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EAN : 9782917751572
155 pages
Isabelle Sauvage (04/06/2015)
4.75/5   4 notes
Résumé :
Ce livre est le témoignage subtil et puissant d'une enseignante en prison. Des lieux, des hommes, des trajectoires et surtout des liens. Tout est dit dans une langue d'une grande humanité, qui parle à la fois de la réalité la plus brute et de l'utopie la plus proche. Une expérience de lecture intense et rare
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Une découverte époustouflante... de hasard... dans l'une de mes librairies préférées, La librairie Tschann (Bd du Montparnasse) d'un récit publié par une éditrice, Isabelle Sauvage...

Récit polyphonique d'une enseignante en Lettres qui un jour décide d'assurer des ateliers d'écriture en prison, avec préparation d'examens à la clef...
Il existe tant d'écrits sur la prison..; mais celui-ci, de cette professeure, donnant des cours de littérature et d'écriture aux "taulards" est une magnifique réflexion sur l'Humain, au coeur d'une société parfois impitoyable pour certains; Autre qualité de ce récit est le style, irrésistible, poétique, chaleureux, empathique, lyrique. Une poésie extraordinaire se dégage de l'ensemble comme ces petites phrases prises au hasard : " Oui, la solitude se perpétue ici, sous mes yeux, avec sa traîne de princesse"; ou "Ils disent merci, comme si je leur donnais la lune"...

Des très courts chapitres qui disent des moments d'éternité... de complicités uniques... C'est un très beau texte flamboyant rempli d'espérance et de mains tendues. ..

Ce qui me touche et force mon estime est que cette enseignante ne transporte pas de supériorité de classe, elle s'implique et se remet en cause systématiquement dans ses méthodes pédagogiques !.

" J'ai envie de croire aujourd'hui que quelque chose dans la littérature ne peut être inaccessible qu'à eux, que seules les âmes en peine peuvent, en fait, lire les livres. Moi, elle me parvient presque plus, parce que mon confort est étourdissant, ma liberté laisse tout passer, elle ne retient rien"

Je ne peux résister à saluer deux belles dames, dont une disparue trop tôt, Annie Leclerc
(célèbre auteure de "Parole de Femme") que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans un café-philo, il y a quelques années, avec Philippe Lejeune, pour l'écriture autobiographique.

Annie Leclerc y parlait avec passion et émotion de ses presque 15 années d'ateliers d'écriture auprès des prisonniers [ cf. "L'Enfant, le prisonnier", Actes Sud]. Une autre allusion à une femme étonnante, Marie Depussé... Angela Lugrin parle aussi dans son récit de cette part d'enfance , inattaquable...

Cette enseignante dans les murs, ne se gêne pas un esprit critique aiguisé envers lesinstitutions, qui bloquent, freinent et jugent trop vite !

Des courts chapitre où Angela Lugrin narre ses cours de littérature aux prisonniers...les échanges, les ambiances chaleureuses, studieuses et parfois aussi orageuses..,
décourageantes..." L'explication de texte est un retour de soi, une grande acceptation à l'égard de ses possibilités d'inventeur et de lecteur" (p. 54)


"Le cours s'est bien passé
(...)
La polyphonie en taule n'est pas une métaphore, elle est réelle. Les voix résonnent, s'entremêlent.
le lieu reçoit pêle-mêle les voix de tous. Une musique simple et déjantée. Un bordel auquel je suis attachée viscéralement, qui me fatigue aussi, mais que j'aime. C'est comme ça. le cours s'est bien passé aujourd'hui, parce que nous étions dans la folie d'une langue commune à bâtir comme des mômes des tours de Babel et à les faire s'écrouler comme de petits dieux mauvais."(p. 123)

Un récit très intense, engagé et pétri de poésie. Une très belle lecture et découverte.. à ne pas manquer,si les sujets vous interpellent !
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Hier soir, je relisais le récit autobiographique poignant d'Angela Lugrin En-dehors et j'ai eu envie d'écrire sur cette découverte. Il y a tant d'amour dans ces mots que j'ai été émue d'en ressentir l'écho aux tréfonds de mon être tel un pincement au coeur. Il faut absolument lire les chapitres: la pauvreté et l'oubli et ma voix pour eux que l'on ne sait plus si le lieu où l'on se trouve est si important dans cette lutte sociale pour rester humain. Chaque acteur se confondant, se diluant comme par magie dans un chant/champ solitaire.

Vous trouverez sûrement 73 bouteilles lancées à la mer dans ce récit réflexif, il n'appartiendra qu'à vous de les ouvrir. Personnellement, je vais les conserver dans ma bibliothèque et les placer à côté du Comte de Monte-Cristo d'Alexandre Dumas parce que j'y ai pensé tout au long de cette belle lecture.

Vous rappelez-vous ce roman de notre enfance ? J'ai en mémoire le passage où Edmond Dantès, épuisé de 14 années d'emprisonnement, pensait au suicide. Quand est survenu un autre détenu l'Abbé Faria dans sa cellule : ce dernier creusait un tunnel depuis presque 7 ans avec l'espoir de s'évader. Il n'a réussi qu'à creuser un tunnel en direction d'une autre cellule. L'ironie du sort. Cela n'aurait été qu'un hasard si l'Abbé Faria n'inspirait qu'une forme d'altérité, mais cela devient de la providence puisqu'il incarne surtout la figure de l'enseignant en partageant tout naturellement son savoir éclectique .Dantès finit, d'ailleurs, par le concevoir comme un second père. La fin de l'Abbé Faria est touchante et triste puisque finalement il restera enfermé, même mort, mais qui, contre toute attente, va permettre à Dantès de s'évader dans son linceul représenté par un sac grossier jeté à la mer sans aucune formalité.

On retrouve dans l'un comme dans l'autre roman tous les codes instituant la mission de l'enseignant (les 4 murs ; les lumières livresques ; la parole socratique ; l'esprit saint ; le sacrifice de lui-même). L'enseignant passeur, par excellence, d'une richesse somme toute bien matérielle dont l'Abbé Faria donnera même l'endroit de son enfouissement sur l'île de Montecristo. le fameux ascenseur social dont tout le monde cherche à garder la porte ouverte malgré les algorithmes.

Bref, En-dehors, une vue du dedans où Angela Lugrin dissèque les mots, travaillant au couteau leurs natures grammaticales ou méditant sur la modalité d'un temps planté dans la roche, afin de leur suggérer une raison d'être. Ils rayonnent, enfin. Illuminent nos nuits de ces prisonniers en marche vers un sens à donner à nos enfermements respectifs.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
J'entre dans la prison, déchargée de la réalité, des nouvelles du monde, des factures, des familles recomposées. Dans un espace à l'abri, une terre de l'enfance, un lac noir de chagrins d'adultes. ce n'est pas un monde idéal, évidemment. Juste un monde à l'abri du dehors. Une sorte de forêt obscure et envoûtante de conte de fées. Pour moi, qui en sors toujours. Pour eux, c'est un enfer où les heures ont cessé de couler.(p; 127)
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Il ne faut pas tourner autour du pot. La beauté des prisonniers, elle est comme celle des fous, elle vous prend à la gorge , vous saute à la gueule. (...)

Oui. La beauté est réelle et ce qui rend beaux les hommes de la taule, c'est le chagrin qui tombe de leurs yeux jusque sur leurs épaules, en pluie fine et qui n'attend aucune consolation. Je dis "chagrin" et pas "regret". Ce sont leurs larmes qui s'écoulent sans fin sur des corps qu'ils n'osent même plus habiter. Les visages que je vois sont des lagunes, des terres sauvages, vulnérables à tous les assauts, des visages sans digue. (p.37)
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Le cours s'est bien passé

(...)
La polyphonie en taule n'est pas une métaphore, elle est réelle. Les voix résonnent, s'entremêlent. Le lieu reçoit pêle-mêle les voix de tous. Une musique simple et déjantée. Un bordel auquel je suis attachée viscéralement, qui me fatigue aussi, mais que j'aime. C'est comme ça. Le cours s'est bien passé aujourd'hui, parce que nous étions dans la folie d'une langue commune à bâtir comme des mômes des tours de Babel et à les faire s'écrouler comme de petits dieux mauvais.(p. 123)
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La parole ne résonne jamais plus vivement que lorsqu'elle est le fruit d'une peine. je le sais. Mais le labeur peut aussi se lire dans les silences, dans un rire qui reçoit le texte comme un rayon de soleil...Je voudrais une fiche de méthodologie qui autorise d'autres voix. (p. 66)
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j'aime bien l'entendre parler, Emmanuel. C'est comme si parler donnait un peu de chaleur à son intransigeance. La parole le fend.
(...)
ici, il y a des fous, des illettrés, des pauvres, des hors-la-loi, des princes, comme dans les westerns. Et puis il y a moi.
Je les trimballe en pensée encore longtemps, les hommes de la taule. Dans le métro saturé, je parcours les visages épuisés des voyageurs et je me mets à aimer de façon aérienne la rigueur avec laquelle, là-bas, à l'intérieur des murs , certains refusent de geindre. Quand je reviens de la taule, je suis une amoureuse. (p; 37)
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