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EAN : 9782378340414
329 pages
Stéphane Marsan (16/01/2019)
4.04/5   23 notes
Résumé :
Ben a presque tout raté dans sa vie. Sa carrière est au point mort, son couple part à vau l'eau, son fils est « différent ». À dix ans, Jonah ne parle pas. Lorsqu'ils sont tous deux contraints d'emménager chez le père de Ben, trois générations d'hommes un qui ne sait pas parler, deux qui s'y refusent sont réunies sous le même toit. Alors que Ben engage une bataille juridique éprouvante pour obtenir le placement de son fils dans un établissement spécialisé, Jona... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Ben a un fils, Jonah, qui souffre d'une forme sévère d'autisme. Sa femme et lui souhaiteraient que la municipalité finance son placement dans un établissement spécialisé, mieux à même d'aider et de faire progresser leur fils. Mais la municipalité rechigne à desserrer les cordons de sa bourse et le couple se lance dans une procédure juridique fastidieuse, d'où il ne ressortira pas indemne, à commencer par Ben lui-même, qui est le narrateur du roman.
Autant le dire d'emblée, il ne s'agit ni d'un roman sur l'autisme, ni d'un roman sur les arcanes administratives conduisant ou non à l'attribution d'une aide sociale en Angleterre, mais du récit d'une naissance ou d'une renaissance, de l'acceptation d'une paternité et, plus encore, d'une filiation. Car en vue d'étayer leur dossier, Ben et sa femme décident de feindre une séparation et Ben part vivre avec Jonah chez son père. Or les deux hommes entretiennent des rapports houleux, car Ben reproche à son géniteur de n'avoir jamais cherché à communiquer avec lui, pense l'avoir toujours déçu. Peu à peu, les frictions laissent place à des aveux, les existences des uns et des autres sont éclairées d'un jour nouveau qui permet à Ben de commencer à se réconcilier avec l'existence.
Si l'on pourra éventuellement reprocher au narrateur une certaine complaisance dans la description de son avilissement, il n'en reste pas moins que le récit est remarquablement bien mené, sans auto-apitoiement, ni pathos, ni exhibitionnisme d'aucune sorte, avec une nervosité et un côté chaotique qui collent merveilleusement au propos.
Oui, c'est inconfortable, oui, c'est dur parfois, mais affronter ses démons et continuer à vivre quand rien ne se passe comme prévu ne sont jamais des parties de plaisir et on ne peut que saluer la réussite d'une roman qui a eu le courage de dépeindre le marasme de façon aussi saisissante et qui, surtout, a su montrer la sortie du marasme sans qu'elle apparaisse niaise ou relever du happy end de circonstance. « Shtum » est un premier roman. Chapeau bas !
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Un petit garçon mutique au comportement inhabituel ? Une comparaison avec l'excellent Bizarre incident du chien pendant la nuit ? Mon radar-détecteur de livres sur l'autisme s'est aussitôt mis à clignoter à toute vitesse, et c'est avec un soulagement infini que j'ai reçu le mail positif de Babelio suite à la Masse critique de janvier ! Ceux qui me suivent le savent, c'est un sujet qui m'intéresse tout particulièrement, et je suis toujours à l'affut de romans abordant cette thématique. J'étais d'autant plus impatiente de découvrir Shtum qu'il allait également me permettre de découvrir les éditions Stéphane Marsan, dont la ligne éditoriale (« une littérature […] dont les sujets et la sensibilité trouvent un écho dans la vie de chacun d'entre nous, […] qui s'inscrivent dans les moments forts de la grande histoire et les enjeux de la société, et les reflètent, les éclairent ou les contestent ») m'intriguait au plus haut point !

Du haut de ses dix ans, Jonah a tout du grand bébé : il ne prononce pas un mot mais hurle quand quelque chose ne va pas, porte encore des couches, ne s'habille pas tout seul et mange avec ses doigts. le petit garçon souffre d'un autisme sévère, et tous les spécialistes s'accordent pour affirmer à ses parents que ses chances d'évolution sont infinitésimales. Epuisés, convaincus qu'ils ne sont pas capables d'offrir un environnement serein et enrichissant à leur enfant, Ben et Emma décident de tout mettre en oeuvre afin de le faire admettre dans un établissement spécialisé … Commence alors une longue et éprouvante bataille juridique avec la municipalité, qui s'efforce quant à elle de ne pas avoir à payer ces frais de scolarité en proposant une prise en charge moins couteuse, mais également moins adaptée aux besoins spécifiques de Jonah. Affirmant qu'ils auront plus de chance s'ils prétendent être séparés, Emma demande à son mari d'aller s'installer chez son père avec Jonah … Commence alors une cohabitation des plus étranges, surprenant mélange de silences et de révélations …

Le premier aspect de ce roman, celui qui m'a attiré en premier lieu, c'est donc le combat de ce père pour offrir un avenir à son fils, atteint d'un autisme profond. Nous le suivons dans ce quotidien éprouvant, où « le seul élément prévisible, c'est l'imprévisibilité » de Jonah : hurlements et accès de violence brisent soudainement le calme et les rires de ce petit garçon qui n'a jamais prononcé que trois mots avant de se taire définitivement. Rassuré par les rituels et la routine, Jonah se tape la tête et se mord la main dès qu'un petit détail diverge de l'ordinaire pour le plonger dans une terreur indicible. Ben n'a rien du « père-courage » que présentent d'ordinaire les récits de ce genre : dépassé par la situation, épuisé, perdu, déprimé, il n'y a que pour le rituel du bain qu'il se sent véritablement à la hauteur … Ben n'a rien du « père-héroïque » que l'on s'attend à trouver dans un roman : alcoolique notoire, chef d'entreprise irresponsable, couvert de dettes, il n'a rien pour attirer la sympathie … et pourtant, on s'attache à lui, car il est profondément humain, faillible, banal. Tant bien que mal, il se plonge à corps perdu dans cet éprouvant combat juridique, et j'ai littéralement versé toutes les larmes de mon corps lors de son intervention au tribunal, dont je vous donne les premiers mots : « Jonah n'a pas de voix, il ne peut dire à personne à quoi ressemble la vie pour lui. Alors je me dois d'être sa voix. ». Désemparé comme le sont bien des parents d'enfants autistes, Ben découvre qu'il est le mieux placé pour être son porte-parole …

Car ce livre met bien l'accent sur la « cruauté administrative » à laquelle doivent faire face ces parents déjà émotionnellement éprouvés : comme partout dans notre monde, tout est question d'argent … Pourquoi la municipalité dépenserait-elle des fortunes pour l'école d'un gosse déficient ? Et croyez-moi, j'exagère à peine en utilisant cette formulation volontairement inhumaine : les services sociaux n'ont qu'un seul objectif, trouver la prise en charge la moins couteuse, sans songer un seul instant à l'avenir de cet enfant différent, et toutes les excuses, même les plus absurdes, sont bonnes pour légitimer le refus de subvention. Ce sont des gens qui ne connaissent pas Jonah, qui ne le comprennent pas, qui vont décider de son existence … Ben s'insurge : il sait bien, lui, ce dont a besoin son enfant. Il sait ce qui génère ses crises d'angoisse, il sait comment les apaiser – même si cela ne marche pas toujours. Ben aime son garçon, même s'il ne sait pas le lui montrer, même s'il n'est jamais certain que la réciproque soit vraie. Même si, parfois, il n'en peut plus et s'énerve et déclare qu'il préférerait qu'il ne soit pas né, pour aussitôt regretter ses paroles.

Une certitude s'impose en effet à Ben : il craint les mots, « plus que tout ». Il est fort paradoxal de constater que les mots occupent une place centrale dans ce livre dont le titre est un mot issu du yiddish et qui signifie « silencieux, muet, sans parole ». Jonah ne parle pas, Ben et son père Georg ne se parlent plus, et Georg – atteint d'un cancer incurable de la gorge qui va prochainement lui ôter la parole – raconte longuement sa vie à son petit-fils, attirant la jalousie de Ben qui n'a jamais rien su de l'histoire familiale. Bien plus que l'autisme, finalement, ce sont les relations pères-fils qui représentent le fil rouge de ce roman … Ben est à la fois l'un et l'autre, et il a le sentiment d'avoir échoué des deux côtés : malgré ses efforts, il n'a été qu'une déception pour son père, et malgré ses efforts, il n'a pas été à la hauteur pour son fils. La culpabilité le ronge, et pour éviter de sombrer sous ses vagues, il se noie dans l'alcool. Son mariage lui-même va à vau l'eau : Emma n'en peux plus d'être « la mère de son mari » … et être la mère de son fils est également devenu un fardeau bien trop lourd à porter. Emma, on la plaint et on la déteste en même temps : tantôt on comprend son besoin de s'éloigner de ce quotidien mortifère, tantôt on lui en veut de laisser Ben seul aux commandes, lui qui semble déjà avoir du mal à s'assumer seul. Ben, Emma, Georg, tout trois ne savent finalement pas comment exprimer ce qu'ils ressentent, et cela entraine malentendus et disputes à répétition. Ils sont liés les uns aux autres par le seul qui se contrefichent totalement des mots pour se concentrer sur l'essentiel : Jonah, ce petit garçon qui semble tantôt terriblement lointain, tantôt étrangement lucide …

En bref, c'est une véritable pépite que nous offre Jem Lester, lui-même papa d'un petit garçon autiste qui, je le devine, lui a inspiré le comportement du petit Jonah. Mais surtout, il le dit lui-même, ce roman « traite de l'autisme, et en même temps, de bien d'autres choses » … et ces autres choses sont tout aussi intéressantes, bien qu'inattendues ! Shtum, c'est ce que j'appelle un livre « brut » : la narration va à l'essentiel, elle raconte sans détour, sans pudeur, sans fioritures ni filtres. Les phrases sont courtes, percutantes. Les dialogues sont brefs, frappants. Pas de longues envolées lyriques destinées à faire pleurer dans les chaumières, bien au contraire. Et, paradoxalement, cela ne rend le récit que bien plus troublant … Shtum, c'est un roman surprenant, mais surtout, c'est un roman bouleversant, qui ouvre une véritable réflexion sur le langage, à travers le récit singulier de ces trois générations réunies pour la première et dernière fois sous le même toit … Indiscutablement un livre à découvrir et à faire découvrir !

Lien : https://lesmotsetaientlivres..
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Traduit par Emmanuelle Ghez

Quand on parle d'autisme, on l'associe aujourd'hui presque toujours au syndrome d'Asperger. Celui qui calcule plus vite que son ombre, est capable d'apprendre des choses compliquée en masse et en peu de temps, bref un surdoué ayant un problème de communication aiguë, pour faire bref, parce que je suis pas spécialiste. le personnage de Rain Man du film de Dustin Hoffmann, par exemple.
Jem Lester a un enfant autiste. Ce qui l'a poussé à écrire Shtum, c'est justement qu'il "en avai[t] plus qu'assez qu'on [lui] demande quel était "le talent particulier" de [son] fils". Après la naissance de son fils, il a "assisté à l'élévation de l'autisme - dans sa forme Asperger surtout - au rang de phénomène branché. [Il a ] entendu des gens utiliser l'autisme pour justifier un comportement exécrable, comme une insulte, ou comme une médaille d'honneur à faire porter à leur enfant". Ces attitudes l'exaspéraient "probablement autant que ceux qui doivent faire face quotidiennement aux malentendus et aux ravages que cela provoquait". Il a décidé d'écrire Shtum : un roman qui a pour personnage principal un enfant mutique, telle est la gageur à relever,et aussi pour sujet "bien d'autres choses".

Le dernier mot du roman, comme son titre, est "shtum". C'est mot qui vient du yiddish et signifie, "sans voix," "silencieux", "mutique"...

Shtum raconte la longue bataille des parents de Jonah, Ben et Emma pour faire admettre leur enfant autiste de 10 ans dans un internat adapté à son cas. Une bataille contre les services sociaux, la municipalité, les marchands d'espoir, les charlatans en nombre, prêt à tout pour se faire de l'argent sur le dos du malheur des autres. D'après Emma, il faut que le couple se sépare car selon elle, les chances d'admission dans les internats adapté est plus élevé si le père est déclaré séparé. Ben accepte de jouer le jeu, retourne vivre chez son père avec Jonah à sa charge. Un coup de massue mais il se dit que c'est pour le bien de son fils.

Le roman de Jem Lester ne se contente pas de nous faire assister à la bataille juridique du couple pour obtenir gain de cause, même si c'est l'un des fils ténus du roman. L'histoire est racontée du point de vue du père, Ben, et par ce biais l'auteur lève progressivement le voile sur ses personnages, en particulier sur la famille de Ben.

Ben est un homme fragile, alcoolique avant l'arrivée de Jonah, peu volontaire, en proie à des problèmes de communication avec son père. Il a été licencié de son job dans le marketing, a repris la boîte paternelle, contraint et forcé. La grossesse surprise d'Emma et l'arrivée de Ben le fragilise encore davantage, submergé par l'attention que nécessite Jonah, il ne peut faire face au quotidien, ne vérifie même plus que ses clients ont payé les factures. Bref, c'est vraiment très difficile.
On assiste au quotidien du couple qui ne peut lâcher une seconde des yeux leur enfant sous peine de retrouver une pièce chamboulée, lui-même barbouillé d'excréments ou d'aliments de la tête aux pieds, bref, vous voyez à peu près le tableau...

Peu à peu leur couple se délite, un malheur supplémentaire tombe sur Ben : le cancer incurable de son père, très attaché à son "Jojo". Ce n'est plus une personne dépendante mais deux. Un surprise l'attend du côté d'Emma (vous devrez lire le livre !), mais aussi de sa propre famille, puisque le roman s'achève sur la révélation d'un secret de famille qui vous mènera jusqu'en Hongrie, près du lac Balaton.

J'ai déjà lu d'autres romans sur l'autisme, je crois que le dernier en date est La surface de réparation d'Alain Guillot, mais qui traite du syndrome d'Asperger. Shtum vous plonge dans la vérité crue des troubles sévères du spectre autistique, sans contrepartie de don extraordinaire. de l'enfer vécu par les parents et en même temps de l'amour immense qu'il porte malgré tout à leur enfant. du schisme entre ce qu'ils voudraient et ce que leur offre la réalité, tendue par un nerf de guerre comptable : l'argent.

Shtum est un roman poignant. le piège aurait été de tomber dans le sentimentalisme et le pathos. L'écriture sans fioriture donne à voir une vérité sans filtres. Pourtant Jem Lester accroche le lecteur par son humour et sa tendresse. Il parvient à combler le vide de cet enfant incapable de s'exprimer et de communiquer en donnant voix à son père, ce qui donne lieu à de jolis moments.

"Au moins je suis arrivé à cette lucidité : je crains les mots plus que tout. Je peux leur donner le sens que je souhaite, les tordre à ma convenance, me flageller avec, m'en servir comme excuse pour boire, pour pester contre le monde entier, pour me retirer du monde. Si seulement les autres utilisaient les mots que j'ai envie d'entendre, je serais heureux. Mais j'ai autant de chances d'arriver à faire parler Jonah que d'entendre Emma ou mon père prononcer les paroles dont je pense avoir besoin. (...) Les mots perdent leur sens si on ne dit pas sa propre vérité et deviennent des armes si l'on essaie de dire aux autres la leur. A travers son silence, Jonah me permet de l'écouter - il n'y a pas de murs de mots à escalader, pas d'autodéfense de son être réel. Il faut que je suive son exemple; le silence me permettra d'échapper à l'appel du regret et du châtiment qui résonne en moi."

"Apparemment, mon nom est Jonah Jewell. Je le sais parce qu'ils répètent ce son quand ils me regardent et que je suis en train d'examiner quelque chose. La lumière me fascine, surtout quand elle se divise en plusieurs couleurs et qu'elle se reflète sur une feuille d'arbre tout près de mon oeil."

Il y aurait encore beaucoup à dire, mais je vous laisse découvrir cette pépite. Ce roman a emporté le City University Prize for Fiction en 2013 et c'est le premier roman de Jem Lester, qui est journaliste et vit à Londres.

C'est une vraie belle découverte et je ne peux que vous inviter à tenter l'aventure Shtum !
Lien : http://milleetunelecturesdem..
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Nous allons suivre l'histoire de Ben. Un homme fragile, qui a été longtemps alcoolique et, suite à son licenciement de son travail, il a repris la boîte de son père, contrait et forcé. Emma, sa compagne, est tombée enceinte de manière inattendue. Et lorsque Jonah arrive, il s'avère que l'enfant est autiste. Avoir un enfant est souvent dur, notamment pour le premier. Les parents hésitent souvent, tâtonnent, et dans le cas de Jonah c'est le cran au-dessus. Il a 11 ans mais est toujours incontinent, il n'a pas prononcé un mot depuis qu'il a trois ans et son comportement est toujours imprévisible. Au bord de la rupture, Ben et Emma ne voit que comme solution le fait que Jonah puisse intégrer un établissement spécialisé, au sein d'une équipe formé et qui puisse permettre à l'enfant de s'épanouir. Mais ce genre de structure est rare, et surtout très chère...
Alors, Emma propose une solution radicale : faire « semblant » de se séparer, que Ben soit celui qui garde Jonah et retourne vivre chez son propre père, afin d'attester que l'état familial ne permet pas de donner des conditions de vie optimale à l'enfant. Chez son père, Ben va non seulement se découvrir dans son rôle de père et de devoir tout gérer – des couches jusqu'aux papiers pour l'école – mais aussi se découvrir un nouveau rôle de fils. En effet, sa relation avec son père est très difficile, le vieil homme se rapproche énormément de son petit-fils et lui révèle des choses qu'il n'a jamais dite à son propre fils.
Trois générations, trois personnes, trois vies différentes... Des drôles de mélanges parfois, mais qui ne peut qu'émouvoir !
Shtum est livre bouleversant, du début à la fin, et pour toutes les thématiques qu'il aborde ! Il y a – évidement – le thème de la parentalité. Jem Lester aborde aussi – bien évidemment – le sujet de l'autisme. L'auteur a lui-même un enfant autiste, et ce qui l'a poussé à écrire ce roman est l'énervement à la question : « Quel est le talent particulier de votre enfant ? ». Car on parle de plus en plus de l'autisme, et particulièrement des Asperger (notamment depuis Rain Man), des personnes qui présentent des certes des comportements différents mais aussi des capacités accrues dans certains domaines (comme la capacité à multiplier un grand nombre de chiffres sans calculatrice). Mais toutes les personnes autistes ne sont pas des Asperger, et tout les Asperger ne sont pas pareils. Parce que ce sont des personnes avant tout, et chaque personnes a ses limitations, ses talents et sa propre histoire. Pour finir avec les sujets de Shtum, j'ai également énormément apprécié la relation de couple entre Emma et Ben. C'est un couple qui a ses problèmes, ses dysfonctionnements, et je trouve que Emma illustre parfaitement un sujet dont on parle de plus en plus et qui s'appelle la charge mentale.
Je vous conseille vivement ce roman.

(Voir mon avis complet sur mon blog.)
Lien : https://chezlechatducheshire..
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Mon résumé :
Shtum signifie « silencieux », et silencieux Jonah l'est. Mais il n'est pas que ça. Diagnostiqué autiste non verbal, il peut aussi se montrer fasciné par une plume ou par des reflets colorés. Il a des accès de violence quand il est stressé, quand quelque chose vient perturber un quotidien qu'il lui faudrait régulier et ritualisé au possible.
A 11 ans, Jonah n'est toujours par propre et n'a pas l'air d'y accorder de l'importance d'ailleurs.
Ses parents, Ben et Emma sont épuisés. La seule solution qui leur semblerait propice à répondre aux besoins particuliers de leur enfant (cadre structuré et régulier, éducateurs formés et capables de l'aider à se développer et à pouvoir communiquer), serait un centre spécialisé. Mais voilà, pour cela il faudrait que la municipalité accepte de payer et même avant cela, qu'elle reconnaisse que c'est la seule solution adaptée pour permettre de répondre aux besoins particuliers de Jonah, la seule solution adaptée pour l'aider à grandir et à devenir le plus autonome possible.
Une solution qui a un coût. Pour avoir plus de chance d'obtenir une victoire dans un procès contre la municipalité, Emma a vu qu'il faudrait que Ben quitte le domicile familial et retourne vivre chez son père, avec Jonah.
A contre coeur, Ben accepte….

Mon avis :
J'ai commencé ce livre dans une salle d'attente, un lieu a priori peu propice à la concentration. Et pourtant, dès les premières lignes j'ai oublié ce qui était autour de moi, happée par l'histoire.
Mon intérêt particulier pour l'autisme y est sûrement pour quelque chose. Je suis toujours attirée par ces combats de parents pour que leur enfant bénéficie d'une prise en charge adaptée à leurs besoins particuliers. Ici, je trouve que le combat est vraiment bien décrit. Sans jamais jeter la pierre à quiconque (parents, municipalité, ou professionnels spécialisés…) il montre simplement que chacun défend ses intérêts, poursuit ses buts et qu'il est difficile de s'entendre pour les faire concorder. Il décrit aussi combien il est difficile d'évaluer un enfant ou un jeune, d'évaluer des savoir-faire, de devoir hiérarchiser des besoins. En trame de fond, il défend quand même l'idée qu'il faut écouter l'enfant et le placer au centre de son projet de vie, même si ça coûte cher (une idée qui me semble importante quand je vois comment certaines choses se passent dans le milieu où je travaille).
Mais il n'est pas question que d'autisme dans ce livre. Il est question de relations humaines.
Du silence qui peut s'installer dans un couple confronté à un douloureux combat, happé par le quotidien avec un enfant extraordinaire. Même s'ils partagent le même toit, le même lit,Emma et Ben ne parviennent plus à être ensemble, à construire ensemble, à s'entendre (au sens premier du terme) tout simplement. Et chacun passe à côté de l'autre, de ses questionnements ( nombreux quand on a un enfant, qui plus est handicapé), de ses désirs, de ses besoins. Chacun pris au piège de ses propres émotions, tentant de « survivre » malgré tout, de surmonter la culpabilité, les doutes.
Il est question de relations familiales aussi, et plus particulièrement de relations père-fils.
Obligé de retourner vivre chez son père, Ben va apprendre à le connaître, à le connaître vraiment, plus qu'en 30 ans de vie « commune ». Enfant, trop centré sur nous, on passe souvent à côté de nos parents, notre regard est biaisé. Comment dès lors avoir une relation sincère et vraie avec l'autre, comment l'aimer tel qu'il est vraiment.
Ben va apprendre aussi à se connaître lui-même, dans ses forces et ses failles. S'il est assez souvent touchant, il est parfois énervant. Son utilisation de l'alcool comme refuge, certaines de ses réactions, son égocentrisme, m'ont parfois donné des envies de lui coller une claque (même si je ne juge pas), de le tirer par le bras en lui disant d'arrêter de s'apitoyer.
Il est aussi question de relation inter-générationnelle. J'ai été touchée par celle qui se créée entre Ben et son père, son évolution… J'ai été touchée par la relation du grand père avec son petit fils, par l'amour qui transpire entre les deux malgré l'absence de langage du plus jeune.
J'ai été souvent émue durant ma lecture. Beaucoup pense que les personnes ayant des troubles du spectre autistique n'éprouvent pas d'émotions. Si vous n'avez pas la chance d'en côtoyer, il vous suffit de lire ce livre pour comprendre que ce n'est pas vrai !
Attention, si j'ai souvent été très émue par la lecture de ce livre, ce n'est pas parce qu'il est mièvre, larmoyant. Au contraire. L'écriture est très « pudique », très sobre. On sent le respect et l'attachement de l'auteur pour ses personnages…
Un vrai coup de coeur !
Lien : https://lireetrelire.blogspo..
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
- Est-ce qu'il a un talent particulier ?
Je sais qu'elle parle de Jonah.
- Pardon ?
- Jonah est autiste, n'est-ce pas ? Est-ce qu'il a un don extraordinaire ?
Voilà la question qui me terrasse à chaque fois, me dégrise. Les gens pensent que le personnage de Dustin Hoffman dans Rain Man est le modèle type.
- Il fait des roulés-boulés quand je lui chatouille le ventre.
- Ben ! me gronde Amanda.
- Désolé. Non, il n'a aucun talent particulier, il n'est pas de ce côté du spectre autistique.
Je sais qu'elle attend un exposé détaillé des tenants et des aboutissants de l'autisme, mais le niveau d'ignorance des gens me choquent toujours au point d'avoir envie de les choquer à mon tour.
- Sauf si on considère que se chier dessus est un talent, bien sûr.
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Les urgences, ce sont les nations unies des souffrants – bébés, burqas, sweats à capuche, sandales, saris, bribes de langues européennes reconnaissables, caquètements de dialectes africains dont je n’ai aucune notion. Je me demande ce qu’ils pensent de Jonah et de sa langue personnelle en évolution. Pourquoi tout le monde tousse-t-il, alors que les gens sont ici pour une entaille à la tête ou une cheville foulée ? Sommes-nous si peu sûrs de nous que nous ressentons le besoin d’en rajouter ?
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Les enfants de ces histoires ne se font pas d’amis, ils se noieraient dans la piscine si on ne les surveillait pas, car ils n’ont aucune notion du danger, ni du temps. Ils ne savent ni lire ni écrire, encore moins taper des SMS, nombre d’entre eux ne parlent pas, ou sont incapables d’utiliser les toilettes.
Leurs parents ne sont jamais invités en vacances, à des fêtes, à déjeuner. Si exceptionnellement, cela arrive, ils déclinent, car tandis que les adultes apprennent à se connaître, les enfants normaux, eux, sont cruels. Leur petit pourra détruire par mégarde un objet précieux, mettre un bazar que maman ou papa se fera un devoir de nettoyer. Mais ce que ces parents fuiront avant tout, ce sont les regards teintés de pitié.
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On fête des anniversaires, on achète des jouets qui amusent nos enfants, on soutient leurs équipes sportives, on planifie leur éducation, leur avenir professionnel, on passe des vacances en famille ou avec des amis en Espagne, au Portugal, aux États-Unis – n’importe où pourvu qu’il y ait un club pour enfants qui permette des heures de détente au bord d’une piscine, une échappatoire. Des mères et des pères sourient à leurs enfants – grillés comme des toasts – qui batifolent dans l’eau ; ils échangent des sourires, engagent des baby-sitters le soir pour dîner en paix, ou laissent leurs bambins traîner en meute en convenant au préalable d’une heure et d’un lieu de retour, qu’ils respecteront sagement.
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Elle m’envoie un baiser depuis la porte et sort à grands pas décidés vers son refuge juridique, où, selon elle, elle nettoie le foutoir et la merde des autres, tout comme moi, sauf que, dans son cas, c’est une métaphore. Je pense à l’argent, je pense au travail, mais telle une facture impayée se rappelant cruellement à moi avant de disparaître miraculeusement par la force du déni, l’entrepôt est un enfer personnel que je chasse de mon esprit.
Elle était ici puis elle est repartie, me laissant là, comme un asticot pendu à un fil. J’aurais aimé enregistrer cette conversation, pour la taper et l’étudier de près, tel un correcteur à l’affût de la moindre erreur.
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