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4,23

sur 1173 notes
Le temps qu'il faut parfois pour décider de la lecture d'un livre et celui passé à le lire sont très souvent sans commune mesure. Depuis de nombreux mois, j'avais bien remarqué dans les librairies la couverture et le titre joliment évocateur du dernier roman d'Andreï Makine, lu tout l'éloge qui en était fait ici ou là, mais je ne sais par quel secret attendu, j'en différais toujours la lecture.
Celle-ci commencée, elle ne dura qu'un jour.

Livre remarquable d'une histoire qui se déroule aux confins de l'Extrême-Orient sibérien, dans le village de Tougour jusque dans l'archipel des Chantar dans la Mer d'Okhotsk.
Ici, un jeune adolescent de 14 ans fait par hasard la connaissance d'un homme seul et étrange, un certain Pavel Gartsev. S'étant rapprochés l'un de l'autre, l'homme va confier au garçon ce qu'il a vécu il y a de nombreuses années. C'était en 1952, en pleine Guerre froide.
Averti de l'évasion d'un individu d'un camp de prisonniers voisin à leur cantonnement, un groupe de cinq militaires (dont fait partie Pavel Gartsev) est mobilisé pour partir à la recherche du fuyard avec pour objectif de le ramener vivant. Ici, s'engage une longue chasse à l'homme incertaine et éprouvante, dans une nature immense et sauvage. Au bout de quelques jours, le petit groupe parvient à localiser le fuyard et à l'observer. Il est là, tout proche. Un fait singulier va alors survenir...

Par l'intrigue et l'écriture, L'Archipel d'une autre vie est un roman vraiment saisissant. Andreï Makine y fait le portrait d'un homme, qui marqué idéologiquement par le soviétisme et son époque, va au travers de l'expérience de la traque d'un prisonnier politique, se défaire de ses préjugés, de ses certitudes trop étroites pour se réapproprier dans sa dimension humaine.
Bien qu'assez sombre, ce livre m'a paru être une belle fable humaniste et spirituelle qui fait comprendre que c'est souvent au détour d'une épreuve, au bout de l'égarement que l'homme parvient à se révéler à lui-même et aux autres.
Un beau moment de lecture.
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Très belle écriture pour le livre de ce nouvel académicien.
Mais quelle lecture exigente.
Nous suivons Pavel, à travers la taïga, lors d'une longue chasse à l'homme, au milieu de cette nature hostile et totalement étrangère aux citadins français d'aujourd'hui.
C'est dur, peut-être avec des sentiments trop virils pour moi.
Nous côtoyons l'horreur dont est capable l'homme, la désespérance, la désillusion, la bestialité.
Dense, dur, mais beau. Avec cette note d'espoir que donne la réelle liberté.
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Sublime lecture, un vrai coup de coeur pour ce roman d'aventure et de passion, un magnifique et passionnant roman, servi par une belle plume vive et poétique ! Un très bel hommage à sa Sibérie natale, Andreï Makine nous retranscrit la rudesse et la beauté de la taïga; les descriptions sont envoûtantes. Il nous embarque dans une traque sans merci, angoissante, haletante, pleine de surprises et à la fois, empreinte d'une grande humanité, dans laquelle traqueurs et traqué ne sont pas à l'abri d'un retournement de situation, ou aucun n'est épargné ni par la nature sauvage ni par les protagonistes embarqués dans cette folle poursuite, et dans laquelle l'évadé extrêmement rusé défie la mort à chaque instant.

«J'assume le commandement politique de l'opération, camarade Boutov !»
Le mot «politique» bien appuyé eut son effet : celui qui donnait l'ordre ,'était plus un vague capitaine Louskass mais le représentant du régime et de sa machine répressive. Pour étayer ses paroles, il sortit son pistolet - laissant comprendre qu'il pouvait s'en servir, et pas seulement contre l'évadé.
Boutov s'immobilisa, la bouche ouverte sur un juron retenu. La peur dans laquelle le pays vivait s'incarna dans sa statue vivante : un militaire qui avait défié la mort pendant quatre ans de guerre et qui devenait un fantoche, un simple «camarade Boutov», un de ceux qu'un mot de Louskass pouvait exposer à des mois d'interrogatoires, à des tortures qui laissaient les prisonniers ongles arrachés et dents cassées, à l'agonie sous les glaces du cercle polaire...

Une traque qui prend des allures aussi de «vacances», de détente, de bonheur, des moments libérateurs, de franche camaraderie : «...la camaraderie des hommes qui frôlant chaque jour la mort, avaient besoin du regard d'un frère d'armes pour se sentir encore en vie.» Andreï Makine fait une allusion très émouvante aux traumatismes dont souffrent les soldats embourbés dans les guerres, témoins de violences trop souvent insoutenables.

«Cette nuit-là – je le comprendrais plus tard – nous étions au plus près de ce qu'il y avait en nous de meilleur.»

Andreï Makine décortique l'âme humaine; la psychologie des personnages est poussée, il met en scène des hommes confrontés à leurs démons, que nous apprenons à connaître au fil des pages. Il y a Pavel, le narrateur, à qui je me suis très vite attachée, qui fait preuve d'empathie à l'égard de ses coéquipiers et de l'évadé, Louskass, un être saturé de sang, Ratinsky, le premier de la classe, arriviste, attaché à son supérieur ...pour ne citer qu'eux. Et bien sûr, l'évadé, personnage héroïque, connaissant très bien la taïga et ses ressources ...mais je m'arrête là, au risque d'en dire trop et de vous spoiler !

L'auteur s'inquiète aussi pour notre monde, et à travers ses mots très justement choisis, le lecteur ne peut que se sentir concerné...Pavel Gartsev aspire à quitter la méfiance, la trahison, l'agressivité, la perfidie, une «vie démente déformée par une haine inusable et la violence devenue un art de vivre, embourbée dans les mensonges pieux et l'obscène vérité des guerres.» ...à retrouver la tendresse, la simplicité d'une vie. Pourquoi accepter les règles du jeu, se perdre dans l'évasion suicidaire de notre monde ... alors qu'une autre vie est possible ?

Merci M. Makine pour ce très beau et émouvant moment de lecture ! Je vous avais découvert avec le Testament français qui m'avait profondément ému...j'ai hâte de vous lire de nouveau.
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Une chasse à l'homme orchestrée par l'armée qui va durer longtemps et dont la taïga est toujours là, en toile de fond. L'intrigue est bien ficelée, dévoilant aussi les absurdités de ceux qui commandent. J'ai particulièrement aimé la liberté que se donne certains personnages. Difficile d'en dire plus, au risque de dévoiler l'histoire. Une belle aventure humaine en Union soviétique. Une bonne cuvée 2016 dont tout lecteur aurait tort de s'en priver.
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Coïncidence des lectures, je termine Moravagine pour commencer L'Archipel d'une Autre Vie. Ils n'ont sans doute en commun que d'être des romans d'aventure pleins de bruit et de fureur. Néanmoins tous deux commencent par des mises en abîme. Mais là où le premier se brise à chaque tournant que prennent des personnages hallucinés, l'autre est un roman parfaitement linéaire, mis à part le retour au souvenir de la scène initiale.

La linéarité, si elle apporte une bonne dose de suspense, peut conduire à la platitude et à l'étouffement du récit, quand celui-ci traîne en longueur. C'est à mon avis, le cas de L'Archipel d'une Autre Vie. En effet tout le chapitre VI, de la page 241 à la page 282, du " Nous allons y vivre" (le "y" se référant à l'île Bélitchy que l'on imagine comme le havre de paix de deux Robinson, ce qu'il sera effectivement alors que la guerre perdure,) au "nous allumons trois feux face à l'île de Bélitchy", de courts chapitres se succèdent et mettent une fin définitive à un récit captivant.

Le propos de l'auteur est clair. C'est un jugement moral sur notre époque, avec lequel on ne peut qu'être d'accord. Encore faut-il que ça ne soit pas aux dépens de la forme. le roman de Conrad, Au Coeur des Ténèbres, serai-il un chef d'oeuvre s'il était émaillé de considérations morales diverses? Et pourtant la dénonciation de l'esclavagisme au Congo est au coeur du roman, sous la forme d'un fleuve.

J'ai toujours beaucoup de mal avec ce qu'on peut qualifier d'"inégal" dans un roman. Malheureusement il semblerait que ce soit le mal du siècle, ou le reflet d'une époque.

Quant à la fin, c'est un peu comme au cinéma quand on se lève pour mettre son manteau, pour se rasseoir précipitamment...





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Cette traque dans la Taïga sauvage où s'estompent les lois des hommes, donne l'occasion à Makine de tisser des relations reflétant la bouffonnerie du monde entre 3 gradés ruses et leurs hommes à la poursuite d'un évadé.
Promenade-nature agréable et que veulent faire durer les militaires, tandis que le prisonnier armé ne tient pas à supprimer ces tranquilles soldats avec le risque d'une traque plus dure.


sur l'archipel des Chantars où dans le plus total dénuement il découvrira ce que signifie 'vivre'.




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Voilà un roman qui ne se lit pas à la légère!!!
C'est en effet un récit très grave, celui d'une chasse à l'homme à travers la taïga soviétique dans lequel doit prendre part Pavel Gartsev, un soldat aux convictions différentes de celles de ses camarades de mission. Il faut survivre dans cette nature hostile, tout en surveillant ses propres paroles sous peine de finir au goulag dès le retour au camp, et surtout, revenir avec le prisonnier vivant histoire qu'il soit torturé pour l'exemple, puisqu'il s'agit d'un prisonnier qui s'est évadé.
Andréï Makine entraine le lecteur dans un univers viril, dans lequel les hommes veulent "tuer pour mériter un rôle dans la bouffonnerie du monde où, depuis toujours, les hommes vivent en se haïssant". Son personnage principal, Pavel, est un peu plus "humain" que les autres et c'est son regard sur ce que Staline a fait de ses hommes qui est intéressant ici.
Le récit de cette aventure qu'il narre à un adolescent, orphelin né dans un camp est rapporté par ce dernier. Cette double voix donne encore plus de force au roman, dont on ne sort pas indemne.
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Andreï Makine nous embarque à travers les confins de la Russie dans une traque dont la seule issue pour le fugitif - évadé du goulag - doit être la mort ou la torture s'il est capturé vivant.
Le sort des soldats partis à sa recherche n'est guère enviable. Sous l'autorité d'un chef acariâtre qui ne supporte aucune contradiction, les membres de l'équipe savent que la réussite de la mission n'est pas négociable. S'ils rentrent au camp bredouille, ils seront enfermés, torturés et peut-être même exécutés.

Andreï Makine nous conte une aventure humaine presque un récit initiatique.

C'est à travers la voix de Pavel Gartsev un des jeunes soldats de la troupe que nous suivons cette chasse à l'homme.
Pavel comprend vite qu'en cas d'échec il servira de fusible. Il sera celui qui aura fait échouer cette mission.

Les émotions de Pavel évoluent avec les jours. D'abord convaincu, le doute s'installe quant à l'utilité de cette traque. Bientôt c'est presque de l'admiration que Pavel et un de ses compagnons ressentent pour ce fugitif qui leur échappe sans cesse, qui sait parfaitement se débrouiller dans cet environnement hostile. Bien mieux qu'eux d'ailleurs. Qui est donc ce fugitif pour avoir cette expérience de la vie dans la taïga ?

La traque se prolonge, les jours passent et l'hiver arrive.
Les torrents tumultueux, le froid, les animaux sauvages, l'immensité des paysages et la solitude vous enveloppent au fur et à mesure de la lecture.
Les feux allumés par le fugitif chaque soir deviennent le point de repère quotidien de cette troupe qui s'essouffle.
Pavel comprend qu'il n'est qu'un pantin à la solde d'un pouvoir tyrannique.

C'est magnifique, puissant, enivrant, et attachant.




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Couvrez-vous bien, prenez de bonnes chaussures, armez-vous de patience et de courage (en plus de votre fusil !), et en route.
Attention, la Sibérie stalinienne des années 50, c'est pas vraiment le Club Med ! Arrestations arbitraires, goulag, sévices en tous genres ... pas de quartier pour les "ennemis du peuple".

Votre mission puisque vous l'acceptez : rattraper un mystérieux fugitif évadé d'un camp, qui menace à lui seul la stabilité de la grande Russie !
Cinq hommes, parmi lesquels le modeste soldat Pavel Gartzev, sont déjà à ses trousses, mais le fuyard se joue d'eux. Dans l'immensité désertique de l'extrême orient soviétique, la traque s'éternise, exacerbe les tensions et révèle au grand jour les personnalités discordantes de chaque poursuivant, dévoilant notamment leurs plus viles bassesses. Entre humanité et sadisme, bravoure et couardise, altruisme et fourberie, tous ne sont pas logés à la même enseigne...
Bientôt, Pavel et son ami Vassine commencent à mettre en doute le bien-fondé de cette chasse à l'homme, qui tourne au fiasco comique. Grisés par les grands espaces, les deux hommes se prennent à rêver eux aussi de liberté .

Entre la proie et ses pisteurs se noue alors une relation bien singulière, faite de silences et de signaux lumineux par feux de camps interposés. La plume magistrale d'Andreï Makine nous invite à suivre ces aventuriers solitaires à travers la taïga, hors du temps et loin des turpitudes humaines, jusqu'à l'archipel des Chantars. Un bout du monde d'une beauté inouïe, un paradis perdu et encore préservé, propice à une véritable introspection.

Là, Pavel va tout faire pour démolir son "pantin" intérieur, ce carcan malsain qui nous habite tous et qui trop souvent nous entrave, diffuse en nous convoitise, lâcheté, égoïsme, orgueil ou résignation...
Il le sait désormais, et nous avec lui : une autre vie est possible, loin du monde dit "civilisé", de la guerre froide, de la menace nucléaire latente et des purges staliniennes. Ne plus se contenter d'exister, vivre enfin !

Voilà donc une aventure épique, doublée d'un hymne vibrant à la liberté et d'une célébration splendide de la nature, aussi hostile qu'envoûtante : il ne m'en fallait pas plus pour dévorer d'une traite ce superbe roman et pour me délecter de cette échappée sauvage très revigorante, en écoutant craquer les pas de Pavel sur le manteau neigeux.
"Oui, juste la décantation suprême du silence et de la lumière."
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Un magnifique récit dans lequel Makine cisèle ses mots pour décrire une nature pour le moins rude (la Sibérie en hiver) et des hommes pris au piège d'un système totalitaire.
L'archipel d'une autre vie explore les tréfonds de l'âme humaine tout en décrivant une chasse à l'homme à la façon d'un thriller dans une nature vierge et sauvage.
C'est magnifique !
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