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EAN : 9782359841497
208 pages
Esperluète éditions (14/01/2022)
4.32/5   11 notes
Résumé :
Comme point de départ au texte, il y a un point de bascule, situé en 1997, lorsque Shin Do Mabardi meurt brutalement, dans un accident de voiture. Il laissait son travail de céramiste, ses dessins, une pile de carnets et, dans la mémoire de ceux qui l’ont connu, une impressionnante douceur et beaucoup de silence.

Veronika Mabardi se place à l’endroit de ce silence pour suivre les traces qu’il a laissées, comme on suit une piste. Elle délie les souveni... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
J'entame - avec ce très beau récit - le mois consacré à la littérature belge, dans le cadre de l'opération « Lisez-vous le Belge ? », renommé de ma propre initiative en « Lisez-vous la Belge ? »

L'auteure nous raconte la courte vie de son frère adopté avec beaucoup de tendresse, de justesse et de pudeur aussi. Voici la résumé qu'elle fait de cette vie :

« Il est venu de loin.
Il n'avait dans ses poches ni miettes ni cailloux,
Rien qui lui permette de retrouver son chemin.

Il a pris son visage entre ses mains,
Il l'a déposé sur une toile,
Et il est reparti ».

Elle nous parle de racisme ordinaire, de la blessure d'être arraché à ses racines, de l'impossibilité (peut-être) de se construire sans elles, de ce déchirement insurmontable d'avec la mère biologique qui est restée au pays. Elle nous parle aussi de la difficulté d'être artiste, de vivre sa vie quand celle-ci n'est pas conforme aux attentes de la société, et de la douleur de voir son frère, son enfant, son conjoint se battre avec ses démons, se sentir si peu adapté, si seul, si désemparé… La disparition brutale, et ensuite la recherche de signes, de signification. Des indices qui nous maintiennent en vie, dont on pourra tirer du sens, à défaut d'avoir une explication. Car « à travers le néant, son visage fait signe », et le fera tant que nous serons vivantes.

C'est délicat et onirique, doux et puissant, intime et universel. L'occasion pour l'auteure de rendre aussi un très bel hommage à ses parents - qui ont éduqué quatre enfants - notamment à sa maman, dont elle devine la fatigue et les angoisses, malgré la disponibilité et l'abnégation.

Livre-thérapie, aussi peut-être, pour un deuil difficile, impossible. Car « avec les mots l'horizon se peuple de végétation et d'oiseaux, de visages, il se reboise enfin pour offrir un refuge. À chaque pas, un arbre, sous chaque mot une racine. Je prendrai soin des terres arides de ne pas avoir été aimées à la mesure de leur étendue. » En tout cas, livre-questionnement : « Ce qui m'intéresse depuis le début, c'est ce qui échappe au langage. le vide entre les mots trace un chemin. ». Ce qui bien sûr en fait un livre où chacun d'entre nous pourra se reconnaitre.

À noter aussi les magnifiques illustrations du frère disparu. Mais ce que j'ai adoré, vraiment, c'est le style de Mabardi. Un style très personnel, tout à la fois oral et très organique. J'ai eu l'impression d'entendre l'auteure respirer, de lire cette respiration. C'est une expérience très étrange. Certains passages occupent plusieurs pages, d'autres tiennent en une seule phrase. Un peu comme l'inspiration, ou l'énergie, qui n'est jamais identique d'un jour à l'autre.

Une très belle découverte et un coup de coeur assurément.
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« Sauvage est celui qui se sauve » est une citation empruntée aux carnets de Léonard de Vinci.
Sublime dans cette orée d'une filiation spéculative, « Sauvage est celui qui se sauve » est un livre de résilience. Un hommage au frère disparu Shin Do Mabardi, né en Corée aux environs de 1966. Adopté par une famille tribu, Babel, en Belgique en 1971.
Shin Do prend place dans ce récit véridique, main dans la main avec sa soeur : l'autrice, Véronika Mabardi.
« Doucement, avec la rage. le bruit pourrait effrayer les oiseaux. Un jour il apparaît. Ça aurait pu être un autre. C'est lui. »
Shin Do est un enfant vif, pensif, tourmenté et rêveur. Petit être coquillage, au passé trop court. Abandonné par sa mère, le flou pour mémoire. Il devine pourtant le fil qui ne cédera pas à la matrice. Apprivoisé, bercé, choyé et aimé par sa maman adoptive qui devine la faim, le manque.
« Il est absorbé tout entier par la nourriture. Il a eu faim, pas besoin de le dire. »
Véronika Mabardi conte son frère. Ce lien magnétique, fusionnel et intrinsèque. La coopération de la famille, soudée face aux regards , petites mesquineries. Comme s'il s'agissait d'une adoption marginale. Ses parents ont des enfants. Pourquoi donc adopter ?
Tel est le regard d'une société empreinte dans le conventionnel schéma.
Shin Do se cherche, grandit dans cette ubiquité. Les souvenirs rémanence, mais prégnants et indésirables. Fragilisant la croissance, heurtant les passions. L'enfant dont la soeur est divinement éprise. La famille s'adapte. Elle berce l'enfant, le pousse dans le dos, le cherche, toujours caché  sous les meubles et les silences. Prise de risque, les faiblesses et les écueils d'une Alcazar en épreuve . Ne pas baisser les bras, laissez venir l'oiseau au monde. La tendresse est un champ de blé qui chante de par le vent. Les larmes sont utiles et guerrières. Les sourires, les fleuves infinis et langoureux. L'antre, un berceau qui va combler toute les pièces de la maison, couleur rouge ou grise. Qu'importe ! L'as de coeur remporte la mise sur tous les préjugés du monde.
« Le monde est vaste, dit le père, il y a assez de gens biens pour ne pas avoir besoin de perdre son temps avec les imbéciles. »
« Le monde change et on est dedans. »
Sauvage, Shin Do teste, affronte, se heurte, funambule sur le fil de sa propre destinée. Vulnérable mais fort, manichéen et bouleversant. Véronika ne cède rien face aux digues ravageuses. Soeur siamoise, déesse protectrice, et la douleur, en elle, vacille.
L'incompréhension du chaos à venir. Shin Do est instable, joue aux balles avec l'invisibilité. Disparaître des yeux du monde à l'instar de lui-même.
« Plus d'histoires qui finissent bien. Tout se recouvre de cellophane. »
Il est écorché vif. Modèle de ses mains, ses furies intestines. Étrangle ses souffrances en glaise et céramique. Rassemble l'épars des chefs-d'oeuvres terre-mère. Il est lave volcanique, mer salée, peau douce et coquille. Affronte ses limites à corps et à cris.
« Il est un pont entre deux mondes. »
Ses mots sont des myriades d'oiseaux en plein vol. Véronika est l'arche de Noé.
« Il dit que sa vie est une aberration. »
La trame est rédemptrice, maternante et désirable. Il peint. Accroche le pictural sur les toits sans frontières, « affronte l'ombre et le blanc ».
Exutoire tremblant d'incertitudes, « vivre en morceaux ». Il faut qu'il s'apaise, se berce, accepte son identité, le choix du monde et les siens, immensément aimants, lucides et apeurés dans un même tempo.
« Ce qui est important, c'est la terre , les pots. Ça commence avec les dessins, mais le but, c'est les pots. »
Le symbole claque comme du linge frais en plein vent, à l'envers des marées et des normalités. Quêter l'identité au vaste de l'horizon. Construire sa vie et se méfier des fissures. Shin Do Mabardi, artiste des lumières, frère abysse et porte ouverte.
Mémoriel, initiatique, émouvant et marée-basse. Ce chant pour le frère, cet hymne d'amour est l'empreinte de la majestueuse adoption universelle. Sensible, délicat, essentiel, d'ombre et de lumière, le miracle de la littérature.
Son travail reçoit le prix de la fondation Juliette Passeux, quelques semaines avant son décès, en 1997.
En lice pour le prix Hors Concours 2022/2023 des Éditions Indépendantes. Publié par les majeures Esperluète Éditions.
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Ce livre est un très bel objet. Sans être un roman, il raconte. C'est plus qu'un témoignage… Est-ce que le définir comme récit documenté, biographique, poétique et romancé pourrait convenir ? Quel que soit son genre, je pense n'avoir jamais lu un tel ouvrage, qui m'a plu tout en me déstabilisant. Etonnant par sa mise en page, la juxtaposition de paragraphes sans rapport immédiat, l'évocation de personnages que l'on ne reconnaît pas aux premiers mots mais magnifique, aussi par la mise en page, les illustrations, le choix des mots, la poésie de cette évocation d'un être cher. Ce héros du livre, le frère adoptif de l'auteure, est « celui qui se sauve » car même là il est ailleurs. Souvent il disparaît, il est une ombre, un fantôme, une illustration que l'autrice, sa soeur de coeur a su si bien rendre présent ! Je ne peux rien dire de plus de ce récit sensible si ce n'est la beauté de cette mise à nu des sentiments intimes, forts, ambivalents et contradictoires qui reflètent cette vie de famille composée.
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Je suis très ennuyé. Parce que je rencontre une nouvelle fois un type de livre qu'il est presque impossible de critiquer. Parce qu'il est personnel, parce qu'il raconte des choses personnelles, intimes, et que toucher à ça, oser en dire quelque chose peut être violent et inutile.
Parce que la question est aussi que faire de ces genre de textes, qui n'a pas la puissance pour être universel et qui est pourtant touchant par moments, parce qu'une vie humaine et des vies humaines sont touchantes, au moins par moments.
L'écriture est comme un découpage d'émotions, un découpage pour expliquer une famille recomposée et mixte et mélangée et multiethnique, si ces mots ont encore du sens. Une famille dans les années 1970 et suivantes.
Un enfant qui ne connaît ses origines, troué qui tâche de s'élever, avec peine...
Une famille qui vit les clichés attenants à toutes ses composantes.
Les dessins ajoutés dans le texte sont nécessaires, pour comprendre comment un individu cherche à se composer, à se manifester, à survivre. Il n'y en a pas assez, selon moi. J'aurais aimé en avoir plus. Mais il est rare que dans du texte, les éditeurs osent plus, le travail réalisé là est esthétiquement réussi. C'est une jolie pièce.

Je ne peux pas dire que j'ai aimé ce livre, je ne peux pas dire qu'il n'est pas bon. J'ai envie de dire qu'il ne concerne que ceux qui se sentent concernés. Je ne me suis pas senti concernés, au contraire même plutôt exclu... D'éléments de construction dont je ne faisais pas partie, et que je regardais un peu comme un voyeur.

Alors, certes la réalité et la vie sont complexes, et c'est bien d'expliquer, de tenter d'expliquer, de tenter de faire comprendre son vécu, sa partition.
Et, je ne me peux pas m'empêcher de pensée qu'au fond aucune vie n'est intrinsèquement plus intéressante ou différente ou supérieure à une autre, à n'importe quelle autre.
Ce qui pourrait faire la différence ? Une touche de génie, une écriture bouleversante, une universalité bousculée au creux de chacun de nous, lecteurs.
Et dans ce livre, je ne l'ai pas trouvé.
Enfin, ce n'est qu'un avis, quand on est convaincu, on ne s'arrête pas, surtout surtout pas.
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En première de couverture nous avons un autoportrait de ce frère coréen Shin Do,celui qui se sauve,qui a une vie chaotique et qui disparaît victime d'un accident de voiture.
Dans le préambule, Veronica Mabardi nous explique la genèse du récit : à la naissance de sa fille ,le souvenir de son enfance,de la disparition de son frère. du désespoir qui l'a envahie,elle et toute sa famille aimante qui répondait présente pour l'accueillir ce frère qui garde en lui la blessure,du déchirement de la séparation de sa mère coréenne dont il ne sait rien.. Veronica ouvre la porte de la chambre qu'il occupait par intermittence,quand il le souhaitait et qui était close depuis l'accident. Elle ouvre la malle qui contient tous ses souvenirs et éprouve le besoin de raconter à travers son contenu la vie marginale, le mal être, des difficultés à s'insérer dans la société, passant beaucoup de temps dans la rue. Il mène une vie décousue d'artiste offrant plutôt que les vendre ses oeuvres :ses sculptures, ses céramiques,ses écrits..
Elle décide d'organiser en mémoire de son frère une exposition de ses oeuvres. Et elle est agréablement surprise surprise de voir la venue d'un public nombreux de personnes l'ayant côtoyé et admiré.
Tout cela nous est raconté avec beaucoup de finesse dans l'écrit qui est mis en valeur par une pagination originale et un style d'écriture Allant de quelques mots, à des poèmes ,ou des récits de la vie de Sho Din narrés dans un paragraphe plus ou moins long , laissant libre court à ses souvenirs.
J'ai ressenti beaucoup d'émotions à la lecture de ce récit qui donne toute sa place à celui qui ne disparaît pas,ne peut disparaître pour toujours.Veronica Mabardi prend le temps pour que ses souvenirs prennent forme et nous entrons totalement dans ce beau récit À LIRE.



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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
17 avril 2022
Veronika Mabardi remonte le fil sensible des liens visibles et invisibles entre elle et son frère adoptif.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeFigaro
17 mars 2022
L’histoire vraie d’une famille nombreuse pas conventionnelle, blessée mais unie.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
La douleur des enfants fait peur aux adultes.
Leurs cauchemars les terrifient.
Leurs cris les menacent, personnellement.
Leurs appels, quelqu’un en eux les connaît.
Reconnait l’obscurité. Le vide dedans. L’absence de frontière entre soi et les ombres.
Les monstres tapis dans un espace qui n’a plus de fin.
L’absence de peau entre soi et le monde.
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Il y a des hommes aussi. Avec eux, c’est autre chose. Une écoute grave. Un hochement de tête. Et parfois, une émotion, qu’ils laissent voir, à travers leur solitude.
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À supposer que je m'asseye à la table de fer posée entre les arbres, face au jardin.
Une table verte piquée de rouille,
Que je m'asseye et laisse faire les mots

À supposer que les mots deviennent une matière minérale. Que, dans leur lenteur de roche, ils bâtissent un chemin,pierre à pierre, partant de toi,
De ta présence fugace autour de mon corps,
Une présence aujourd'hui invisible, mais pendant tant d'années bien réelle dans toutes les maisons où j'ai vécu....
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Je ne veux pas. Raconter une histoire serait une trahison. Pourquoi ? Parce qu’une histoire a une fin et que ceci n’est pas fini. Tant que je serai là, une part de lui sera vivante aussi, se transformera, me visitera en rêve, accompagnera les mots que j’écris.
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Il faut faire sa maison comme on veut vivre : en accumulant le passé ou en faisant de l’espace pour les amis qu’on va rencontrer.
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Videos de Veronika Mabardi (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Veronika Mabardi
Soirée animée par l'Académie Hors Concours Lecture par David Sidibé
Créé en 2016, le prix Hors Concours défend une littérature engagée, et récompense exclusivement des éditeurs indépendants. Il offre la possibilité à ses lecteurs de découvrir des textes inédits de la littérature adulte, contemporaine et francophone, et de voter pour leur auteur favori. L'un de ces cinq finalistes repartira avec le prix de cette édition 2022 : - Sauvage est celui qui se sauve de Veronika Mabardi (Editions Esperluète) - le bord du monde est vertical de Simon Parcot (Le mot et le Reste) - L'Arbre de colère de Guillaume Aubin (La Contre Allée) - Histoire navrante de la mission Mouc-Marc de Frédéric Sounac (Anarchasis) - Il n'y a pas d'arc-en-ciel au paradis de Nétonon Noël Ndjékéry (Hélice Hélas)
Cérémonie organisée à la Maison de la Poésie, en présence des auteurices, des éditeurices en lice et des membres du jury : Stéphanie Khayat, journaliste à Télématin, Inès de la Motte Saint-Pierre, journaliste à La Grande Librairie, Ilana Moryoussef, responsable littérature à France Inter, David Medioni, rédacteur en cher d'Ernest ! et Isabelle Motrot, directrice de la rédaction du magazine Causette.
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