Après le très bon "
Un Pays à l'aube" et le décevant "
Ils vivent la nuit", voici le roman qui clôt la trilogie, justement appelé "La Fin d'un Monde".
Le monde qui se termine, c'est celui de Joe Coughlin et ses "amis" de jeunesse, celui des illusions et des rachats impossibles.
Coughlin a laissé les rênes du royaume de truanderie de Tampa, à Dion Bartolo, son ami d'enfance dont il reste le conseiller.
L'ancien gangster "par hasard" qu'il était devenu, est aujourd'hui encore, respecté pour son passé, estimé pour ce que rapportent ses conseils avisés et protégé par sa position en retrait des affaires.
Aussi est-il est surpris d'apprendre qu'un contrat semble avoir été passé pour sa tête.
Il va chercher à comprendre d'où vient la menace et affronter non seulement ses ennemis, mais aussi ses amis et par dessus-tout, lui-même, puisque des fantômes de jeunesse viennent le visiter.
Lehane propose un récit crépusculaire à la fin prévisible. Il décrit un monde de la pègre qui porte en lui la mort, comme la nuée l'orage pour reprendre la métaphore de Jaurès.
Le prétendu code de l'honneur n'est au fond qu'un paravent pour dissimuler la cupidité, la perversité, la duplicité et la soif de pouvoir. Ainsi que le soulignait Coughlin dans "
Ils vivent la Nuit", les truands suivent leurs propres règles. le problème, c'est qu'ils n'ont pas vraiment de règles.
Comme dans ses précédents livres et contrairement à
Ellroy,
Lehane ne se sert guère de la grande histoire, ne la malaxe pas pour en créer une autre en parallèle. Il évoque à peine la guerre (nous sommes en 43) et cite de manière assez peu originale , Lucky Luciano et Meyer Lansky. Bref, tout ça sonne de façon un peu conventionnelle au goût de déjà-vu.
Quant à l'histoire des "apparitions", on va dire que ce n'est pas la meilleure idée du livre.
Ceci dit, le style
Lehane continue à le placer au dessus de bien des auteurs du genre. On suit avec plaisir la course contre la mort de Coughlin et le suspense est tenu, sans forcer. de plus, quelques personnages (tel le monstrueux King Lucius) apportent un piment particulier
Le livre aurait sans doute supporté l'amputation de quelques pages, mais il est prenant, dense et on ne lâche guère avant la fin. Son atmosphère moite, ses marais, alligators et autres parkings pavés de coquillages évoquent parfois
James Lee Burke.
Il y a pire comparaison.
Comme d'habitude, quelques phrases font mouche : "Tu penses qu'il te suffit de regretter tes péchés pour être quelqu'un de bien. Certains jugeraient méprisable ce genre d'illusion".