«
La revanche de Mike Larsson » est un roman assez dense (347 pages) d'Olle Lönnaens, écrivain suédois connu depuis «
Ce qu'il faut expier », comme « la nouvelle coqueluche du polar polaire ». Edité en octobre 2012 aux Editions Liana Levi, éditeur indépendant qui publie des ouvrages reconnus pour leur originalité, cet ouvrage n'est pas à proprement parler un polar.
Prenant prétexte des poussées d'extrémisme qui envahissent son pays, Olle Lönnaens plonge ses lecteurs dans l'univers familial un rien déjanté de Mike Larsson. Nous sommes à Tomelilla, petite bourgade de 12 515 habitants située au Sud-Est de la Suède. En toile de fond, une poignée de néo-nazillons, patriotes et fiers d'être blancs, des miliciens qui « détestent les immigrés qui prennent tous les boulots et se tapent toutes les filles », des Rambos en herbe qui veulent en découdre avec les arabes, les yougoslaves et les noirs qui ont pignon sur rue. Sur le devant de la scène, Mike, quarante-cinq ans, accroc à l'alcool depuis que sa femme est partie. le fils de Mike s'appelle Robin. Il a quatorze ans au moment des faits. Robin a été placé dans une famille d'accueil : Sune, son père adoptif, pervers violent, le fouette de temps en temps à coup de ceinturon. Mike a déjà passé le tiers de son existence en taule pour avoir volé des objets divers et tabassé nombre de gars qui lui répondaient un peu sèchement. Mike est un impulsif mais, là, c'est sûr, il va reprendre sa vie en main, en finir avec les médocs, trouver un boulot honnête, pêcher dans la Baltique, et par-dessus tout, reconquérir Robin. Mike veut trouver une femme, une mère qui les attendrait, Robin et lui, à la maison. La juge d'application des peines, une femme avec « des seins comme des melons », signe sa libération. le voici libre. Lucide et déterminé, Mike va croiser sur son chemin des jeunes caïds qui vouent un culte à Artémis, cette déesse « qui tue ou qui massacre », et qui n'ont de cesse de balancer des pavés dans la vitrine des commerçants immigrés en invoquant la suprématie de la race blanche. Mais quand Robin, à l'occasion d'une expédition punitive effectuée de nuit avec Keeny et sa bande, enlève sa cagoule à cause des gaz lacrymogènes, et qu'il se trouve ainsi pris en flagrant délit, photo à l'appui, d'avoir participé à un acte qui lui vaudrait la prison, le rêve de Mike en prend un sacré coup : il va devoir d'abord sauver Robin du piège de la prison ! Bizarrement, sur son chemin, Mike va également croiser Amela : née à Srebrenica -où elle était institutrice- elle a émigré en Suède. Réfugiée bosniaque et musulmane, Amela a fui son pays et les horreurs de la guerre. Amela y a perdu son fils Adnan, onze ans, exécuté par un certain Boris Nicolic. de fil en aiguille, Amela retrouve la trace de Boris : il gère une casse de bagnoles à la périphérie de Tomelilla, une casse sordide qui pue l'essence et les pneus cramés, un lieu sordide dans lequel atterrit Mike sur les conseils de Dragan, un mec qu'il a connu alors qu'il était derrière les barreaux.
Dans ses efforts pour récupérer son fiston, Mike croisera des personnages hauts en couleurs : Roland Andersson, dit le Roi des Grelots, un géant qui passe son temps à décorer sa cabane avec des boules de Noël, un gars super gentil que le père voulait faire lobotomiser ; Edvard Lind, assistant social, timide mais décidé à étudier favorablement la reprise de Robin par Mike ; Raymond Nygren, le gérant d'un studio porno (les scènes de tournage vous feront pouffer de rire) ; Linda, une jeune Ougandaise, copine de passage de Robin, avec lequel elle va fumer un joint et passer un bon moment ; Nils Ek, le reporter photo qui a shooté Robin en plein acte de vandalisme nocturne ; Ragnhild, une vieille retraitée qui détient un révolver que Mike lui avait confié en jurant de ne plus jamais s'en servir ; Eva Ström, flic homosexuelle qui mène l'enquête contre les casseurs néo-nazis, et Wanja, l'ex de Mike, maintenant copine d'Amela avec laquelle elle sort en boîte de nuit. Avec autant de personnages, le lecteur va de rebondissements en rebondissements (les scènes de la mise en congélateur de Nils, du passage de la vodka en contrebande et de la chasse au lièvre sont superbement décrites). Toujours dans l'autodestruction et en butte aux éléments, Mike va avoir du mal à progresser dans son entreprise. le roman est percutant et froid comme le vent d'automne qui souffle entre les bouleaux. le style d'Olle Lönnaens est agréable, vivant et fluide, moderne et parfois familier, sans jamais être vulgaire. L'émotion est présente dans la plupart des pages, même si elle reste mesurée : nous sommes en Suède, pas en Méditerranée. Les relations entre les êtres (et pas seulement entre Mike et Robin) sont finement rapportées. Il est dommage que l'auteur ait fait se croiser plusieurs histoires dans son histoire : ça nuit à la crédibilité de l'ensemble. Et que dire de l'épilogue à l'eau de rose ? Dommage : je ne mets que trois étoiles.