Parce que la 4e de couverture commence par « ce roman vous convie à l'hilarante évolution de pithécanthropes entre deux feux… » et que j'avais besoin de rire ces derniers temps, c'est pleine d'espoir en une joyeuse lecture que je me suis plongée dans ce roman classique parfois étudié au collège.
Ce qui frappe d'entrée de jeu est le décalage entre le moment où se situe l'action (la préhistoire et plus particulièrement la période de la découverte puis de la maîtrise du feu) et le ton utilisé par le narrateur et ses contemporains à savoir un style non seulement du 20e siècle mais avec un vocabulaire riche et cultivé. le ressort comique fait parfois mouche mais peut parfois être déroutant voir rater son effet.
Nous suivons donc une horde qui doit lutter pour survivre dans un environnement hostile, constamment à la merci des animaux, jusqu'à ce que le père capture le feu et le ramène dans la caverne qui les abrite tous. le rapport de forces entre l'homme et la nature s'inverse. Dans le même temps toute une évolution se met en place : amélioration des outils de chasse, découverte de la cuisson des viandes (et c'est quand même plus facile à mâcher que de la viande crue), croisement (union) avec d'autres tribus, le tout sur fond de constants débats philosophiques sur les bienfaits ou les méfaits du progrès sur la société et la famille.
Et bien oui, parce que le pithécanthrope est déjà soit de gauche (tendance social et écologie) ou de droite (guidé par le libéralisme et la liberté d'entreprendre et tant pis si c'est un peu liberticide). Il est aussi pour ou contre le progrès, comme ce feu qui améliore le quotidien et protège mais peut aussi tout détruire. M. Pithécanthrope est bien sûr aussi très macho et bourré d'orgueil tant et si bien qu'il ne voit pas lorsqu'il est manipulé par les femmes. Car la femme pithécanthrope, même si elle n'a pas souvent la parole dans cette fable, sait y faire pour parvenir à ses fins.
Le texte, qu'il s'agisse de la narration ou des dialogues, fourmille de références littéraires, de la Bible à
Shakespeare, mais aussi philosophiques, sociologiques, politiques, économiques voire historiques, usant (et parfois abusant) du ressort comique de l'anachronisme.
L'ensemble est divertissant et se lit plutôt facilement. J'ai souri souvent, rit de bon coeur quelques fois même si certaines ficelles sont un peu grosses. J'ai aussi parfois dû me forcer à me rappeler que l'action se passe à la préhistoire pour garder en mémoire l'aspect fable humoristique. Et j'ai aussi dû me recentrer sur le fait que
Roy Lewis a écrit ce livre au début des années 1960, années de guerre froide succédant à la première utilisation de la bombe atomique pendant la Seconde Guerre Mondiale, années de questionnement sur l'évolution du monde, le progrès technique (l'énergie nucléaire, le confort de l'électroménager), la société et les rapports hommes / femmes, etc.
Au final, même si le livre n'est pas tout à fait à la hauteur de mes attentes compte tenu de l'éloge qu'en faisait
Théodore Monod, je ne regrette pas de l'avoir découvert en le prenant au hasard dans une boite à livre, intriguée par le titre et le sujet. Parce que finalement il nous offre un certain miroir de ce que l'évolution a fait du pithécanthrope, c'est-à-dire l'humain du 20e siècle.