Immobilisé, "sans aucun contact" avec l'extérieur pour quelques jours d'hospitalisation, je viens d'en achever la lecture.
Le style tout en phrases concises au sein de courts paragraphes, regroupés eux-mêmes en chapitres de 4 ou 5 pages, rarement plus, est assez percutant. Néanmoins, la langue de facture assez soignée, épurée, entrelardée de mots empruntés au "parler banlieue" ou au verlan, tout à fait incongrus, me semblait un peu artificielle.
Tout au moins dans la première partie du livre.
Connaissant un peu la vie des centres dont parle Fabien (le prénom de
Grand Corps Malade) pour avoir fréquenté moi-même ce genre d'établissement à la suite d'un accident de voiture qui m'a amené dans le service « TC » de l'hôpital Hélio-marin de Berck, j'y ai reconnu l'univers dont parle l'auteur, même si ma petite expérience n'a fort heureusement rien à voir avec les cas dramatiques décrits.
Et fort bien décrits d'ailleurs, la vie quotidienne d'un handicapé lourd, des détails les plus triviaux aux moments cocasses.
De l'humanité de beaucoup à la bêtise de certains praticiens.
De l'importance d'un kinė "doux et expérimenté" à l'ingéniosité de l'ergo thérapeute.
On passe très vite (trop vite?) d'un patient à l'autre sans pouvoir s'attarder, s'attacher.
La seconde partie, lorsqu'il abandonne les "relou" "rebeu" et autre "fais chier" (qui semblent insérés un peu par coquetterie identitaire) et qu'on s'attarde sur quelques destins, est nettement plus intéressante, plus sensible, plus émotionnelle.
Le style devient plus généreux,l'empathie devient possible, les histoires de vie plus fortes, de la belle Samia au désespéré Eddy.
Au final, un beau livre, indispensable témoignage pour rappeler que chaque être humain, valide ou handicapé, est avant tout un être humain avec son caractère, son histoire parfois douloureuse.
Enchaîner quelqu'un à ce vocable « handicapé » c'est le réduire, lui nier cette humanité.