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EAN : 9791022611718
128 pages
Editions Métailié (14/01/2022)
3.88/5   52 notes
Résumé :
Le soleil, l’effort tapent sur les corps fatigués de trois hommes sur un bateau. Ils tournent le moulinet, tirent sur le fil, se battent pendant des heures contre un animal plus fort, plus grand qu’eux, une raie géante qui vit dans le fleuve. Étourdis par le vin, par la chaleur, par la puissance de la nature tropicale, un, deux, trois coups de feu partent.

Dans l’île où ils campent, les habitants viennent les observer avec méfiance, des jeunes femmes ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
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Une nouvelle fois, je suis charmée par la singularité d'une auteure latino-américaine. Après Mariana Enriquez ( Notre part de nuit ) et Natalia García Freire ( Mortepeau ), c'est l'Argentine Selva Almada qui vient de me cueillir avec un roman étonnant qui tire un écheveau entremêlant réalité et rêve, humain et naturel, factuel et magie.

La scène d'ouverture présente une partie de pêche à la raie, brutale et viriliste au cours de laquelle une raie succombe par trois coups de feu après une lutte acharnée avec trois pêcheurs venus de la ville, deux amis dans la force de l'âge et le fils d'un autre, décédé il y a peu. Ils boivent, cuisinent, parlent, dansent. Jusqu'à entrer en contact avec les habitants de cette île loin de tout, entre fleuve, mer et montagne.

«  le vent se faufile entre les arbres et tout est si silencieux à cette heure que le murmure des feuilles grandit comme la respiration d'un animal immense. Il écoute sa respiration. Un souffle. Les branches remuent comme des côtes, se gonflent et se dégonflent avec l'air qui s'introduit dans les entrailles. (...)
S'il étend son regard, dans la direction où la rue descend, il parvient à voir le fleuve. Un éclat qui mouille les yeux. Et là encore, ce n'est pas un fleuve, c'est ce fleuve-là. Il a passé beaucoup plus de temps en sa compagnie qu'avec quiconque.
Alors.
Qui leur a donné le droit !
Ce n'était pas une raie. C'était cette raie-là. Une bête magnifique, déployée dans la boue au fond de l'eau, elle a dû briller, blanche comme une mariée dans les profondeurs que la lumière n'atteint pas. Couchée sur le limon ou planant avec ses voiles, comme un magnolia de l'eau, cherchant de la nourriture, poursuivant la transparence des larves, les racines squelettiques. Puis les hameçons accrochés à ses flancs, la lutte de tout l'après-midi avant de se rendre. Les coups de feu. Arrachée au fleuve pour lui être ensuite rendue.
Morte. »

Selva Almada imprime à sa prose un rythme contemplatif plus proche de la cadence poétique que de celle du pur roman, avec ces scènes courtes, condensées, avec son style épuré composé de phrases courtes aux descriptions ajustées, saturées de retours à la ligne. Les images créées sont précises et emportent le lecteur dans une atmosphère onirique, où la menace sourd dans un cadre bucolique qui n'a rien de pittoresque, éveillant la sensorialité du lecteur. Elle sait écrire les silences suspendus, ceux que la mort laisse dans le coeur fragile des hommes, disant avec une grande sensibilité ce qui les habite au plus profonde de leur âme. le tout dans une nature omniprésente qui enveloppe les personnages et le lecteur.

Le récit flotte, organisé autour de fragments du passé qui permettent de faire la lumière sur les forces et ambiguïtés qui relient les trois hommes, entre amitié, trahison et culpabilité, tous se débattant avec les fantômes de leur passé, notamment celui de leur ami mort noyé qui vogue au-dessus de ce week-end de pêche. Mais ce sont les personnages féminins les plus intéressants. Ce sont les femmes qui démystifie la violence masculine. Ce sont elles qui font basculer le récit en une nuit mythologique où tout va se jouer. C'est par elle que le surnaturel se déploie. Siomara qui, depuis un terrible drame, passe son temps à faire des feux, avec l'impression que le feu lui parle à travers ses crépitements. le feu expiateur, libérateur du chagrin et de la rage, passeur d'un monde à l'autre. Et puis ses deux filles qui surgissent dont ne sait où, telles deux sirènes des forêts qui ensorcellent les trois personnages masculins perdus dans cet univers où le fantastique semble irrémédiablement attaché à la nature et à ce territoire sacré qu'ils ont violé. Comme si le fleuve puis la forêt traversaient les hommes.

Un roman prenant à l'atmosphère mystérieuse quasi lynchienne, à la fois douce et tendue, brute et onirique.


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« Ce n'est pas un fleuve » , un récit complexe et dense où à travers une centaine de page Almada nous parle de vie, de mort, d'amour, d'amitié, de croyances et de peur. Trois hommes , un fleuve à l'eau épaisse et sombre comme de l'encre, une immense raie, et les souvenirs. Alors qu'ils ne savent que faire avec la bestiole qu'ils se sont acharnés à tuer et pendu à un arbre, le souvenir de l'ami noyé remonte à la surface....un noeud au ventre, l'angoisse qui revient encore , souvent. Et le tout accompagné de maté, toujours, cette boisson dont le partage ou le non partage signifie tant.

Dans un langage brut et poétique ( certains passages semblent des haïkus disséminés comme des petits cailloux ), présent et passé s'alternent et se confondent dans l'intemporalité d'une nature sauvage où la vie suit son cours sans tenir compte de l'homme, bien que ce dernier s'acharne à lui faire du mal. Une touche de réalisme magique encense l'histoire, brouillant les frontières entre rêve et réalité. C'est son quatrième livre que je viens de lire. Almada a une voix particulière et puissante dans la littérature argentine où elle touche au coeur des problèmes humains et sociaux avec une prose sobre et une grande sensibilité. Toujours des mères célibataires, femmes abandonnées réduites à l'image de leurs chattes, hommes éméchés qui font attention à ne pas confondre « passer un bon moment avec fonder une famille »😁et encore, …..et des descriptions fabuleuses, « Il était là, si grand, se tenant droit, si peu à l'aise parmi les mannequins et les cintres avec des habits magnifiques, sur un sol qui ressemblait au ciel tant il était propre, tant il brillait….qui ne savait pas quoi faire de ses mains, qui ne lui servent à rien quand il n'a pas une clope à la main, une canne à pêche ou un couteau pour ouvrir les poissons ». le plus court et le plus intense de ses livres, absolument à ne pas passer à côté !

« Le feu s'éteint avec le feu. »
« Parfois les rêves sont des échos du futur. »
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Les femmes ne vont pas à la pêche. Elles regardent partir leurs hommes au petit matin, entre copains, la musette bien garnie de remontants solides et liquides, et les voient rentrer, le soir ou à la fin du week-end, souvent sans poisson mais avec la gueule de bois. Ses souvenirs d'enfant intriguée par les escapades halieutiques paternelles ont inspiré à l'auteur ce bref récit aux confins du mystère et de la magie, là où, dans les eaux troubles du fleuve, se reflète et se réfracte un univers masculin teinté de fantasmagorie.


C'est donc l'une de ces sorties viriles, aux couleurs de la liberté au grand air, de l'alcool et de l'amitié, qui réunit sur le même bateau deux hommes et le fils d'un troisième, mort noyé au cours d'une autre partie de pêche des années auparavant. Dans la touffeur et sous les nuées de moustiques qui les assaillent sur le fleuve cerné par la forêt tropicale, leur journée de pêche bien arrosée s'achève dans un moment fort : la capture de haute lutte, conclue par trois coups de feu, d'une raie géante qu'ils ont suspendue comme un pavois entre les arbres qui enserrent leur campement sauvage sur une île.


S'ils pensaient être seuls, de multiples présences ne cessent en réalité de se manifester. Celle de l'ami disparu en ces mêmes lieux, bien sûr, alors que cette journée les renvoie à celle d'autrefois, qui mit si tragiquement fin à une longue camaraderie, entamée dans la plus tendre enfance et poursuivie jusqu'à l'âge mûr, avec ses hauts et ses bas, ses joies et ses trahisons. Celles aussi d'autres fantômes, prisonniers de l'île et du chagrin qu'ils ont laissé dans le coeur d'une mère depuis leur propre tragédie. Et puis, les habitants bien vivants de l'île, ceux pour qui le fleuve n'est pas un fleuve, mais leur fleuve, n'en déplaise aux étrangers ignorants.


Tandis que les bois craquent et bruissent d'invisibles souffles plus ou moins tangibles, que les remous et les réverbérations du fleuve laissent entrevoir des profondeurs aussi insondables que celles de l'âme humaine, et que les drames passés viennent mêler leurs brumes à celles du futur, se déploie l'atmosphère poisseuse d'un huis clos autour duquel virevoltent de noires ombres, créatures naturelles ou fantasmagoriques, issues du remords et de la culpabilité. Et dans la nuit où les mauvaises consciences se laissent envahir par les peurs les plus primitives, c'est comme si la nature, dans sa dimension la plus sacrée, n'avait de cesse d'expulser les intrus sacrilèges, pêcheurs tombés au rang de pécheurs.


Passablement déconcerté par l'étrangeté onirique du récit, le lecteur y trouvera un sens en se laissant porter par ses sensations poétiques. Comme dans un caléidoscope, au gré d'une succession d'impressions aussi changeantes et fugitives que la lumière à la surface de l'eau, alors que, tantôt l'on s'enfonce dans des tourbillons menant à d'obscures profondeurs, tantôt l'on s'aveugle de réverbérations trompeuses, c'est finalement l'image de la vie, avec ses magnificences et ses traîtrises, qui transparaît dans cet univers masculin, chamboulé par l'intervention des femmes. Alors non, ce n'est peut-être pas un fleuve, mais plutôt une image de la destinée humaine, que Selva Almada nous peint ici avec un impressionnant talent.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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« Le vent se faufile entre les arbres et tout est si silencieux à cette heure que le murmure des feuilles grandit comme la respiration d'un animal immense. Il écoute sa respiration. Un souffle. Les branches remuent comme des côtes, se gonflent et se dégonflent avec l'air qui s'introduit dans les entrailles. »


C'est dans cette ambiance que nous partons à trois, entre hommes, sur une île voisine pour quelques jours de pêche, arrosés de soleil et de bière. « C'est comme se faire des bains de bouche avec du coton. C'est seulement après la deuxième gorgée qu'arrive le liquide froid, amer. »
Les têtes tournent, un bateau tangue, des jambes se mouillent, les blagues viriles s'écoulent. Et l'on est si bien à se laisser bercer par ces bribes d'amitié masculine, brute mais profonde, propice à la méditation. « Quelque chose dans l'image des deux amis, le jeune homme et l'homme mûr, l'émeut. Il sent que le feu de l'après-midi lui caresse la poitrine, à l'intérieur. » Tour à tour la plume fouille les pensées, souvenirs et regrets de chacun.


Lorsqu'une raie énorme tend la ligne, l'un des trois fait feu et, acharné, l'achève de trois balles comme pour tuer définitivement le souvenir d'un autre corps effrayant du passé, surgissant des mêmes eaux - « C'est sûrement qu'il reste quelque chose des gens à l'endroit où ils meurent »… Un exorcisme seulement à moitié réussi, qui convoque plus de souvenirs fantômes qu'il n'en chasse, dans l'esprit des trois amis. Alors de retour au camp pour la nuit, c'est avec un bon feu rassurant que l'on tente de purger les fantômes du passé qui s'immiscent au gré des invocations de chacun, dans ce texte foisonnant aux temporalités multiples. Mais notre virée rallumera d'autres feux mal éteints dans la population locale, attisera des braises qui deviendront incontrôlables de la part de ces autres qui voient dans cette violence gratuite l'occasion d'exercer la leur. le feu crépite et enfle comme la colère et comme elle, si on ne le maîtrise pas, il nous brûle les ailes.


« Faire un feu, c'était sa manière de se libérer de la rage, de la faire sortir de sa poitrine, comme si elle leur disait : regardez comme ma colère peut être grande, attention, elle peut vous atteindre. »


On sort poisseux et ensuqué de ce magnifique récit onirique, comme au sortir d'un rêve qui a failli devenir cauchemar et dont on est finalement contents, et un peu étonnés, d'être sortis indemne avant qu'il n'empire et nous aspire dans sa noirceur. Ensorcelés par la plume aussi brute que poétique de cette auteure argentine, nous arrivons au coeur de l'histoire par le fleuve et l'on en repartira par lui, comme pour se laver de tout ce que l'on a lu, vécu, enduré ou imaginé entre temps, des heures écoulées sur ce long fleuve intranquille de leurs vies. Des heures qui compteront comme des années puisqu'en seulement 110 pages, Selva Almada parviendra, comme dans un rêve, à nous faire vivre à la fois de vieux souvenirs et des prémonitions, comme lorsque nos esprits se servent des rêves pour purger nos peurs et nos angoisses, superposant images et sensations, réelles et inventées, supposées ; craintes.


Si nos peurs sont souvent l'origine de la colère et de la violence qui naissent en nous, ce récit s'en nourrit lui aussi qui, comme un rêve, sera empli d'amitié partagées, d'émotions, d'angoisses et de violence. Une temporalité froissée, brisée, éparpillée en milles petits morceaux, comme autant de gouttelettes d'eau reflétant les mille facettes de nos personnages et qui, mises bout à bout, forment le long fleuve de nos vies intranquilles. Une très belle plume à (re)découvrir !
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On y retrouve trois hommes dans un bateau, mais ce n'est pas Jerome K Jerome et encore moins un paisible fleuve anglais. D'ailleurs ce n'est pas un fleuve.
J'y ai été embarquée par le chant de quelques sirènes, qui m'ont alléchée par leurs critiques (Merci Idil, Sandrine, Onee, Marie-Laure et quelques autres).
Ils sont donc trois. Deux plus âgés et le troisième qui est le fils de celui qui n'est plus, qui s'est perdu dans ce fleuve, qui était le dernier membre du trio, amis depuis longtemps. Ils partent entre hommes, pour quelques jours de pêche, sur l'ile. C'est l'été, il fait chaud très chaud. L'atmosphère est moite, poisseuse, les corps aussi. La bière pas toujours fraiche et le vin des dame-jeanne ne suffisent pas à rafraîchir durablement, mais concourent à embrumer les esprits. Et des lors, les souvenirs se mêlent au présent, les fantômes se mêlent aux vivants, la forêt et le fleuve ne sont pas les derniers à jouer leur rôle au milieu des humains.
Il est des livres que l'on lit très vite, parce que l'histoire nous entraine, car ce qui nous importe c'est de savoir ce qui va arriver. Et puis, il y a ceux dans lesquels on aime se perdre, errer au milieu des mots qui résonnent de façon magnifique dans notre âme, des livres dont on lit certains passages à voix haute pour mieux s'imprégner de leur musique, de leur ambiance si particulière, des livres qui nous happent par leur atmosphère.
Ce n'est pas un fleuve fait partie de ceux-là. L'auteure aime nous perdre entre réalité et souvenirs, réalité et monde des esprits, réalité et rêve. On se sait plus très bien où l'on en est, qui est autour de nous, et l'on quitte cette ile avec ces trois hommes, un peu soulagés d'y échapper, mais un peu groggy et dépossédés d'une part de mystère.
Merci infiniment à celles (et ceux) qui m'ont fait découvrir ce roman et aux Éditions Métailié pour ce partage #Cenestpasunfleuve #NetGalleyFrance
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critiques presse (2)
LeMonde
11 août 2022
Pour ce récit d’une partie de pêche et tableau des mœurs masculines argentnines, l’écrivaine a puisé, entre autres, dans ses souvenirs d’enfant curieuse.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaLibreBelgique
05 mai 2022
"Ce n'est pas un fleuve", un roman dense et complexe habité par des hommes rustres et alcooliques.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Enero Rey est debout sur son bateau, les jambes écartées, son corps est massif, imberbe, il a le ventre gonflé, il fixe la surface de l’eau et attend, un revolver à la main. Sur le même bateau, Tilo, le jeune homme, est cambré, l’extrémité de la canne appuyée sur sa hanche, il fait tourner le moulinet, tire sur le fil : c’est un cordeau de lumière contre le soleil qui décline. Negro, la cinquantaine, comme Enero, n’est pas sur le bateau mais dans le fleuve même, l’eau lui arrive aux testicules, son corps est également cambré, le soleil et l’effort font rougir son visage, tandis qu’il déroule et enroule le fil, sa canne forme un arc. La petite roue du moulinet tourne, sa respiration est celle d’un asthmatique. Le fleuve est immobile.
Fatiguez, fatiguez-la. Tirez sur le fil, tirez. Faites-la décoller, décoller.

(Incipit)
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Negro pénètre dans la forêt. Le tee-shirt sur l'épaule, il fait de grands pas, mais lents. Ici, tout est pénombre. Dehors, c'est le soleil, une boule de feu qui s'éteint dans le fleuve. On entend des bruits d'oiseaux, de petits animaux. Un bruissement d'herbes. Des cobayes, des belettes, des lièvres se faufilent dans les broussailles. Negro avance prudemment, avec respect, comme s'il pénétrait dans une église. Léger, comme une biche. Mais voilà qu'il marche sur une branche très fine ou sur une poignée de gousses de curupi, et c'est le tapage. Le bruit des gousses sèches enfle entre les troncs des aulnes et des timbos, il monte, s'échappe du cercle compact de la forêt. Il sonne l'alerte, il y a un intrus.
Cet homme n'appartient pas à cette forêt et la forêt le sait. Mais elle le laisse faire. Qu'il s'introduise, qu'il reste le temps nécessaire pour ramasser du bois. Quand il aura fini, c'est la forêt elle-même qui va l'expulser, les bras chargés de branches, de retour vers le rivage.
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À peine sorti de la forêt, Negro s’arrête pour prendre un peu l’air. Il les voit assis, ils sont à égale distance les uns des autres. Tilo, un garçon qui ressemble à ce qu’ils ont été. Enero, un homme comme lui, en train de vieillir, comme lui. À quel moment ont-ils cessé d’être comme ci pour devenir comme ça ?
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Le vent se faufile entre les arbres et tout est si silencieux à cette heure que le murmure des feuilles grandit comme la respiration d’un animal immense. Il écoute sa respiration. Un souffle. Les branches remuent comme des côtes, se gonflent et se dégonflent avec l’air qui s’introduit dans les entrailles.
Ce ne sont pas seulement des arbres. Ou des mauvaises herbes.
Ce ne sont pas seulement des oiseaux. Ou des insectes.
Le quitilipi n’est pas un chat sauvage, même s’il en a l’air, parfois.
Ce ne sont pas des cochons d’Inde. C’est ce cochon d’Inde-là.
Ce serpent yarara.
Cette plante caraguata, unique, avec son cœur rouge comme le sang d’une femme.
S’il étend son regard, dans la direction où la rue descend, il parvient à voir le fleuve. Un éclat qui mouille les yeux. Et là encore : ce n’est pas un fleuve, c’est ce fleuve-là.
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Ils pénètrent dans la forêt d'un pas décidé. Dans l'humidité de la brise qui monte du fleuve. Tout est noir mais, comme les chats, ils se déplacent mieux dans l'obscurité. Ils connaissent le nom de chaque oiseau à son cri ; le nom de chaque arbre à l'écorce du tronc, de chaque plante à la taille ou à la dureté de ses feuilles. Ils évoluent dans la forêt comme dans leur maison. Ils savent où poser le pied pour ne pas déranger les couleuvres. Pour que le scorpion ne les pique pas. La forêt les connais depuis qu'ils sont tout gamins. Plus d'un a été engendré là, plus d'un y est né, entre les saules, les aulnes, les acacias ou les lapachos roses. Puisque les joncs et les massettes leur ont tenu lieu de berceau. Ils sont nés et ont grandi sur l'île. Le fleuve les a baptisés.
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Salon du Livre dans le stand des Outre-Mer ? 23/03/2014 .Julien Delmaire revient sur l'actualité littéraire des Outre-Mer. Les invités : Selva Almada & Laura Alcoba. Retrouvez Tropismes tous les dimanches à 11h00 sur @FranceOtv et les chroniques sur Culture Box, 'Nous Laminaires' http://bit.ly/16dDg5M.
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