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EAN : 9782362794780
115 pages
Alma Editeur (05/03/2020)
3.19/5   39 notes
Résumé :
Retourner dans le village pour vendre la maison.
Ça devrait être facile, elle ne l'a jamais aimée cette maison plantée au bord d'une voie ferrée.
C'est la dernière chose à faire, les parents sont morts. L'un après l'autre. Se sont suivis de peu, mais dans le désordre. C'est parti de là. Ou de la télé qui hurlait dans le salon.
Elle n'y est jamais retournée depuis l'accident du père. L'accident qu'on avait classé sans suite, elle ne savait pas qu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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è pericoloso sporgersi
Cela ne vous rappelle pas quelque chose, à certains d'entre vous qui ont voyagé dans les trains anciens, quand le TGV n'existait pas encore... ? J'adorais cette phrase inscrite sous la fenêtre des compartiments, elle paraissait bien plus que belle et romantique que sa déclinaison française, elle faisait bien moins peur. D'ailleurs, des chanteurs comme Serge Reggiani et Claude Nougaro ont été inspirés par cette sentence qui sonnait comme un swing et en ont fait de très belles chansons.
Pour la beauté du geste est un roman qui parle de trains qui passent, qui ne s'arrêtent jamais ou si peu, mais pas seulement...
Il est difficile de parler de ce court roman sans en dévoiler le dénouement. Aussi, j'en parlerai peu, je resterai à la périphérie, comme quelqu'un qui regarde un train passer.
D'ailleurs, l'auteure, Marie Maher, ne s'est pas trompée dans la manière de dérouler son récit. La violence grandit peu à peu au fil des pages, une violence sourde, qui se tait dans les phrases du livre, on devine à demi-mots les choses, ce qui fut, ce qui a été, ce qui vint, ce qui viendra peut-être...
Les premières pages sont celles d'un enterrement, celui du père, juste quelques temps après celui de la mère.
La narratrice revient sur les lieux de son enfance, cette ville, cette maison si proche d'une ligne de chemin de fer. Elle se souvient que les trains rythmaient les temps de la journée, on finit par ne plus les entendre à force. J'en sais quelque chose, durant mon enfance j'habitais pas très loin d'une ligne de chemin de fer. On n'y faisait plus attention. Mais lorsque quelqu'un venait dormir à la maison, il était forcément réveillé de très bonne heure par le premier train, celui qui partait de Brest pour Paris.
Pour la beauté du geste est un texte empli de pudeur et aussi d'une violence souterraine.
Il y a eu tout d'abord le décès de sa mère. La narratrice est revenue alors dans cette maison une avant-dernière fois, se confrontant à ce père autoritaire, tyrannique, qui ressemble à un mur, ou pire, car les murs au moins eux ne parlent pas...
C'est la déconstruction de la relation d'une fille et de son père...
C'est un roman tout en subtilité, tout en retenue, tout ici est suggéré, laissé à notre imagination au bord des pages, on devine les choses pas à pas, les sensations viennent les unes après les autres et reconstruisent l'histoire comme un puzzle.
C'est court, c'est intense. Derrière chaque fait divers, il y a une histoire avant et après. Celle-ci n'échappe pas à la règle. C'est un accident classé sans suite...
Et puis il y a ce chien gris qui est là encore, qui revient comme une présence fidèle...
Tandis que les trains passent dans le paysage, nous sentons la narratrice en proie à une émotion palpable lorsqu'elle revient une dernière fois pour vendre la maison de son enfance, celle qui recèle encore les bons et les mauvais souvenirs.
Sans doute le passé est douloureux, il faudra bien s'en défaire un jour ou l'autre...
L'écriture aurait-elle un effet cathartique ? Je le crois, je le ressens, je veux le croire.
C'est l'histoire d'une femme qui veut juste maintenant passer à autre chose et nous l'y aidons un peu à notre manière, avec nos mots et nos silences, tandis que le dernier train de nuit file vers Paris et que je referme les volets de ma chambre d'enfant...
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Attention au passage d'un train!

Dans un premier roman tout en subtilité, Marie Maher retrace la relation d'un père avec sa fille au moment où cette dernière revient dans la ville de son enfance pour l'enterrement.

C'est un roman qui commence par la fin. La fin d'une vie, celle du père de la narratrice qui revient dans la petite ville de son enfance pour y enterrer son père. Autour du cercueil quelques rares connaissances, quelques personnes qui ont fait le déplacement à la grande surprise de sa fille. Il y a même deux policiers. Une fois la boîte dans le trou, elle peut se laisser aller à égrener ses souvenirs.
La première image qui lui vient à l'esprit est celle des trains qui rythmaient la journée et qui passaient près de la maison qu'il lui faut maintenant vendre.
Il y avait les trains rapides qui ne s'arrêtaient pas et les trains plus lents et plus bruyants qui s'arrêtaient à la gare toute proche. Les trains qui s'arrêtaient servaient à revenir en arrière pour rejoindre la ville d'où partaient les trains qui ne s'arrêtaient pas. Un jour, elle a pris le premier puis le second, le temps de voir une dernière fois le toit de sa maison.
Elle reviendra à la mort de sa mère pour trier ses affaires, pour revoir ce père qui l'a chassée et qui maintenant lui demande son aide, lui qui ne sait même pas comment fonctionne la machine à laver.
En fait, c'est un combat qui a lieu par tâches domestiques interposées. La vaisselle dans l'évier, le sol gluant, les chaussettes qui trainent sont autant de manière d'affirmer son pouvoir, de cantonner sa fille à un rôle de bonne.
Alors quand il gesticule avec sa débroussailleuse le long de la voie ferrée, elle n'a plus vraiment envie de répondre à ses sollicitations. D'autant qu'en sortant il a renversé le seau avec l'eau de rinçage.
Marie Maher va alors réussir un subtil roman, qui suggère plutôt qu'il n'affirme, qui livre des indices, des sensations, plutôt qu'il n'assène des vérités. On imagine des années de vexations, de mépris ou au moins d'indifférence. On voit au fil des pages comment une relation peut se déliter jusqu'à ce dédain qui peut mener au drame.
Un court mais intense roman, un fait divers qui laisse des traces, une lecture que vous n'oublierez pas de sitôt. Ceux qui ont lu Avant que j'oublie d'Anne Pauly y retrouveront non seulement la même thématique mais aussi même originalité dans l'approche thématique. Mais cette fois, il se pourrait même que votre prochain voyage en train ne se fasse pas dans une douce quiétude...


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« Ça avait été autrement, avant. Avant, le père ressemblait à Elvis Presley et faisait danser sa mère sur des talons aiguilles. »
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Aujourd'hui, le père a gardé la banane d'Elvis, mais il ressemble peut-être davantage au chanteur en fin de vie qu'à celui des années de gloire.
Et si le bonhomme fait toujours 'danser' son épouse, ce n'est plus le même genre de corps à corps, plus du tout.
C'était quand, 'avant' ? Visiblement, leur fille n'a pas connu ces moments de grâce. Qu'est-ce qui a fait changer le père à ce point ? On ne l'apprendra pas, ou je n'ai pas su lire entre les lignes. L'alcool, sans doute, mais pourquoi s'est-il mis à boire au point de devenir tyrannique, cruel et violent ?
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Le récit s'ouvre sur les obsèques du père.
Sa fille n'est pas triste, plutôt soulagée, vengée. Elle lui en veut d'être mort après la mère, qui n'aura donc pas eu de répit. Elle parle de lui à la 2e personne du singulier, mais d'elle-même à la 3e personne dans les flash-back sur son enfance.
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La parole se libère sur les maris et/ou pères gros-cons, ou c'est moi qui lis de plus en plus de livres sur le sujet ? - bien que je ne sois pas (et n'aie pas été) concernée directement, pas d'inquiétude.
Ce récit intense m'a rappelé 'La vraie vie' (A. Dieudonné), en plus elliptique, énigmatique. Avec, en fond sonore, le 'bruit de la vitesse' métallique et tranchante des trains qui passent, en bas de la maison, qui filent - écho à une ambiance particulière et vertigineuse vécue chez ma grand-mère...
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J'ai craint, en commençant, d'être aussi déçue qu'avec une de mes lectures récentes, puisque l'auteur cite en exergue ces mots de Marguerite Duras :
« Ecrire, ce n'est pas raconter des histoires.
C'est le contraire de raconter des histoires.
C'est raconter tout à la fois.
C'est raconter une histoire et l'absence de cette histoire. »
('La vie matérielle', M. Duras, 1987)
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On a bien une histoire ici, et qu'importe...
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Le titre prend tout son sens à la fin (comme l'exergue).
On a envie d'applaudir, mais l'un des 10 commandements en a décidé autrement, et notre Justice (défaillante) aussi, hélas.

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• Lu dans le cadre du jury Cezam 2021 (Prix Littéraire Inter CE) - 1er livre de l'année, pourvu que les autres en lice soient aussi bons !
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Une lecture émouvante, à la tension sous-jacente, ponctuée de situations cocasses décrites avec un intelligent recul et avec humour, et puis des situations moins drôles et une atmosphère qui s'intensifie au fur et à mesure.

L'autrice revient sur les lieux de son enfance, pour l'enterrement du père. Un soulagement. On le comprend dès le début.
Sa mère est morte, la première, il y a un moment déjà. Elle, celle qu'elle aimait tant. Alors que l'autre, le père, elle l'aime moins, voir pas vraiment. Lui, elle l'appelle Pa, parce que les deux syllabes, elle n'a jamais pu. Il est un père malveillant. Il est celui qui a laissé la mère trimer, s'occuper du foyer ... Lui, il était bien trop occupé à s'en jeter quelques uns dans le gosier. Ça aurait dû être l'inverse. Elle n' aurait pas dû partir la première.

« le plus dur, c'est de ne pas regarder la pierre en face du trou, le marbre vieux rose et d'un cruel mauvais goût. Un autre nom y est gravé, en doré. Celui de ma mère morte. La vue de ce nom me ferait me fendiller de la tête aux pieds comme un vase chinois. Non seulement tu ne lui as pas donné la chance de connaître la vie sans toi mais en plus, tu vas la rejoindre pour l'éternité. La pauvre, c'est long l'éternité. Depuis combien d'années tu avais payé pour avoir ce trou ? C'est toi qui as tout organisé, bien sûr. le seul voyage que tu lui auras offert. »

Lui, il est celui qui aboie, qui grogne plutôt qu'il ne parle. Les mots qui sortent de sa bouche ne sont qu'insultes; autant d'égratignures qui marquent à jamais un enfant.

Elle a dû y retourner dans la maison de son enfance, avant l'issue funeste, pour faire le tri des affaires de la maman. Il l'a exigé. Parce que lui, ne sait pas, ne veut pas, trouve ça normal que ce soit elle qui le fasse.

Et comme on regarderait passer un train, les pages défilent vite. Sous nos yeux, par bribes, la vie de cette femme se dessine, une vie qu'on devine plutôt qu'on ne la lit. Au bout du chemin, la lumière, la possibilité d'un après ... heureux, les doigts perdus dans le long manteau de poils gris de ce nouveau compagnon à quatre pattes. La mort du père. Une délivrance. Il est temps de tourner la page.

Des phrases courtes, minimalistes et des silences pour suggérer, à pas feutrés, la douleur, la colère, la rage. Les blessures de l'enfance.

Un premier roman, court, fort, intense sur un sujet délicat. Abordé avec beaucoup de pudeur, de retenue, avec la beauté d'un geste délicat. Un roman qui m'a bouleversée. « Tu es une reine maman. » Ma reine.

« Écrire. Revenir sur les plaies pour donner à voir les merveilles sur lesquelles elles ouvrent. Écrire pour ouvrir le champ, élargir les définitions et révéler les différences de terrain, refuser le nivellement. »
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Court roman relatant l'histoire d'une femme dont on ne connaît pas grand chose, qui revient dans la maison de ses parents qu'elle doit mettre en vente, alors que son père, dernier vivant, vient d'être enterré.
On revit ses souvenirs de petite fille rêveuse entourée de sa mère, superbe femme démissionnaire, et de son père, sorte de tyran familial.
La petite fille, dans ce contexte, observe, se réfugie dans son imagination et apprend à se débrouiller très tôt.
Devenue adulte, elle se pose des questions. Sur ses parents, sur ses souvenirs, sur cette maison aussi, au pied du chemin de fer, battue par la vitesse des trains qui passent sans ne jamais s'arrêter.
Pas si facile de vider la maison, de la mettre en vente et de revivre le passé.
Je n'ai pas accroché à ce texte que j'associe plutôt à une succession de réflexions, peut-être plus proche de la nouvelle que du roman.
La narratrice et son chagrin, ou absence de chagrin, ne m'ont pas touchée.
Certes, c'est plutôt bien écrit, plutôt poétique, mais ça ne suffit pas.
Marie Maher, dont c'est le premier livre que je lis, n'a pas su me convaincre, et je suis allée au bout du roman pour la beauté du geste parce qu'il est court. Je l'aurais abandonné sinon.
Sélection Prix Cezam 2021.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Alors j'ai décidé d'écrire sur cet instant, bref et violent qui change tout, qui modifie les perspectives, celui où pour la première fois on se retrouve face à face avec la beauté. Celle qu'on ne reconnaît pas tout de suite, qu'on n'imaginait pas si rugueuse, qu'on ne voit qu'une fois qu'on lui a tourné le dos. Elle ne ressemble pas du tout au portrait-robot qu'on en avait fait. Elle n'a pas de belles couleurs, elle n'est ni douce, ni soyeuse, elle n'a pas de longs bras qui enlacent et de longues mains qui caressent. Elle fait du bruit, écorche les tissus et ne veux pas être exposée.

Écrire. Revenir sur les plaies pour donner à voir les merveilles sur lesquelles elles ouvrent. Écrire pour ouvrir le champ, élargir les définitions et révéler les différences de terrain, refuser le nivellement.
Ce qui est le plus beau dans la beauté, c'est peut-être la cruauté qu'elle demande parfois pour être touchée du doigt. Tout se paie.
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INCIPIT
Vous êtes arrivés en gare de. Assurez-vous de n’avoir rien oublié dans le train. Veuillez emprunter le passage souterrain s’il vous plaît. 12 h 05. Je vais prendre un café en terrasse dans le bar en face de la gare. Malgré la pluie. Je me mettrai sous l’auvent. J’ai froid. Je me sens bien.
Je regarde les gouttes d’eau accrochées à la bordure de la toile. Chaque goutte suspendue le long de la bande de tissu qui une fois tombée laissera la place à la suivante. La suivante qui une fois tombée laissera la place à la suivante. Qui une fois tombée laissera la place à la suivante. Qui une fois tombée. Un allongé s’il vous plaît.
Deux taxis sont garés sur le parking en face de la gare. Aucun n’a bougé depuis que je suis arrivée. Ce sont les taxis de la gare. Ils acceptent leur condition.
C’est le moment d’y aller.
Le trou me semble très grand, beaucoup plus grand que lui ne l’était.
Je regarde mes pieds, j’ai eu raison de mettre mes bottes de motard, avec ma jupe à volants, ça a de l’allure. Je me suis toujours sentie prête à affronter le monde avec ces bottes, même si aujourd’hui je n’ai plus grand-chose à craindre puisque je n’ai plus rien à craindre de toi. Je suis au premier rang, c’est normal. Au bord du trou. Autour, les gens sont rassemblés en grappes. De temps en temps un grain s’échappe d’une grappe pour s’introduire dans celle d’à côté. Des chuchotements, des raclements de gorge. Dans mon dos, les grappes n’ont d’yeux que pour moi, les têtes se tournent, les mains accrochent le bras du voisin. Est-ce qu’ils pleurent ? J’ai envie de regarder. Mes lunettes de soleil n’ont pas quitté le haut de mon nez. Personne ne voit que mes yeux ne sont pas gonflés. Pas même humides. Un homme avec une casquette noire s’avance au bord du trou, face aux gens. Il tend le bras dans leur direction, paume face au ciel, les invite à se rassembler. Les grappes se resserrent, les chuchotements s’interrompent, seuls les raclements de gorge persistent à participer.
Tu en as mis du temps pour te décider à faire ce voyage, et maintenant voilà que tu lambines pour sortir de la voiture. Tu n’as pas encore ouvert les portières. Tu arrives enfin dans ta boîte en roulant sur deux rails en métal. Ils ont l’air bien huilés, le bruit est sourd quand tu avances. Tu n’avances pas bien vite, je ne comprends pas pourquoi tu traînes comme ça. Maintenant tu fais des pauses. Tu t’arrêtes. Tu repars. Tu t’arrêtes. Tu repars. Il est trop tard pour réfléchir. Il faut y aller.
Deux grandes cordes entourent la boîte. Quatre hommes en costume noir veillent à ce que la boîte prenne la bonne direction. Tu ne vas pas encore te défiler. La boîte est maintenant tout au bord du trou. Tu n’as jamais été si près du but. Les hommes prennent les cordes dans leurs mains. On entend des nez qui reniflent un peu fort, des bouches qui laissent échapper des souffles, des doigts qui froissent des mouchoirs en papier. C’est l’heure du départ. Les quatre hommes accompagnent la boîte dans sa lente descente au fond de la terre. Tu fais un gros « ploc » quand tu arrives en bas. La discrétion n’a jamais été ton fort. Je me demande comment ils vont remonter les cordes qui sont maintenant sous la boîte, au fond du trou. Apparemment c’était prévu, les quatre hommes s’accroupissent et jettent les bouts de corde le long de la boîte. Elles resteront avec toi. Ce n’est pas très esthétique, et ça risque de te gêner, je te connais. J’ai oublié le bouquet de roses rouges que je devais distribuer aux gens pour qu’ils t’en jettent une sur la boîte. Ta sœur l’a dans la main. Elle pense toujours aux choses essentielles. Elle a le teint jaune et les lèvres serrées comme si on lui avait collé un bout de sparadrap dessus. Avec sa coloration auburn et sa mise en plis surlaquée on dirait qu’elle porte un casque orange. Elle tire une rose du bouquet et me la donne. C’est moi qui dois ouvrir le bal. Tu me fais trop d’honneur. J’avance tout au bord du trou, je l’aurais imaginé plus profond. Mon regard tombe sur le couvercle de ta boîte. Moins de deux mètres te séparent du sol. Je suis déçue, inquiète surtout. J’ai peur que tu remontes. Le groupe des grappes derrière moi s’impatiente. J’ai envie de prendre mon temps. Comme toi. Je sais que tout le monde attend mon geste. J’ai envie de les faire languir, qu’ils aient un peu pitié. Ils pourraient, ils n’ont jamais rien compris. Aujourd’hui, c’est une chance. Je balance très lentement le bras au bout duquel pend la rose rouge, comme pour prendre mon élan. Les yeux plantés dans la boîte, j’entends des pieds qui commencent à gratter la terre, des soupirs qui m’invitent à être courageuse. Je me retourne avant de le faire ou je ne me retourne pas ? Je ne me retourne pas, ce n’est pas mon genre. Allez, mon prochain mouvement de bras vers l’avant lâchera la rose. Et puis non, le suivant. Voilà. Le « ploc » de ma rose a été plus discret que le tien, un «pli» plutôt. Plic Ploc.
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La maison était entourée d'une voie ferrée. On entendait les trains qui souvent ne marquaient pas l'arrêt dans la ville. Pas d'arrêt, rien que la vitesse, et le bruit de la vitesse. Le bruit de la vitesse des trains qui me secouait et m'empêchait de dormir. Les parents pensaient que la nuisance sonore allait être un problème pour vendre la maison un jour. Moi, je pensais que ces passages dans un fracas de bruit métallique étaient un plus, il fallait juste trouver où ils se prenaient ces trains qui ne s'arrêtaient pas chez nous. Ils passaient plusieurs fois par jour, parfois trois, parfois quatre, sans jamais s'arrêter.
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La maison était entourée d’une voie ferrée. On entendait les trains qui souvent ne marquaient pas l’arrêt dans la ville. Pas d’arrêt, rien que la vitesse, et le bruit de la vitesse. Le bruit de la vitesse des trains qui me secouait et m’empêchait de dormir. Les parents pensaient que la nuisance sonore allait être un problème pour vendre la maison un jour. Moi, je pensais que ces passages dans un fracas de bruit métallique étaient un plus, il fallait juste trouver où ils se prenaient ces trains qui ne s’arrêtaient pas chez nous. Ils passaient plusieurs fois par jour, parfois trois, parfois quatre, sans jamais s’arrêter.
Il y a pourtant toujours une gare, ...
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Il s'était planté devant le plat, avait sorti les mains de son pantalon et déchiqueté la moitié du rôti avec les doigts. Il portait à la bouche des morceaux de viande et les recrachait dans son assiette. C'est dégueulasse ! Qu'es-ce que je vais bouffer, moi maintenant ? Il avait parlé. Il avait essuyé ses doigts sur son pyjama et était retourné devant la télévision. Avait encore monté le son.
Tout de suite après, il y avait eu les larmes de la mère. C'est pas grave maman, moi je le trouve bon ton rôti. Elle lui caressait la tête, ça va passer maman.

(p. 78)
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Video de Marie Maher (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Marie Maher
Pour la beauté du geste - Marie Maher Alma éditeur 2020 Lecture d'un extrait de "Pour la beauté du geste" par Marie Maher
http://www.alma-editeur.fr/pour_la_beaute_du_geste.html
Retourner dans le village pour vendre la maison. Ça devrait être facile, elle ne l'a jamais aimée cette maison plantée au bord d'une voie ferrée. C'est la dernière chose à faire, les parents sont morts. L'un après l'autre. Se sont suivis de peu, mais dans le désordre. C'est parti de là. Ou de la télé qui hurlait dans le salon. Elle n'y est jamais retournée depuis l'accident du père. L'accident qu'on avait classé sans suite, elle ne savait pas qu'on classait les accidents. Elle ne savait pas non plus qu'à dix ans, on ne redessine pas le monde avec du café sur une toile cirée. Ça devrait être facile, elle a une vie maintenant. Revenir, vendre, accueillir tout ce qui pourra la faire tenir debout. Et garder près d'elle le grand chien gris.
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