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4,17

sur 982 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Pour un roman noir , c'est un roman noir . Une célèbre chanson déclame " qu'on ne choisit pas sa famille , qu'on ne choisit pas ses parents , qu'on ne choisit pas non plus les trottoirs de Manille " ...On en aura un " bel exemple " avec Karel , sa soeur Hendricka et le " petit dernier " , Mohand , "trois enfants à avoir été décapités dès l'enfance , trois à qui on avait refusé tout épanouissement et toute floraison , trois à n'être rien ni personne ..." ( p 14 )
L'enfer . Pas à Manille , non , à Marseille , un enfer dans le quartier de la cité Artaud près d'un camp de gitans .....
Comment Karel pourra- t - il échapper à la glu poisseuse qui l ' enserre dans ses pièges tentaculaires ? En changeant de nom ? En s'appelant Gabriel , par exemple ? " Cesser d'être Karel pour devenir le mec bien que j'aurais dû être ? " ( p215 ). Louable ...Possible ?
Dans ce roman , trois enfants vont tenter d'échapper à ce drame inéluctable : " La seule chose qui dure toujours , c'est l'enfance quand elle s'est mal passée ". Propos bien pessimiste pour un avenir compromis dès le début ? Karel , bien sûr, mais et la superbe Hendricka ? Et Mohand , méprisé , moqué , humilié sans cesse par son " père " ?
Mettre nos pas dans les leurs va être un parcours éprouvant, presqu'insupportable , un calvaire , un chemin de croix . Rien ne nous sera épargné et on ne peut guère espérer " souffler " dans ce monde impitoyable ..Pourtant , on ne peut plus " lâcher " cet engrenage infernal " dès lors que la " machine " , la " broyeuse " est en marche . Ames sensibles ...
Le style de l'auteur se met au diapason . C'est lourd , âpre , haché, peu conventionnel , au vocabulaire sans fioriture .Pas de la littérature ? Exagérément cru ? Peut - être pour certains et certaines qui pourraient " bouder " ce roman et que je pourrais comprendre . Pour ma part , j'ai beaucoup aimé , non pas par voyeurisme , non , j'espère bien que non mais parce que la complexité des personnages , et d'un en particulier , m'a laissé espérer, redouter , constater ...Ce roman a suscité en moi de profondes réflexions, de nombreuses émotions. L'enfance ... l'adolescence ...la vie d'un homme ...Ça ne devrait pas être ça " la vraie vie " .
Ah , au fait , le père, il a été assassiné. Par qui ? Et , oh , je ne suis pas " flic " , moi , juste lecteur et croyez - moi , dans ce livre impitoyable , ce n'est déjà pas si mal ... Je vous en dis trop ? Ben voyez donc ! C'est marqué sur la quatrième de couverture , alors moi , hein ... Bonne lecture et j'espère que vous aimerez autant que moi ...
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Attention pépite !..roman noir certes mais quelle fluidité l'écriture,le style !!magnifique ! .. pas de quoi s'offusquer quand à l'utilisation d'un langage cru..! La réalité dépasse souvent la fiction! Et on n'est pas dans les moulures et les dorures du 16ème parisien..!

Année 80 -90
On écoute Iam et NTM
"Chaine en or qui brille"..
On zone dans Marseille
dans les quartiers mal famés
Entre dealers, gitans, truands
Et diverses communautés
où la violence, la haine
et paradis artificiels veillent,
Rôdent et faciles à trouver
Cette histoire de fratrie soudée
Deux frères et une soeur
Abîmés, bousculés par
Deux parents
retors et malveillants
Essayent de s' échapper
De la misère,de la pauvreté.
Il arrivent à esquiver..
En empruntant d'autres chemins
A tout prix : s'en sortir
En restant VIVANTS!

Bouleversée par cette histoire, lue en une nuit...de l'empathie pour ces enfants résolus à sortir de ce déterminisme absolu, de ce ring de boxe, ..une ode à l'espoir au travers de tant de cruauté !.ode à la vie au travers d'une rage ....soif de vivre mais à quel prix!
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Qui peut encore croire que la misère est moins pénible au soleil ?
Avec ce roman, on oublie l'idée, si elle nous a effleuré un jour.

Nous sommes à Marseille, dans les années 80-90.
La famille Claeys vit dans une cité défavorisée. Mais peut-on parler de famille, d'ailleurs ?
Karel et Hendricka, les deux aînés, sont superbes avec leurs yeux bleu marine, leurs grands cils, leur teint de pêche et leurs jolies boucles - mélange parfait d'ancêtres belges et kabyles. Mohand, le petit dernier, souffre de plusieurs malformations. Et ça, son connard de père ne le lui pardonne pas. Il brutalise déjà les deux premiers, dont il entend pourtant tirer des revenus en les présentant à des castings ; sur Mohand, il s'acharne verbalement et physiquement. Sa cruauté est sans limites, monstrueuse.
Et la mère dans tout cela ? Difficile à dire. J'ai décidé de penser que son bonhomme et leur mode de vie l'ont bousillée, lui faisant perdre tout bon sens.

C'est dans un camp de gitans, de Roms et de manouches sédentarisés que les trois enfants Claeys vont trouver un semblant de famille - du moins des frères et soeurs avec qui ils vont vivre autrement, dès qu'ils pourront fuir de chez eux.


Roman social noir sur des enfants/adolescents mal partis, qui rappelle ceux de Silvia Avallone, certains de Marion Brunet, Nicolas Mathieu, ainsi que 'La Vraie Vie' d'Adeline Dieudonné. Un roman qui crie la douleur, la frustration et la rage, notamment celles de Karel, qui semble destiné à pourrir/brûler ce qu'il touche, à l'instar de son géniteur.

Lecture captivante & déchirante de ce texte parfaitement écrit, présentant des personnages complexes, et accompagné d'une play-list* qui illustre à merveille la vie et les états d'âme de Karel.
Dommage que l'intrigue se resserre autour du 'zboub' (sic) du jeune homme, qui devient une obsession pour lui, un pitoyable moyen d'approcher la 'fortune' (chance & aisance des biens-nés).

A lire, notamment pour le formidable petit frère. ♥

____

* Philippe Lavil, papa idéal pour Mohand - Julio Iglesias dont les mots d'amour font rêver les femmes - M. Jackson, Marvin Gaye (2 fils 'tués' par leur père) - IAM les Marseillais, NTM du 9-3 et leur rage - etc.

♪♫ https://www.youtube.com/watch?v=OlmKCj03fHw
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Roman social, roman noir, roman parfois cru, roman coup de poing.
L'histoire se déroule à Marseille et commence par la mort de Karl, père de famille de 3 enfants , Karel, Hendricka et Mohan le petit dernier , né avec un handicap.
Qui a tué le père ? cet homme toxicomane, violent avec tout le monde et particulièrement odieux avec Mohan qui subira de graves maltraitances.
C'est dans les quartiers nord de Marseille que les personnages évoluent et vont traîner leur fardeau. " la seule chose qui dure toujours, c'est l'enfance, quand elle s'est mal passée."
Les 3 enfants vont , chacun à leur manière, se construire, tenter d'avancer avec ce qu'ils ont, ce qu'ils sont, ce qu'ils ont vu, subis et supporté.
C'est auprès d'une communauté gitane qu'ils trouveront un peu de chaleur et d'amour.

Karel, l'aîné des enfants va porter en lui la haine de ce père et va s'interroger sur la reproduction de la violence.
Karel est particulièrement torturé par cette enfance et combat comme il peut contre la peur de l'héritage génétique, sociale et culturel de son père.

Ce roman sombre met en lumière la misère sociale et la force du determinisme social qui, s'il n'est pas inéluctable, plane et apporte questionnement, lutte et crainte.
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Le père, Karl, est mort, je ne révèle rien puisque l'auteure le fait dès la première page, la première ligne. Alors qui l'a tué ? Karel Claès l'avoue : personne ou tout le monde car bon nombre aurait eu des raisons de le faire et en premier lieu lui ou sa soeur Hendricka, belle comme le jour, ou bien Mohand, son petit frère martyr parce que différent, souffreteux, mal fini comme il dit, le souffre-douleur préféré de son père. Un père dit-il mais non pas un père, une bête immonde, qui ne sait que brutaliser, frapper, dealer ou boire sous les yeux de leur mère, de Loubna,  témoin silencieux voire complice du désastre familial. Alors ils ont un mantra secret, glissé derrière un poster :

"-JVTMP
-Tu te rappelles ce que ça veut dire ?
-Bien sûr : je veux tuer mon père ! (p157)"

Cité Artaud dans les quartiers nord à Marseille et la cité n'a que le nom de poétique car ici vous êtes au coeur d'une société qui vit en marge de toutes règles et dans laquelle Rebecca Lighieri nous immerge avec son écriture sans fard afin d'être au plus près du sujet, aucun aspect ne nous est épargné. C'est un roman sur la violence quotidienne, verbale et physique au sein d'une famille, sur trois enfants qui vont devoir comprendre très vite les règles et les limites, qui n'auront d'autres buts que de s'enfuir afin de ne pas monter en eux la même violence. Et pourtant....

"Tant qu'on se crackera bien la gueule avec nos petits cailloux, la société passera ça par pertes et profits. Et si les pertes sont négligeable, les profits sont loin de l'être : la sélection s'opère, naturellement, sans intervention extérieure, sans déploiement des forces de l'ordre - pas besoin de ligne budgétaire, y'a qu'à nous laisser faire, bingo. (p301)"

Entre une cité déshumanisée, un passage 50 où Karel trouve un peu de chaleur et d'amour au sein d'une communauté de gitans, chacun va devoir faire preuve de ténacité pour s'en sortir, pour se faire sa propre ligne de vie, de réussite mais à quel prix car il y a souvent un prix à payer d'une enfance faite de coups, de blessures laissent des cicatrices toute la vie.

"Mon père est mort. Tout est faux dans cette phrase. D'abord, parce que je n'ai jamais eu de père, et ensuite parce que, père ou pas, il est toujours vivant. Au lieu de le tuer, j'ai passé vingt-deux ans à le laisser vivre et prospérer en moi jusqu'à l'intoxication. (p306)"

La beauté, dans ce roman, on la trouve dans la relation entre les trois enfants : à la vie, à la mort et la violence est omniprésente, elle frôle les corps et à travers le personnage de Karel, l'auteure montre bien le combat qui se livre en lui pour ne pas lui-même tomber, reproduire (parfois sans succès) cette violence qui a imbibé sa jeunesse, qui a été son pain quotidien à défaut de nourriture, de tendresse et d'amour.

Je connais l'écriture de Rebecca Lighieri depuis Les garçons de l'été, un roman déjà axé sur la famille, ses dysfonctionnements mais elle franchit dans celui-ci un cap en mettant sous le feu de sa plume, ce qui se cache parfois dans ses barres d'immeubles, près de nous, où le chômage, la mise à l'écart, le manque de ressources sans compter sur le ghettoïsation qui envenime et accentue ce qui était déjà sous-jacent chez certains. C'est insoutenable parfois mais je pense qu'elle a voulu rendre à travers ses mots toute la violence, sans  l'atténuer, qu'il faut être face à celle-ci, la ressentir à la lecture pour essayer d'approcher, je dis bien approcher, ce que certains peuvent vivre au quotidien loin de nos vies confortables. Ici nous ne sommes pas dans un conte de fée, il n'y a pas de preux chevalier, pas de héros qui surgissent pour sauver, mais simplement des êtres qui tentent de survivre, physiquement et moralement.

C'est un récit cru, brutal, sociétal, l'auteure ne cherchant pas à édulcorer car comment pourrait-on le faire et comment cela serait-il possible d'ailleurs sans le travestir. Karel devient l'emblème d'une jeunesse qui paiera toute sa vie les traumatismes d'une enfance qui n'a de l'enfance que le nom et qui ressemble plus à un chemin de croix.

J'ai beaucoup aimé.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Trois enfants. Une fille et deux garçons. Hendricka, Karel et le petit dernier nommé Mohand.

Nés dans la mauvaise famille, le désastre, la mauvaise étoile. Un père, Karl Claeys, triste blague belge venue se crasher dans la cité Antonin Artaud après une diagonale Amblève > Marseille. Cité fictive qui ressemble à beaucoup d'autres et où les fulgurances côtoient la folie sans savoir qui engendre quoi.

Loin du centre-ville, sur les contreforts du massif de l'Etoile. Un genre de Notre-Dame-Limite d'où Notre-Dame se serait enfuie en hurlant, hirsute et affolée. Un de ces territoires relégués géographiquement et socialement.

Dans ses bagages Karl a emporté ses combines foireuses, de l'héroïne, sa shooteuse ainsi qu'une capacité hors-du-commum à bousiller les gens qu'il fréquente. Et en premier lieu, sa femme Loubna rencontrée sur place et leurs trois enfants qui cohabitent avec lui, passagers involontaires et résignés de sa méchanceté brute.

Le narrateur sera Karel, l'aîné. Il nous parle depuis un futur où le monstre a été terrassé comme dans L'Odyssée par un assassin nommé "personne". Il se livre à l'orée de sa vie d'adulte à un psy, remontant le fil de sa courte histoire. 20 ans de cauchemar pour une fratrie en proie à la violence d'un père, au silence d'une mère et à l'indiffèrence presque unanime du monde autour. École comprise.

Marseille est encore une fois un théâtre antique à ciel ouvert, décor d'une tragédie implacable. Elle n'est pas vraiment agissante dans ce livre, cela aurait très bien pu se passer ailleurs. Seuls quelques évènement historiques viennent saupoudrer le texte et l'ancrer. Elle se contente d'accueillir et de tendre les bras aux personnages.

Sa géographie accompagne leurs évolutions et avant tout celle de Karel : d'Antonin Artaud au Boulevard Sakakini puis à la rue Consolat. On se rapproche du centre-ville au fur et à mesure que la vie évolue, qu'on trouve un emploi, qu'on emménage avec sa copine et que l'on tente d'oublier sa cité crasseuse. Sociologie des rues.

Pourtant les dieux ne perdent jamais de vue les enfants Claeys et s'acharnent sur cette famille en déchaînant les éléments sur elle. Des ciels d'orage où Zeus lance son foudre, ulcéré par tant de brutalité et d'immoralité réunies dans une même famille. Les Atrides ou les Labdacides n'ayant rien à lui envier.

Deux enfants à la beauté divine (Apollon et Artemis ? Mais Karel et Hendricka ne sont pas des jumeaux) et un autre disgracieux, voué aux tourments physiques et moraux (Héphaistos ?). Un père qui dévore ses enfants. (Cronos ?)

Des origines nébuleuses d'hommes et de femmes fuyant leurs destins et brouillant les pistes en les croisant. Les lignées de deux familles qui s'ignorent et se cherchent. (On pense à Oedipe pour les origines opaques )

Meurtre, sacrifice pour refaire souffler le vent de la vie au milieu du désespoir, (Iphigénie) adultères. Mythologie incarnée et douloureuse.

J'ai été un peu décontenancé. le voyage m'a plu mais les personnages avec qui je l'ai fait me laissent perplexes. Et avant tout Karel. Karel le fracassé et son acronyme évocateur.

Il a vécu une enfance terrible avec sa soeur et son frère à subir la colère et la bêtise crasse d'un père fide fade et colérique. Dur de vivre dans la peur constante de ses crises de folie...

Comme si cette violence était un pays dans lequel lui, son frère Mohand et sa soeur Hendricka avaient appris à vivre, en se blotissant dans les infractuosités du terrain : une mère dépassée, soumise et mutique ; un camp de gitan derrière la colline ; ou la fuite loin de ce monde que l'on attend, que l'on prépare et que l'on souhaite.

On se cache dans ce roman, on se terre. On dissimule aux autres ses envies, sa vérité, pas toujours très belle. On change de noms pensant que le destin perdra ainsi notre trace en feuillettant le bottin mondain, ce bal maudit. On ment comme on soupire.

Mon enfance a été trop heureuse et c'est ce détail qui m'empêche d'accepter le résultat d'une telle opération, à savoir que les brimades continues, les coups et l'humiliation au quotidien ne peuvent que très rarement donner des adultes calmes, pacifiques et altruistes.

A partir du chapitre "Les filles en "i" m'a colère n'a cessé de monter. Un personnage a brusquement fait une embardée. On la pressentait mais pas à ce point. J'en suis arrivé à l'insulter. Je l'ai même invectivé en le questionnant par écrit sur les pages du livre, inscrivant des "Et toi connard ?" dans la marge. Ça ne m'arrive pas si souvent...

C'est dur de suivre un protagoniste qui nous tend, nous énerve. Ah Karel. Mec. Assume. Arrête de ne penser qu'à ta jolie petite gueule 5 minutes...oui c'est Caporal bobo qui te parle au talkie, tu sais ? de ceux que tu détestes et jalouses ? Mais je sais, je n'ai aucun mérite de parler depuis là d'où je parle. Donc je ferme ma gueule et je te regarde faire des roues arrière improbables avec ta vie et surtout celle des autres. Spectateur qui se mord les lèvres du gâchis en puissance et de l'accident ferroviaire qui ne manquera pas de se produire.

Rebecca Lighieri nous bouscule, volontairement, dans nos certitudes et dans notre confort. On se questionne, on s'étonne, nos appuis sont moins assurés, comme si l'autrice nous avait placé une bonne balayette et attendait, goguenarde, notre réaction.

L'auteur parle d'une "suspension du jugement" qu'elle revendique envers ses personnages que la vie, la société, a priori ont déjà jugé et marginalisé. Elle ne tient pas à surcharger leurs barques. Juste les mettre à l'eau, les voir nager. Ou couler.

Le titre n'est d'ailleurs pas une affirmation pour elle. Il reste une interrogation à laquelle on peut répondre ou pas. Les Hommes, au sens de l'espèce restent à définir. Karel, Karl, Mohand, Loubna ? Tout le monde ?


Quelque chose m'a manqué pourtant dans le rythme sans que je ne puisse vraiment mettre le doigt dessus. Je pense que malheureusement certaines scènes, presque des tableaux, viennent nuire au rythme global du roman. C'est tellement fort, que cela casse le fil du récit, le rend trop fin. Comme des diamants trop lourds sur un collier. Cela peut arriver en peinture, où un morceau de bravoure tout virtuose soit-il, peut venir casser l'unité.

Ces passages sont forts, bien écrits. Ils font sauter l'électrocardiogramme qui ensuite paraît étrangement plat. C'est dur à dire mais certains passages sont trop puissants vis à vis du reste et notamment du 3ème tiers du roman et de la fin qui s'essouflent un peu à mon goût.

C'est le défaut d'une qualité. Ce n'est moins bon que parce que cela cohabite avec du précieux, pas parce que c'est moyen.

J'ai d'ailleurs vraiment aimé la plume de l'autrice. Pleine de jus. Les personnages persistent et m'interpellent régulièrement dans ma vie de tous les jours. Je vois des Karel assez souvent ou je crois en voir lors de mes errances. Plus rarement un Mohand au visage abimé. Beaucoup de chair et de vie données à ces enfants que l'on suit dans leur adolescence ("la mue périlleuse") et dans leurs premières années d'adultes qui ne sont pas les plus simples à vivre non plus. Une tendresse particulière pour l'opulente Choucha.

Puis il y a des scènes très marquantes.

Bouleversantes même.

Certaines violentes, d'autres moins mais intenses toujours. Sexe, shoot, aggression, mise à mort.

De ces paroxysmes acrobatiques où le ridicule guette à chaque adjectif, Rebecca Lighieri se sort très bien, arrivant à ses fins et plongeant les lecteurs dans ce fort courant.

Pas de "Bad sex in fiction award" pour Mme Lighieri donc.

En ce qui concerne la marge accueillante et les exclus inclusifs...j'aimerais y croire mais je ne suis pas totalement convaincu. Cynos de Berge Rase me souffle doucement à l'oreille des réflexions empoisonnées et sarcastiques. Si seulement...

Une autre petite remarque (oui ça fait beaucoup mais je l'aime bien ce livre je le redis) qui m'a fait un peu cligner de l'oeil comme un cornichon trop vinaigré : le mot "go" n'est, à mon avis, pas apparu à Marseille en 1990. Cela est bien plus récent. A moins que ce ne soit le Karel narrateur du 21ème siècle qui l'utilise ? Même réflexion pour "bicrave" en 1998. Je n'ai commencé à l'entendre que vers 2005 et pas sur Marseille dans un premier temps. Pour finir le mot "terma" ??? J'ai toujours dit "tarma" en ce qui me concerne.

Lighieri dit qu'elle a remarqué qu'elle se réservait pour les narrateurs masculins, pour une certaine noirceur. Plus percutante, plus romancée et moins poétique que Bayamack-Tam. Elle se permet plus de violence physique comme dans un pulp. Elle écrit "sous pseudo", et loue l'effet "stupéfiant" que cela convoque chez elle et qui la déshinibe. La trame est déjà présente contrairement aux livres de Bayamack- Tam qui se forgent "chemin faisant".

Philippe Lançon dit que "Lighieri est la version pop de Bayamack-Tam".

Et en parlant de pop, la musique et les chansons des années 1980 à 2000 sont au centre de ce roman. Rebecca Lighieri a construit l'histoire autour d'elles, les laissant infuser dans son esprit pour en colorer les atmosphères, souligner des ambiances et convoquer les souvenirs, pour les chanceux nés dans ces décennies ; pour le meilleur et pour le pire dit-elle. Elle a failli nommer chaque chapitre du titre d'une de ces chansons mais a renoncé en route, craignant l'aspect trop systématique.

Ce livre, malgré quelques irritations, me donne très envie de lire assez vite autre chose de l'autrice quel qu'en soit le nom. Par ricochets, l'envie aussi de découvrir Antonin Artaud dont le titre est une citation et dont L ADN triple fait de poésie, de drogue et de folie irriguent ce roman.

Quelques details amusants aussi, comme la famille Sastre, gitans du passage 50 aux goûts vestimentaires très marqués et dont le nom signifie "tailleur" en espagnol.

Le pseudo Lighieri aussi qui fait de l'oeil à Dante Alighieri.

Je relirai sûrement certains passages bouillonnants, comme on va au musée revoir une oeuvre qui nous a touché.

En tout cas, une lecture qui ne m'a pas épargné. J'aime.




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Comment s'aimer et parvenir à aimer autrui lorsqu'on n'a connu que violence, haine et mépris au sein du foyer familial. Ou qu'on s'est fait distiller au compte-gouttes, par une mère asservie, un amour passif, tenu caché de la tyrannie exercée par le père.
Rebecca Lighieri, pseudo de l'écrivaine Emmanuelle Bayamack-Tam, en rend compte dans ce roman d'une dureté implacable dont l'histoire se déroule dans une cité de Marseille que jouxte non loin un camp de gitans. Karel, Hendricka et Mohand, élevés par des parents dysfonctionnels, héroïnomanes de surcroît, se promettent entre eux mille et une choses afin d'entrevoir un avenir meilleur. Dans l'adversité d'une enfance bafouée, la fratrie se soude autour des exactions subies et de ces rêves de vengeance à assouvir. Tout est envisagé, même les pires actions.
La narration, confiée à l'aîné Karel, emprunte le langage de la rue, conférant ainsi au récit une grande part de véracité. C'est cru, abject et parfois insoutenable. Difficile d'aimer ces personnages malmenés exempts d'empathie, qui banalisent la cruauté et qui font subir aux autres leurs lacunes affectives. Des « (…) types mal barrés, qui vont mal tourner et surtout mal finir – autant dire des moins que rien. Tant qu'on se crèvera entre nous sur des tas d'ordures, tant qu'on se crackera bien la gueule avec nos petits cailloux, la société passera ça par pertes et profits. Et si les pertes sont négligeables, les profits sont loin de l'être : la sélection s'opère, naturellement, sans intervention extérieure, sans déploiement des forces de l'ordre – pas besoin de ligne budgétaire, y'a qu'à nous laisser faire, bingo. »
Entre-temps, le hasard des lectures m'a fait commencer le roman de James Hannahan, Delicious foods, dans lequel se dessine une certaine parenté Il est des hommes qui se perdront toujours.
« On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille
On choisit pas non plus les trottoirs de Manille
De Paris ou d'Alger pour apprendre à marcher
Être né quelque part
Être né quelque part, pour celui qui est né
C'est toujours un hasard »
(Né quelque part, Maxime le Forestier)
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Peut-on guérir de son enfance ?

Années 80, quartiers Nord de Marseille. Karel, Hendricka, Mohand grandissent dans un huis-clos familial étouffant imposé par leurs parents. La figure du père est centrale. Karl Claeys fait régner la terreur, use de violence verbale et physique avec une perversité accrue pour le petit dernier, Mohand, né avec de multiples handicaps. Tel est le décor d'une enfance gâchée et meurtrie. On ne vit pas, on survit. Les manques sont criants, l'absence de considération, d'affection, d'amour laissent des traces.

Échapper à ce vase-clos mortifère, vivre sa vie malgré tout, chercher un peu de bonheur… le destin de ces trois enfants cabossés nous est décrit en un peu moins de 400 pages. Au fil des chapitres, ils vivent leur adolescence tant bien que mal puis deviennent adultes, saisissent (ou pas) les opportunités, font des choix… Mais que faire de cette violence accumulée, de toute la rancoeur qui peine à s'apaiser ? Karel pense trouver une forme de consolation en s'investissant pleinement dans le couple qu'il forme avec « sa petite amoureuse », Shayenne, premier amour qui naît dans le camp de gitans qui jouxte la Cité. Hendricka, dont la beauté stupéfiante est un atout certain, parvient à faire du cinéma, à intégrer le star-system, ce qui lui permet de partir loin et se s'inventer une vie différente. Mohand, lui, malgré les infirmités et les souffrances du corps qu'il subit régulièrement, se fait un nom dans le quartier, verse dans les petits trafics.

Rebecca Lighieri ne ménage pas le lecteur. La noirceur est omniprésente. Elle se concentre sur le personnage de Karel qui sombre malgré tous ses efforts pour vivre une vie qu'il souhaiterait, sans doute, « normale ». La fatalité de la violence semble être indépassable. Les entraves de ce personnage en quête d'apaisement, de tranquillité d'esprit semblent être plus fortes que tout.

A la fin de ce roman, le lecteur est secoué, éprouvé. On pourrait trouver que certaines scènes sont caricaturales ou penser que l'autrice force le trait, exagère. Mais la réalité dépasse souvent la fiction et le drame de l'enfance maltraitée est encore et toujours d'actualité. La misère affective est un fléau et, même sous le soleil de Marseille, elle n'en cause pas pour autant moins de dégâts.

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L'histoire se passe dans un quartier (fictif) au nord De Marseille et commence avec l'annonce de la mort du père du narrateur. Son corps est retrouvé dans un décharge. Karel Claeys est le narrateur dans cette histoire.

Karel, Hendricka et Mohand Claeys sont des enfants nés d'un père belge et une mère kabyle. La famille habite dans la cité Antonin Artaud, située au nord De Marseille.

Le père Karl est un homme violent qui bat sa femme Loubna et ses enfants. Karl et Loubna sont toxicomanes, ils sont pauvres et ne s'occupent pas de leurs enfants. Mohand, le petit dernier est polyhandicapé, mais il ne reçoit pas les soins dont il a besoin.

Quand ils ont l'âge de s'échapper au foyer familial, ils trouvent une seconde famille au sein des gitans sédentarisés. Karel raconte sa vie et celle de sa soeur et son frère : la maltraitance subie, le calvaire que vit son petit frère et la haine qu'ils ont envers leur « père » agressif.

Rebecaca Lighieri décrit sans entrer dans les détails abjects la violence, la maltraitance, les tentatives de survivre dans un monde où l'amour parental était quasiment absent. Un enfant qui n'a pas connu cet amour ne peut pas se construire.

Chaque enfant Claeys essaie de se construire une vie et chacun s'y prend d'une manière différente. Karel se lance dans une profession où il prend soin des gens et devient aide-soignant, Hendricka se voue dans un carrière au cinéma et le petit Mohand essaye d'être à sa manière heureux dans sa vie aussi.

Comme déjà écrit dans d'autres critiques c'est un roman noir. Et oui, je vous confirme c'est noir, c'est triste, c'est un reflet de la société dont on aimerait qu'il n'existe pas, mais c'est malheureusement bien le cas.

Malgré la noirceur de cette histoire, j'ai apprécié le style fluide de l'autrice, j'ai apprécié les personnages qui sont attachants.

Challenge Multidefis
Challenge Plumes Feminines
Challenge ABC
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Une fratrie soudée pour tout surmonter !
En vacances près de Marseille, j'ai embarqué avec moi ce texte de Rebecca Lighieri, pseudonyme de Emmanuelle Bayamack-Tam, sans savoir à quoi m'attendre. Pourtant, le titre donne le ton. Cette lecture a été éprouvante par la violence qui se dégage de ce roman. J'ai été happé par l'écriture et la vie de ces personnages.
C'est Karel, le narrateur, un enfant et un adulte perdu. Avec sa soeur Hendricka et son frère Mohand, ils vivent dans les quartiers Nord, sous les coups et humiliations de leur père et la folie de leur mère. Leur seul refuge est le passage 50 où parmi les gitans, ils trouvent un semblant de famille. le roman débute par l'assassinat du père et Karel remonte le temps jusqu'à ces 7 ans pour nous expliquer la vie de cette fratrie.
Le rythme est rapide, la décennie 90 défile sous nos yeux. Ce roman social est très sombre, noir, réaliste ? On veut savoir comment Karel, Hendricka et Mohand vont se construire, comment ces enfants détruits vont évoluer, car ils rêvent d'une vie normale, ils envient une vie normale. Des personnages féminins forts et positifs gravitent autour d'eux, Yolanda, Shayenne.
Il y a de nombreuses références populaires ou littéraires. La sexualité des personnages féminins comme masculins est crue, violente, assumée. Ce roman raconte la misère, la folie, des relations humaines qui se vivent avec les tripes. Certains passages sont marquant : L' épisode de la rencontre entre Karel et Gabrielle très douloureux. L'installation dans le nouvel appartement émouvant.
Je retiendrai les liens d'amour très forts qui unissent cette fratrie dans la même haine du père, l'esprit de résilience pour pouvoir s'en sortir. La violence de vouloir s'en sortir et faire mentir le déterminisme social. Un espoir ?
Un texte difficile, puissant avec des personnages que l'on oublie pas !
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