A la mort de son mari, Célia a quitté leur appartement commun pour emménager dans un brownstone, un de ces anciens immeubles de Brooklyn, qu'elle a acheté et restauré avec soin. Une fois installée de façon spartiate dans un des appartements, elle a choisi minutieusement les locataires des trois autres. Son seul souci : préserver son intimité et celle des habitants de son immeuble. Célia garde ses distances, évite les contacts et n'a conscience de la présence des autres qu'à travers de menus bruits : l'ascenseur, les pas, parfois des voix. Elle vit désormais l'existence qu'elle s'est choisie, préservée, calme, entourée de Monsieur Coughlan, un capitaine de ferry à la retraite, Angie et Mitchell, un couple en déliquescence, et Georges, le professeur qui loge juste au-dessus d'elle. C'est lui qui, indirectement, va semer le trouble dans la petite communauté bien ordonnée. Georges a décidé de prendre une année sabbatique en France mais il ne veut pas lâcher son appartement et propose à Célia de le sous-louer à son amie Hope, une belle quinquagénaire qui vient d'être quittée par son mari, Hope qui tente d'oublier ses vingt-cinq années de mariage, qui s'étourdit et qui prend pour un amant, le beau Les, fougueux, violent...bruyant. Pour Célia, Hope est une intruse qui fait chavirer un équilibre durement acquis, qui envahit sa précieuse intimité, elle voudrait lui dire de partir mais ne peut s'empêcher d'être attirée par cette femme si différente d'elle.
''L'enfer, c'est les autres'' disait
Sartre...Mais si l'on évite de trop s'en approcher, si l'on ne s'implique pas dans une relation, si l'on se retient d'éprouver un quelconque sentiment, alors peut-être que l'on peut de faire de la vie avec ces autres, non pas un paradis, mais quelque chose qui ressemble à la sérénité. C'est en tout cas le credo de Célia, propriétaire qui se veut efficace, présente pour régler les problèmes domestiques de ses locataires, mais effacée, voire froide quand il s'agit de rapports humains. Mais peut-on être heureux sans créer du lien ? Célia, de toute façon, n'aspire pas au bonheur mais à la tranquillité. Elle a aimé, elle a été aimée, elle a accompagnée son mari jusqu'au bout, elle a renoncé à la vie quand il est mort. Les sentiments, les sensations, le désir, la sensualité, tout cela a disparu avec son mari. Encore jeune et belle, elle se cache derrière une apparence austère. Tout le contraire de Hope sa nouvelle locataire, exubérante et terriblement vivante. Si elles sont à l'opposée l'une de l'autre, elles ont en commun d'avoir perdu leur mari et l'amour. Les souvenirs sont douloureux mais l'oubli semble impossible.
Si elles sont touchantes, ces deux femmes malheureuses qui tentent de faire croire le contraire, on a parfois du mal à comprendre leurs réactions. Tout au long du roman, Célia reste une énigme aux réactions souvent contradictoires. On a beaucoup de mal à s'y attacher et à la comprendre. Et plus que tout, on se demande où l'auteure veut en venir...Malgré une belle écriture, de belles pages sur le deuil, l'amour, la résilience, le roman n'emporte pas son lecteur qui reste sur le seuil du browstone de Célia.
Une jolie balade dans les rues de Brooklyn, deux portraits de femmes qui, s'ils ne sont pas transcendants, n'en révèlent pas moins quelques secrets de l'intimité féminine, mais des personnages secondaires fantomatiques et finalement une grande perplexité. Une lecture plutôt agréable mais qui ne soulève guère l'enthousiasme.