Les Echelles du Levant

J'ai eu l'occasion d'écouter, il y a quelques jours, à Paris, un débat à la radio entre un juif et un arabe, et je vous avoue que cela m'a choqué. Cette idée de mettre face à face des personnes qui parlent chacune au nom de sa tribu, qui rivalisent de mauvaise foi et d'habilité gratuite, oui, cela me choque et me dégoute. Je trouve ces duels grossiers, barbares, de mauvais goût, et j'ajouterais, parceque c'est la toute la différence : inélégants.

Certains de ces hommes ne croyaient même pas en Dieu pour pouvoir espèrer une rétribution dans une vie future. p 123

chacun priait son dieu de faire taire les prières des autres. Et sur les routes s'étiraient les premiers cortèges des rescapés.

Mais il n'a rien demandé. Il avait pris je crois, l'habitude de verser sa vie sur sa route sans jamais s'arrêter pour la ramasser.

Des années nombreuses sont passées, mais le temps est une illusion. Le passé, heures et jours et semaines et décennies, a la même épaisseur de cendres; le temps à venir, dût-il aller jusqu'à l'éternité, se vit une seconde après l'autre. Que Clara vienne, et leur histoire, un moment entravée, repartira sur sa route.

Notre déambulation s’était poursuivie pendant une heure et plus. J’aurais pu marcher ainsi des jours et des nuits sans le moindre début de lassitude. Chaque mot que nous disions, sur nous, sur les autres, sur les pages de l’Histoire qui venaient de se tourner, sur celles qui pourraient s’ouvrir, sur la marche du monde, chaque mot nous rapprochait.

Mon père est turc, ma mère était arménienne, et s’ils ont pu se tenir la main au milieu des massacres, c’est parce qu’ils étaient unis par leur refus de la haine. De cela, j’ai hérité. C’est cela ma patrie.

L'homme m'avait livré sa part de vérité. C'est-à-dire les faits et aussi les sentiments qui les accompagnaient. Lorsqu'un être se raconte, l'objectivité n'est-elle pas la voie balisée du mensonge?

Une écriture puissante et paisible à la fois, de laquelle on ne sort pas indemne. Elle commence à Paris, par la rencontre entre deux hommes, liés par une image sur un manuel d'histoire. C'est le plus jeune, qui va se faire le témoin de l'histoire d'Ossyane. Ossyane à qui tout souriait dans les années 40. Ossyane, fils d'une famille princière d'orient, raffiné, cultivé, courageux héros sous l'occupation, va connaître une lente et puissante descente aux enfers de retour au Proche-Orient. Face aux tragédies de l'histoire, s'imposent les tragédies de sa vie. Et notre narrateur raconte avec précision ce récit livré par le héros, dans l'intimité d'une chambre d'hôtel. Ossyane est un personnage touchant d'humanité, dont le seul mot qui puisse le définir est la résilience.

Il ne faut pas croire que nous ne savions pas, à l'époque, pour les camps...Nous savions beaucoup de choses. J'ai presque envie de dire que nous savions tout. tout sauf l'essentiel.Tout, sauf cette chose insaisissable vers laquelle tout convergeait, cette chose que nous ne soupçonnions pas, parce qu'elle paraissait trop monstrueuse , même de la part des nazis : la volonté d'extermination totale. p 106