"...il était né dans cette ville, mais l'avenir n'habite pas les murs du passé."
Il parlait avec une douce lenteur, comme s'il devait épousseter chaque mot avant de le produire.
Si j'ai eu une petite frayeur, c'est lorsque ma soeur, qui s'était absentée une bonne partie de la journée, a fait son entrée dans le salon au bras de son mari. Qu'on imagine la scène : d'un côté Mahmoud, fils d'une grande famille musulmane de Haïfa, qui avait dû quitter la ville à cause de la tension qui régnait entre Arabes et Juifs, et qui présentait déjà qu'il ne pourrait probablement plus y retourner; de l'autre côté Stefan, Juif d'Europe centrale, venu précisément s'installer dans cette même ville; tous deux proches parents des nouveaux mariés...
Dieu, que le ciel était bleu ce jour-là!
Accoucheur de vérités, accoucheur de légendes, la belle différence!
Disons plutôt que c'était un esprit rebelle. pas du tout acariâtre, notez bien. Jovial, même, et bon vivant. mais profondément révolté.
Contre quoi?
Contre tout! Les lois, la religion, les traditions, l'argent, la politique, l'école... Ce serait trop long à énumérer. Contre tout ce qui changeait, et tout ce qui ne changeait pas. Contre "la bêtise et le mauvais goût et les cerveaux encrassés" disait-il.
Meme quand on ne voit pas de lumière au bout du tunnel,il faut continuer à croire qu'il y a une lumière et qu'elle apparaitra.
Comment leur expliquer que cette affection pour moi,cette confiance excessive ,cette veneration prematuree m'effrayaient et me paralysaient?
(...)
Moi aussi je voulais changer le monde ,a ma maniere.
êtes vous certain que la vie d'un homme commence à sa naissance?
Il faisait si sombre dans la mairie et il y avait si peu de monde qu’on se serait cru revenu à la vie clandestine. Ce qui n’était pas pour déplaire à mes amis, ils avaient tous un pincement au cœur en repensant à cette période encore proche où chaque geste avait un sens ; marcher dans la rue, par exemple, sans être reconnu, c’était un exploit sans cesse renouvelé ; à présent, marcher dans la rue sans être reconnu, c’est la détresse quotidienne.