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Citations sur Les Echelles du Levant (54)

Ainsi, je m'étais enfoui pour rien ! Si je n'avais pav vu, ce jour-là, un gendarme s'engouffrer dans l'entrée de l'immeuble, ma vie aurait suivi un tout autre cours.
Pour le meilleur ou pour le pire ? Quand on est encore en vie pour se poser cette question, c'est que ce n'était pas pour le pire.
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Qu’on imagine la scène : d’un côté Mahmoud, fils d’une grande famille musulmane de Haïfa, qui avait dû quitter sa ville à cause de la tension qui y régnait entre Arabes et Juifs, et qui pressentait déjà qu’il ne pourrait probablement plus y retourner , de l’autre côté Stefan, juif d’Europe centrale, venu précisément s’installer dans cette même ville , tous deux proches parents des nouveaux mariés …
J’avais décidé de me borner aux présentations les plus sommaires. Mahmoud Carmali, mon beau-frère. Stefan Temerles, l’oncle de Clara. Ils se sont serré la main.
Alors mon père a dit à voix haute, en français :
»Vous avez quelque chose en commun. Mahmoud est de Haïfa. Et l’oncle de notre belle-fille habite justement à Haïfa. »
Un regard échangé entre Clara et moi. Nous nous tenions par la main, comme pour mieux affronter la bourrasque.
- Asseyez-vous tout près, a poursuivi mon père, vous avez certainement des choses à vous dire.
Il insistait, n’est-ce pas à Mais ne pensez surtout pas que c’était par inadvertance ou par manque de tact. Plutôt par défi, en un sens, par esprit de bravade. Il y avait chez lui un profond mépris pour cette attitude, très répandu au Levant, qui prétend « ménager » les susceptibilités et les appartenances , cette attitude qui consiste par exemple à chuchoter à ses invités :
- Attention, Untel est juif , Untel est chrétien , Untel est musulman !
Alors les uns et les autres s’efforcent de censurer leurs propos habituels, ceux que l’on prononce lorsque l’on est « entre nous », pour débiter les banalités mielleuses qui sont censées refléter les respect que l’on a pour l’autre, et qui ne reflètent en réalité que le mépris et l’éloignement. Comme si l’on appartenait à des espèces différentes.
Et si ces deux hommes qu’il avait placé l’un près de l’autre s’étripaient à Tant pis, c’est qu’ils méritaient de s’étriper, un point c’est tout. Lui, son devoir, c’était de les traiter en humains, embarqués en fin de compte dans la même vaste aventure. S’ils ne s’en montraient pas dignes, tant pis pour eux. Et si, à cause de cela, la fête en était perturbée à Tant pis encore, c’est que nous ne méritions pas une telle fête !
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Mon père, voyez-vous, était l’exemple même de ce que l’on a coutume d’appeler un despote éclairé. Éclairé, puisqu’il voulait pour nous une éducation d’hommes libres. Éclairé, puisqu’il prodiguait à sa fille le même enseignement qu’à ses fils. Éclairé, aussi, dans sa passion des sciences contemporaines et des arts. Mais despote. Despote déjà dans sa manière d’exprimer ses idées, d’une voix haute, précise, sans appel. Despote surtout dans ses exigences envers nous, envers notre avenir; persuadé que son ambition était noble, il ne se demandait pas si ses enfants avaient le désir ou la capacité de s’y conformer.
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Cette histoire ne m'appartient pas, elle raconte la vie d'un autre. Avec ses propres mots, que j'ai seulement agencés quand ils m'ont paru manquer de clarté et de cohérence. Avec ses propres vérités, qui valent ce que valent toutes les vérités.
M'aurait-il menti quelquefois? Je l'ignore. Pas sur elle, en tout cas, pas sur la femme qu'il a aimée, pas sur leurs rencontres, leurs égarements, leurs croyances, leurs désillusions; de cela j'ai la preuve. Mais sur ses propres motivations à chaque étape de sa vie, sur sa famille si peu commune, sur cette étrange marée de sa raison - je veux dire ces flux et reflux incessants de la folie à la sagesse, de la sagesse à la folie -, il est possible qu'il ne m'ait pas tout dit. Cependant, je le pense de bonne foi. Mal assuré sans doute dans sa mémoire comme dans son jugement, je veux bien l'admettre. Mais constamment de bonne foi.
C'est à Paris que je l'ai croisé, pur hasard, dans une rame de métro, en juin 1976. Je me souviens d'avoir murmuré : "C'est lui!" Il m'avait fallu quelques secondes à peine pour le reconnaître.
Je ne l'avais jamais rencontré jusque-là, ni entendu son nom. J'avais seulement vu une image de lui dans un livre, des années plus tôt. Ce n'était pas un homme illustre. Enfin si, en un sens il l'était, puisqu'il avait sa photo dans mon manuel d'histoire. Mais il ne s'agissait pas du portrait d'un grand personnage avec son nom inscrit dessous. La photo montrait une foule rassemblée sur un quai; à l'arrière-plan un paquebot qui emplissait l'horizon, sauf pour un carré de ciel; la légende disait que pendant la Seconde Guerre, quelques hommes du Vieux Pays étaient allés se battre, en Europe, dans les rangs de la Résistance, et qu'à leur retour, ils avaient été accueillis en héros.
De fait, au milieu de la foule, sur le quai, il y avait une tête de jeune homme ébloui. Les cheveux clairs, les traits lisses, un peu enfantins, le cou tendu sur le côté, comme s'il venait de recevoir à l'instant cette guirlande qui l'ornait.
Que d'heures j'avais passées à contempler cette image!
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Nous étions tous, dans notre bonheur, légèrement tristes. Avec la fin de la clandestinité finissait notre belle aventure. Cela n’arrive pas souvent dans la vie que l’on puisse être mauvais garçon pour une bonne cause.
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La respectabilité est une femme vénale.
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Cela dit, c'est une fort détestable habitude que d'affubler les enfants de prénoms qui expriment les opinions des parents, leurs engouements ou leurs préoccupations du moment ; un prénom doit être - vous en conviendrez - la page la plus blanche, pour que la personne y écrive, durant sa vie, ce qu'elle saura y écrire.
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Nous étions enfoncés chacun dans son fauteuil,mais par la pensée,et un peu par le regard,nous étions blottis l'un contre l'autre
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J'ai détesté le nazisme, non pas le jour ou il a envahi la France, mais le jour ou il a envahi l'Allemagne.
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Si j'ai tout de même survécu, c'est parce qu'il faut une certaine volonté pour ne plus survivre. Je n'avais même plus cette volonté-là.
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