dissoudre en fumée. « Non merci, mon vieux ! répondit-il alors. Tu n’as jamais entendu parler du carnophallogocentrisme ?
— Ah non… c’est quoi ?
— Un concept de Derrida. Laisse-moi t’expliquer. L’homme, c’est le logos, la raison, théorique et technique, contre les voies du coeur, du sensible, de l’affect. En dominant les femmes, les hommes dominent aussi la nature et les bêtes. En dominant les bêtes, les hommes soumettent la nature et les femmes. En dominant la nature, l’homme asservit les femmes et les bêtes. Et c’est la même violence ! Celle de la dent qui croque dans la chair de la bête, celle du phallus qui fouille dans le ventre des femmes, celle de la technique qui assèche la nature qu’elle prétend maîtriser ! Il y a convergence des luttes, André, "intersectionnalité", comme on dit aujourd’hui ! La révolution, ça commence dans l’assiette ! Et d’abord, mon vieux, par le refus du saucisson… »
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Vidéo de Alexis Legayet
Divin Poulet adaptation du roman d’Alexis Legayet “Dieu-Denis ou le divin poulet” (éd. François-Bourin)
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