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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Je commence par faire un compliment à Édouard Louis. J'ai découvert dernièrement Breece D'J Pancake (1952-1979) et ils ont pour point commun d'y décrire la pauvreté financière et intellectuelle, ce besoin de s'échapper vers l'ailleurs, jeunes auteurs, sensibilité, intelligence et bonne analyse de ce qui les entoure. Je suis épaté par cet homme âgé de 29 ans aujourd'hui qui a déjà vécu tant de vies, d'avoir déjà connu l'extrême au point de vue social, d'avoir une telle combativité. Il nous parle de son enfance défavorisée, de sa souffrance, des insultes des autres enfants sur son homosexualité, de sa volonté de changer avec ce titre si bien choisi. Un parcours incroyable. Nous avons là un grand auteur français.
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« Changer mon nom (aller au tribunal ?), Changer mon visage, Changer ma peau (tatouage ?), Lire (devenir quelqu'un d'autre, écrire), Changer mon corps, Changer mes habitudes, Changer ma vie (devenir quelqu'un). »

Voilà en quelques mots toute l'histoire du récit de ce bouquin. C'est toute l'ambition d'Edouard Louis à laquelle il se consacrera corps et âme (si j'ose dire), avec une obstination et une abnégation qui forcent mon admiration, moi qui ai si peu de volonté et si peu de persévérance.

Car oui le bonhomme en a fait, des sacrifices, pour arriver là où il est : changement de sa façon de parler, de manger, de rire, de se déplacer, … mais quelle violence vis-à-vis de lui-même, de son enfance, de ses origines, de ses parents ! Tout couper pour tout reconstruire, est-ce seulement faisable ? Et ensuite cet impossible retour vers son village d'enfance, cet impossible dialogue avec les parents, la famille, les connaissances. Loin d'en éprouver du chagrin, l'auteur en éprouve un certain réconfort, il y voit la preuve de la distance irréductible d'avec ses origines. Être soi, oui, mais à quel prix ? Mais peut-être que ce prix ne sera jamais assez fort ?

J'ai aimé les portraits sans concession (comme dans Eddy Bellegueule) de son milieu d'origine, de la petite bourgeoisie d'Amiens, des milieux homosexuels artistiques et intellectuels de la Capitale. J'ai aimé aussi la sincérité de l'auteur, vraiment, quand il évoque ses relations et les raisons, avouées ou non, assumées ou non, qui le poussent à côtoyer certaines personnes influentes ou puissantes ou juste extrêmement friquées, qui le mettront à l'abri une fois pour toutes.

Alors attention aux distraits : malgré le titre percutant et qui utilise les grosses ficelles du marketing, ceci n'est pas du tout un outil de développement personnel regorgeant de conseils judicieux pour changer, non mais un excellent témoignage sociologique (j'y ai trouvé une certaine parenté avec les récits d'Annie Ernaux), où d'ailleurs les sentiments n'ont pas beaucoup de place. Il y est peu question d'amour, ou même d'amitiés (en tout cas elles sont à peine évoquées, même la relation avec Elena n'est pas très creusée et reste factuelle), mais c'est plus un long soliloque dont les sentiments ont été écartés … Par pudeur, par réflexe de protection ou peut-être comme un dernier marqueur du milieu social d'origine où les émotions et les sentiments sont tout simplement tus, quand bien même ils sont reconnus ?
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Impressionnant parcours.
Que de volonté.
Eddy Bellegueule n'est plus, vive Édouard Louis.
Je suis bluffée par cette vie qu'il a su créer, tous ces efforts, cette détermination, comme un mantra douloureux, il faut qu'il change de vie et dire adieu à son enfance de misère.
C'est une redondance dans ce livre magnifique.
S'en sortir, coûte que coûte, s'éloigner du village comme il dit, lui tourner le dos définitivement, jeter ses oripeaux vulgaires, ses sanies dégoulinantes de pus.
Il a su s'entourer de belles personnes,
Philippe, Ludovic, Didier, Elena et les autres, ont su l'initier à cette nouvelle vie qui commence, une vie de bourgeois, à l'opposé de cette misère du Nord.
Le village, Amiens puis Paris, notre Rastignac (sans les dents qui rayent le parquet...) ambitieux, si ambitieux que ça en est touchant, quitte ces lieux comme si c'était une question de vie et de mort pour lui.
Le style. Je l'ai trouvé fluide et parfois sublime. Il s'adresse à son père durant la première partie, avec ce (tu) qui revient sans cesse, après il parle à la première personne (je) puis à la troisième personne (il) , enfin il parlera dans un long monologue à Elena en reprenant le "tu".
Ces changements de personne, grammaticalement, ne m'ont pas gênée.
Son parcours ? Incroyable au sens propre.
À force de volonté et de travail, il lira jour et nuit, nuit et jour, sur les conseils de Didier le fidèle, des livres pas toujours faciles, et il réussira le concours d'entrée de Normale Sup, l'une des plus grandes écoles, même Polytechnique est en dessous.
Tout ce qu'il fait, entreprend, c'est une revanche à prendre sur la vie, changer, changer, changer. Et s'éloigner du village (maison insalubre, père alcoolique, moqueries sur son orientation sexuelle).
Il est d'une ambition démesurée.
C'est le livre d'une métamorphose, parfois douloureuse, mais toujours courageuse.
Grâce à ses rencontres, il mangera dans les plus grands restaurants, il visitera le monde entier, il prendra sa revanche sur sa vie d'avant.
À la fin, quand il est devenu un écrivain célèbre, quand il a enfin réussi, comme il le dit, il a comme une nostalgie de son village.
Ça me rappelle un vers sublime d'Apollinaire" Tu pleureras l'heure où tu pleures".
Moi j'ai aimé lire ce livre et je n'ai pas rencontré une seule fois un Calimero (clin d'oeil à Block).
J'ai plutôt rencontré un être fragile et fragilisé, tantôt Eddy, tantôt Édouard.
Et j'ai été impressionnée par cette volonté chevillée au corps et au coeur, d'un petit bonhomme devenant enfin grand.
J en suis heureuse pour lui.
Il le mérite.
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magnifique, fort, bouleversant. l histoire d une resiliance d une volonté hors du commun. comme toujours avec Édouard son écriture est parfaite on est littéralement dans sa peau on vit ses nuits et ses jours, on est dans sa tête dans son coeur. j ai lu ce livre dbune traité et je regrette que ce soit déjà terminé. !
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Édouard Louis est ce que l'on appelle communément un « transfuge de classe » : né dans une famille très pauvre du nord de la France, il parvient à s'extraire de son milieu grâce à l'école. En effet, pour suivre une option théâtre qui n'est pas enseignée dans le lycée le plus proche de son domicile, il doit quitter la maison et devenir pensionnaire, ce qui l'a « sauvé », serais-je tentée d'écrire. Il rencontre alors Elena, une jeune fille de bonne famille qui lui fait découvrir la façon dont on vit chez les bourgeois. Il s'imprégnera de tous les mots qu'elle prononce, imitera ses moindres gestes, retiendra le plus petit conseil. Avide de s'éloigner de ce milieu dans lequel il ne se reconnaît pas, il amorce une métamorphose acharnée et volontaire qu'il poursuivra longtemps jusqu'à l'ultime perfection. Tout son être sera ainsi soumis à une révision : il lui faudra mesurer ses gestes, se tenir correctement à table, parler moins et moins fort, manger mieux, plus léger, plus sain, s'habiller, marcher, rire autrement… le corps aussi devra passer à la moulinette de l'embourgeoisement : les dents d'abord qui devront être alignées, les cheveux dont il faudra redessiner l'implantation… Quant à l'esprit, autant dire que tout est à construire : il faut avaler Derrida et tous les autres, forcer si ça ne rentre pas, mettre le paquet, lire et relire, inlassablement… le concours de l'ENS réussi, on entre alors dans la cour des Grands. On a les codes, le pass, le sésame ouvre-toi…
Comme l'indique le titre, le changement est méthodique, systématique, organisé, discipliné, minutieux, volontaire, obstiné. Un travail de chaque instant.
Jusqu'au nom. Eddy Bellegueule n'est plus. Vive Édouard Louis.
« Changer : méthode » est un récit fascinant et terrible. Fascinant parce qu'il montre à quel point nous ne sommes que constructions, produits de notre milieu, de là où l'on vient. Terrible parce que finalement, on a beau tout changer, devenir un autre, s'éloigner le plus possible de notre point de départ, il semble que quelque chose (des racines peut-être ?) nous retienne à jamais prisonniers de nos origines…
Un texte essentiel, extrêmement fort et très touchant : le portrait d'un homme qui mesure l'écart entre ce qu'il était et ce qu'il est devenu : un étranger à lui-même et dans le fond, un être malheureux.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Edouard Louis n'en a toujours pas fini avec Eddy Bellegueule, et depuis Qui a tué mon père, avec la forme de l'adresse à son père (double énonciation dont le lecteur est le vrai destinataire) non plus. L'auteur reprend des pans un peu elliptiques de ces précédents récits, les "angles morts" qui méritaient d'être connus et compris dans leur détail, par exemple le rôle qu'Elena, la camarade de classe-amoureuse du Lycée, et sa famille, ont joué dans la transfugue (je crois que le mot n'existe pas et je l'espère presque) sociale opérée frénétiquement par le jeune homme incompris. C'est à travers différentes "adoptions" et modèles issus de classes sociales plus élevées (ses camarades de classe au Lycée et leurs familles, puis des mentors ou des amants) et/ou ayant fait des études, que l'auteur s'est construit un intérieur et un extérieur adéquats pour un autre destin.

Dans Qui a tué mon père, l'auteur posait la thèse que c'est son homosexualité comme copie d'un comportement féminin (soumission, obligation d'être avenant, de prendre sur soi) habituellement propice à la discipline scolaire, qui expliquait sa réussite dans les études. On pouvait trouver cela un peu rapide (et le contre-exemple de l'échec de sa mère dans l'enfance, ainsi que des autres femmes du village) mais ce volume approfondit et achève de me convaincre. Pour fuir le rejet dans la cour de récréation, voire les persécutions, le refuge du jeune garçon va être le CDI (où il ne lit pas tout de suite mais parle avec la documentaliste, cultivée, engagée) puis la bibliothèque du village avec une bibliothécaire de même profil. Puis "la grande ville", puis Paris.

Le fil conducteur du roman, son leitmotiv, est un sentiment de culpabilité ; au sommet de la gloire, comment tout remettre en question, quand on ne ressent qu'amère satisfaction ? Considérer les étapes pour des trahisons, les adjuvants abandonnés pour des victimes et plaider la pulsion ambitieuse irrépressible. Vis-à-vis de son père, l'affirmation parfois désespérée, qu'il fallait le fuir, ne surtout pas lui ressembler, une réaction phobique avec tout ce que cela implique de déplaisant pour celui qui comprend qu'il en est l'objet, surtout. Un livre de Natacha Calestrémé m'a révélé que nos blessures (de rejet, d'humiliation...) nous rendaient susceptibles d'infliger les mêmes aux autres... Cette autobiographie illustre aussi cela. Me souvenant que le père de l'auteur s'est mis à lire les livres de son fils et à les offrir, je me dis que, même si probablement il y a plus que l'exploitation d'une matière à succès, l'urgence de reprendre ou plutôt de construire une communication qui n'a jamais pu avoir lieu avec son père, je ne vois pas comment le père en question ne pourrait pas être personnellement blessé par cette lecture même en étant assez intelligent pour comprendre qu'il s'agit paradoxalement d'amour et d'une tentative de réparation du lien. L'auteur ne se fait pourtant pas de cadeaux, on sent souvent une honte terrible d'avoir les apparences contre lui, d'avoir seulement le crédit de son propre déni.
Cf. suite de la note de lecture sur mon blog.
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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Ce récit est la suite de la métamorphose d'Edouard Louis, né Eddy Bellegueule. Des années de lycée et d'université à Amiens à la vie parisienne, l'auteur retrace comment, par la volonté il a échappé à son milieu, où il ne se sentait pas à sa place, pour devenir un intellectuel.
Sa transformation est profonde puisqu'il ne se contente pas de réussir de hautes études ; il modifie tout son être en profondeur : de ses dents, en passant par l'implantation de ses cheveux, mais également son rire, en effaçant son accent du Nord et bien sûr en changeant son nom et son prénom.
Pour y arriver, il a heureusement la chance de rencontrer des personnes qui vont l'aider, parfois l'accompagner sur un bout de chemin. Il y a surtout Didier Eribon, le pivot de sa métamorphose, son modèle en quelque sorte.
Je suis admirative devant son parcours où les obstacles semblent des montagnes infranchissables et qu'il réussit pourtant à surmonter à force d'acharnement, de rage et de chance.
"En finir avec Eddy Bellegueule" était le récit d'une honte ; "Changer : méthode" est celui d'une métamorphose ! Réussir son transfuge de classe était une question de survie pour son auteur. On le comprend très bien dans ce témoignage.
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Édouard LOUIS. Changer : méthode

Je suis une adepte de cet auteur. Je ressors chaque fois bouleversée par la lecture de ses écrits ; Et « Changer : méthode, récit autobiographique de son parcours me glace parfois. Édouard LOUIS nous plonge dans son enfance, son adolescence, sa vie d'étudiant, de jeune homme. Il se cherche et cherche une place au soleil. Dès l'âge de 5-6 ans, ses parents le désignent déjà sous le nom de « petit pédé ». Ce surnom va le poursuivre, à l'école primaire du village, au collège sis dans la commune voisine, puis au lycée d'Amiens et même à l'Université, à Paris

Appartenant, de par sa naissance au monde des pauvres, des miséreux, des laissez pour compte, il n'a qu'une volonté : s'extraire à tout prix de cette société et se hisser à tout prix dans la classe supérieure, la bourgeoisie, entrer dans le monde des nantis, des riches, des personnalités du monde politique, du show-biz, des VIP, des gens connus et reconnus. C'est principalement à l'aide de l'éducation qu'il va monter les marches. Ce récit nous décrit les degrés gravis les uns après les autres. Ce jeune homme est un inadapté, que ce soit à la campagne, à l'école, à Amiens et même à Paris où il va poursuivre ses études brillantes à l'ENS. Il lui faut se métamorphoser, de chrysalide, devenir papillon et voler de ses propres ailes. Il doit emprunter un véritable parcours du combattant pour effacer les traces du passé. Son état de santé général est moyen et ses protecteurs lui offriront dentistes, orthodontistes, coiffeurs, etc … Pour fuir ce milieu qu'il déteste, il va changer de prénom, de nom, revoir ses tenues vestimentaires, apprendre à se tenir à table, à parler, à rire. « J'effaçais une par une les traces de ce que j'avais été ». (page 269).

Afin que la transformation soit complète, entière, après avoir renié ses père , mère, frères, soeurs, il veut choisir son père. Pour ce faire, il jette son dévolu sur un ami, Manuel, maire de Genève. Ce dernier n'accède pas à sa demande. « Est-ce que je suis condamné à toujours espérer une autre vie ? » ( page 325). Cet homme, nanti de brillants diplômes, ayant fait de belles rencontres, nouant des amitiés avec des personnalités de tous bords et de tous les domaines, est un écorché vif. Son parcours est exceptionnel et dans ses écrits il nous narre ses démarches plus ou moins fructueuses. Cependant je mets au défi des jeunes gens ou des jeunes filles, de tenter de faire le même parcours. C'est son homosexualité qui lui permet de nouer de nombreuses relations et au contact des uns et des autres, en les copiant, en les singeant, il parvient au but visé. C'est un être persévérant, têtu, obstiné.

Nostalgique de son enfance, des odeurs, des images de sa vie rurale, il regrette cependant d'avoir coupé les liens familiaux. Cette famille dont il est issu, décomposée, recomposée lui manque. Trouvera-t-il le bonheur ? Je demeure sceptique sur son équilibre mental. Une forte charge morale pèse sur ses épaules. Cependant c'est un jeune homme talentueux. Malgré l'ascension sociale qu'il a connu et connaît encore grâce à son éducation, son savoir, son courage, sa volonté, il traîne un énorme boulet : une misère invraisemblable qui date des années 1990-2000, une pauvreté extrême, difficile de croire que ces faits soient si proches de nous. Je recommande la lecture de ce parcours . Je demeure une fidèle lectrice de ce jeune homme et je le félicite de nous avouer ses erreurs, ses imitations, ses emprunts à la bourgeoisie. Il a réussi son transfuge de classe avec brio. (06/01/2022)

Lien : https://lucette.dutour@orang..
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On peut critiquer Edouard Louis parce qu'il raconte toujours la même histoire mais moi je l'aime justement pour son univers. Contrairement aux apparences, il n'écrit jamais le même livre et ce renouvellement autour d'un thème passionnant montre sa virtuosité littéraire. Pour Edouard Louis comme pour Annie Ernaux il s'agit du transfuge de classe et dans un autre genre il y a Patrick Modiano qui tourne autour des lieux de la mémoire et Marguerite Duras de son enfance en Indochine. Que des pointures !
Alors, comme pour les romans précédents (je les ai tous lu) j'ai adoré "Changer : méthode" qui vient d'être publié en version audio par Audiolib.
La lecture de Christophe Montenez est très juste, il montre une grande sensibilité pour raconter le parcours d'Eddy devenu Edouard pour fuir son milieu social.
Mais ce n'est pas une critique à charge. Il cherche à rendre compte de ce qu'il ressent, de son besoin de changer, de s'éloigner de la pauvreté, de la violence de son village natal dans le Nord de la France. Stigmatisé par tout son entourage, celui qui est traité de "pédale" découvre le théâtre au collège et espère que cela va le sauver. Après un travail acharné, il est accepté au lycée d'Amiens où il y a une filière artistique. A quatorze ans, il est émerveillé par la ville et devient ami avec Elena qui vit dans un milieu culturel différent, ce qui va le transformer notamment parce qu'elle lui fait découvrir la lecture.
Il va poursuivre son chemin en s'éloignant encore un peu plus de sa famille. Sa rencontre avec Didier Eribon sera également déterminante. Cette amitié d'écrivain a le goût de la liberté pour Edouard. Il ira jusqu'à Paris pour passer le concours de l'Ecole Normale par défi, se rendant compte que c'est le milieu social qui favorise les études.
S'il compare des réalités sociales différentes, l'émotion vient aussi du fait que le narrateur s'adresse directement à son père et cherche à l'impressionner.
Je conseille donc vivement ce livre audio et remercie les éditions Audiolib et Babelio qui me l'ont offert dans le cadre d'une opération Masse critique.
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Avec un titre comme un clin d'oeil ironique à la vogue des ouvrages de développement personnel, Edouard Louis nous entraîne dans son odyssée personnelle, un voyage intérieur, une course d'obstacles entre les milieux sociaux qui l'ont façonné et fait de lui l'homme qu'il est aujourd'hui.
Alors qu'il n'est pas encore trentenaire, il confie avoir « déjà trop vécu ». La pauvreté, l'humiliation, la violence, l'alcoolisme, le racisme furent le lot quotidien de son enfance vécue dans un village de la Somme si bien décrite dans sa première autofiction « En finir avec Eddy Bellegueule » dans laquelle il raconte le rejet de son homosexualité par sa famille et ses pairs. Cette attirance pour les garçons, il mettra longtemps à l'assumer.
Plus tard, à l'adolescence, il découvre le théâtre, fréquente le lycée, un endroit qu'aucun membre de sa famille n'aurait espéré rejoindre. Après les études secondaires, la fac, Normale Sup, l'écriture de livres, les voyages, les rencontres improbables...
Dans « Changer : méthode », le « transfuge de classe » reconstitue le puzzle d'une existence d'un peu plus d'un quart de siècle marquée par la fuite pour échapper à « l'Insulte ». Polymorphe, le roman prend la forme d'adresses au père, à la mère, à Elena, meilleure amie et étape essentielle, avec beaucoup d'autres qui lui ont tendu la main, vers la liberté, mais aussi d'auto-interviews et de narration sur le mode « Je est un autre ». La littérature est décidément le procédé idéal, par ses possibilités infinies, d'exprimer la métamorphose d'un être humain dans toutes ses subtilités et nuances.
Lucide, intelligent, le récit pourrait aussi être interprété comme un traité de sociologie, Edouard Louis étant une sorte d'incarnation bourdieusienne. Même s'il n'a échappé qu'en partie à la violence implacable de la reproduction, le passé vous rattrapant toujours. « Mon corps racontait une histoire différente de celle que je voulais façonner par ma volonté » écrit-il. L'imitation de ceux qu'il admire et auxquels il voudrait ressembler n'est pas toujours parfaite. Et elle est un éternel recommencement. Comment sortir de cette spirale infernale qui pousse le jeune homme vers le « toujours plus » ? Par l'écriture, forme de salut et de réconciliation avec lui-même.

EXTRAITS
- le désir de vengeance contre mon enfance, celui qui m'avait amené à Amiens, s'était mué en un désir de revanche – plus seulement contre mon enfance mais contre le monde entier.
- Il a compris qu'il n'y avait rien d'autre que des rôles.
- Je me rends compte aujourd'hui qu'écrire mon histoire c'est écrire l'histoire de ces femmes qui se sont succédé pour me sauver.
Lien : http://papivore.net/litterat..
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