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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Parcourir quarante années d'existence d'une famille allemande, de son apogée à son déclin, est un exercice plutôt plaisant.
D'abord pour l' « effet saga », cette impression de s'immiscer en hôte invisible dans l'intimité de ce que cachent les murs des maisons privées, et à chaque reprise de lecture, de retrouver la lecture en cours comme on se glisse dans une bonne paire de vieux chaussons, confortables par habitude.

Nous sommes donc en Allemagne au milieu du dix-neuvième siècle, les affaires sont prospères pour la famille Buddenbrook, dont l'activité de négociants habiles fait la renommée, au point de s'enorgueillir pour le pater familias du titre de consul. le patriarche règne sur ses descendants et tout est sous contrôle.

Pourtant, on perçoit déjà prémisses d'une chute future, dans la conduite fantasque de l'un des héritiers, et quelques choix trop hasardeux d'unions maritales qui auraient dû contribué à consolider l'image de marque de la famille amorcent le déclin. de tout petits grains de sable dans les rouages, dans un contexte global instable sur le plan économique et politique à haut risque.

Nous avons donc une galerie de portraits, les parents, les enfants mais aussi la famille proche et les pièces rapportées, de personnages nombreux dont l'auteur dresse avec subtilité les portraits, de telle sorte que jamais le lecteur ne sera perdu : une particularité physique, un sourcil blond un peu plus haut que l'autre, une lèvre charnue ou des jambes torses viendront à chaque fois rappeler au lecteur à qui il a affaire. Et ces indices ne manquent pas d'humour.

Le récit est de temps à autre évoqué dans son contexte politique, mais l'accent est mis avant tout sur la psychologie des personnages.

Si le déclin annoncé poursuit inexorablement son travail de sape sur la dynastie Buddenbrook, l'auteur n'accable pas un personnage ou un contexte, c'est le résultat d'une convergence de circonstances, de malchances et parfois d'erreurs. Déclin d'une famille mais aussi déclin d'un modèle économique qui n'en finit pas d'agoniser.

J'ai beaucoup aimé les allusions à la médecine si démunie de cette époque, qui voit se succéder deux praticiens, d'habilité très différente, mais aussi inefficaces l'un que l'autre, tant le manque de moyens thérapeutiques est criant. La description clinique de la typhoïde est un morceau d'anthologie.


Plus de 800 cent pages, mais une lecture plaisante, portrait d'une époque révolue.

Lecture commune de la Caverne des Lecteurs

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Tout comme la Montagne magique que j'ai découvert, il y a quelques mois, les Buddenbrook lu aujourd'hui, ces deux romans sont exceptionnels et leur longueur n'en sont pas effrayantes. Bien au contraire, on aimerait tant que cela n'en finisse pas.

C'est en allant, il y a quelques années à Lübeck, où j'ai visité la maison Buddenbrook, transformé en musée que j'ai eu envie de lire l'histoire de cette famille hors pair que constitue les Buddenbrook.

L'histoire se déroule sur quatre générations mais elle est surtout centrée sur la troisième avec quatre enfants. Les deux frères : Thomas et Cristian, deux soeurs dont l'éclatante Antonie.
Cette famille s'inscrit dans la bourgeoisie, de très riches négociants en grains exerçant dans la ville de Lübeck que Thomas Mann parvient à nous décrire de façon si parfaite, décrivant les moeurs, les codes sociaux de cet type de société bourgeoise.
Les premières, à qui cette bourgeoisie de commerçantsfait offense, ce sont les femmes.
Qu'ont-elles à faire de leur vie sinon à se marier et engendrer des descendants mâles poursuivant la lignée de leurs pères ?
D'où mon attachement sans doute à Antonie, surnommée Tony, jeune, ravissante, elle aspire à une vie pleine de douceurs, peut-être même visant l'aristocratie, malheureusement, son destin est dicté par l'intérêt bourgeois et mercantile de la famille.
Elle se voit " contrainte" d'épouser un commerçant cupide qui fera faillite, ne sauvant son honneur qu'en divorcant et retournant chez les siens. Une deuxième tentative de mariage avec un Munichois échouera lamentablement, c'en est fini d'être " une oie" et toutes ses illusions s'enfoncent dans la morne vie d'une ville qui la rejette.
Que dire des deux frères ? Thomas, l'aîné reprend le flambeau du commerce familial, gagne les honneurs de cette société en devenant consul puis sénateur.
Son frère Cristian lui est tout de suite le vilain petit canard, celui qui ne "fait qu'écouter ses états d'âme".
Thomas Mann reste un grand maître dans l'art de disséquer les coeurs et sonder le tréfonds des âmes. On est fasciné par cette écriture qui cisaille les coeurs de nos héros. Personne ne peut échapper à ce qui vous tiraille, vous pénetre. Même Thomas qui jette l'opprobre sur son frère cadet, est lui aussi atteint du même mal qui les rongent.Celui de ne pas être à sa place, vivre dans les faux-semblants, de ne pas se comprendre.
Thomas Mann nous conduit par le biais de ses personnages à une introspection qui donne à réfléchir sur des thèmes qui lui sont chers.
Une place particulière dans le roman est faite à la musique, par la femme de Thomas qu'elle transmet à son fils Hanno. Thomas Mann nous guide dans cet univers musical qui transforme les coeurs et peut porter au sublime.

Lire l'oeuvre de Thomas Mann, c'est une joie sans faille, une sensibilité exacerbée, un pur moment de bonheur.
Et, j'ai bien de la chance car d'autres titres m'attendent encore.
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Volontairement je ne mentionne le nombre de pages... Oui, c'est un pavé qui m'a effrayé un moment. Et pourtant, une fois les premières pages passées, le plaisir de lecture était au rendez-vous ainsi que l'envie de passer très rapidement à la page suivante Un bon choix finalement d'avoir découvert cet auteur à travers une oeuvre très brève telle que Tonio Kröger puis, après avoir apprécié le style et le contenu de ce roman, de passer au plat principal. La chronologie voudrait l'inverse, de commencer par Les Buddenbrook écrit deux ans avant Tonio Kröger et présentant l'histoire plus ancienne de cette famille bourgeoise allemande dans laquelle l'auteur raconte beaucoup de lui-même.

Paru en 1901, voici une oeuvre classique que je suis ravi d'avoir découvert. Il y a tant de thèmes dans le récit de ces vies successives. Superbe performance de l'auteur de tisser ainsi le fil de ces générations sans perdre le lecteur en route. Les personnages du roman sont très nombreux et je suis admiratif du talent de l'auteur pour ne jamais lasser son lecteur. La division du livre en onze parties et ensuite en petits chapitres à l'intérieur de chaque partie facilite la lecture. C'est une sorte de tourbillon, l'impression d'une succession de nouvelles avec une présentation attirant la curiosité, puis un développement aux descriptions précises, à l'étude psychologique fine, avant une chute surprenant le lecteur à chaque fin de chapitre.

Le style est musical, fait de retours, de leitmotivs. On ne s'ennuie pas à lire cet énorme livre (oui je vais le dire maintenant : 758 pages ...) tant l'auteur trouve d'humour, de dérision, de tournures pour décrire des situations parfois heureuses mais le plus souvent tragiques. Il force le trait, quelquefois jusqu'à une certaine férocité et maintient le lecteur dans cet état de spectateur ébahi, comme au spectacle de théâtre que Christian Buddenbrook puis le jeune Hanno aiment tant. Tout cela dans des contrées où il semble pleuvoir ou neiger continuellement, renforçant l'intensité dramatique.

Naissances, mariages, décès se succèdent, agrémentés par les mesquineries, les jalousies telles que la vie des hommes regorgent bien souvent. Certains passages sont d'une virtuosité absolue et se détachent encore de l'ensemble. La demande en mariage de M. Grünlich à Antonie Buddenbrook, le retour à la maison du fier consul Kröger après « la révolution », la perfidie de Grünlich pour s'enrichir aux dépends de tous, la passion de Hanno Buddenbrook pour la musique, la charge des responsabilités économiques et politiques de Thomas Bruddenbrook, la somptueuse fête de Noël dans un temps révolu, la classe puis l'improvisation au piano de Hanno, les effets de la typhoïde et les moyens médiocres des médecins à cette époque dans les années 1850-1900 face à la maladie. L'énergie dégagée par ces ancêtres, appartenant à une riche bourgeoisie, est colossale et les efforts pour maintenir ce rang tout aussi prodigieux. Et pourtant, tout échappe, tout change dans un avenir de plus en plus imprévisible.

Pourquoi lire 120 ans après sa publication un roman sur l'histoire du déclin d'une famille allemande au dix-neuvième siècle ? Pour plein de raisons dont bien sûr le plaisir de lire une oeuvre magistrale dans sa composition et sa rédaction. Mais pas seulement ! On a là un témoignage historique puissant, d'un auteur qui est issu de cette bourgeoisie ayant connu ce déclin. Il dresse le tableau d'un capitalisme bourgeois cherchant une issue à la concurrence effrénée existant déjà à cette époque, voyant monter les revendications ouvrières, et dont l'issue sera malheureusement, pour résumer en quelques mots, deux épouvantables guerres mondiales et l'enfer du nazisme.

On a pu visiter cet été des châteaux, des maisons bourgeoises, s'imprégner des atmosphères d'époque. Ici, dans ces pages merveilleuses, Thomas Mann donne vie à l'intérieur de ces maisons et fait s'agencer les évènements familiaux, l'histoire et les idées qui ont façonné cette séquence de temps. Toutes raisons qui font qu'ouvrir ce livre peut être une belle et bonne idée. Après avoir terminé, sans beaucoup de pauses, cette saga racontant le déclin d'une famille allemande sur quatre générations, subsistera l'émerveillement de découvrir un peu plus, un écrivain allemand rivalisant de virtuosité littéraire avec des auteurs tels que Balzac ou Zola.

Thomas Mann (1875 – 1955) a mis dans ce roman beaucoup d'éléments de sa jeunesse à Lübeck. Il avait lui-même séjourné à Munich, à 17 ans, à la mort de son père en 1891, un riche négociant en grains dont il devait prendre la suite – Dans Les Buddenbrook, c'est Tony la bouillante soeur de Thomas Buddenbrook qui suit son mari dans ce sud aux coutumes bien différentes de celles de Lübeck –. Au départ, il a écrit sur son milieu, la bourgeoisie allemande, puis sur l'Europe avant que l'histoire ne l'incite à aller plus loin dans l'engagement. Sont exprimées avec force dans ce récit les tensions en rapport avec un père allemand appartenant à l'élite commerçante et politique, et une mère germano-brésilienne plutôt mondaine et artiste. Il a eu le prix Nobel en 1929 pour ce roman ayant connu un grand succès. Exilé aux États-Unis en 1938, il a été la voix au plus haut niveau, avec ses enfants Klaus et Erika, d'une Allemagne refusant le nazisme.

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Retrouvez cette chronique sur mon site Bibliofeel afin de lire en écoutant L'adagio de la sonate N.5 op.24 de Beethoven avec au piano Iyad Sughayer et la merveilleuse Esther Abrami au violon. Version tout à fait en accord pour moi avec un des très beau moment du livre (parmi une multitude d'autres...). P 747 : "On dînait à quatre heure. Gerda Buddenbrook, le petit Johan et Mlle Clémentine étaient seuls. Plus tard, Hanno disposa tout au salon pour y faire de la musique et attendit sa mère au piano. Ils jouèrent la sonate op. 24 de Beethoven. A l'adagio, le violon chantait d'une voix d'ange, mais Gerda éloigna le violon de son menton, le posa d'un air mécontent, le regarda avec méfiance et déclara qu'il était mal accordé. Elle ne voulut plus jouer et monta se reposer."
La belle couverture de cette édition est aussi présentée dans une composition personnelle réalisée au festival des jardins à Chaumont sur Loire...
Lien : https://clesbibliofeel.blog
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Un livre que l'on ne peut lâcher une fois entamé.
Thomas Mann entraîne le lecteur tout au long du XIXè siècle au sein d'une famille de riches négociants d'Allemagne du Nord.
Les turbulences de l'histoire ne sont certes pas oubliées, mais cette oeuvre est avant tout, par le biais d'une histoire familiale, une évocation précise, très documentée et passionnante de Lübeck, capitale de la Ligue Hanséatique.
Porte ouverte vers la Baltique et le commerce avec la Scandinavie et la Russie, cette ville indépendante est dirigée par ses notables, ce qui explique l'importance des familles de commerçants, véritablement maîtres de leur sort et dirigeant la ville, dans laquelle les Buddenbrook tiennent le haut du pavé depuis un siècle !
Ils sont les représentants emblématiques de cette puissante bourgeoisie protestante d'Allemagne du Nord, commerçants ne vivant que par et pour le travail : " travaille, prie, épargne" dit l'un d'eux à son descendant.

Thomas Mann, lui-même issu de cette bourgeoisie, sait de quoi il parle en racontant ce siècle, qui marque l'apogée de la puissance de cette caste, tout en annonçant l'amorce de sa décroissance.
Il le fait en développant une somptueuse mécanique littéraire d'une précision d'orfèvre, qui entraîne le lecteur dans un véritable éblouissement, en lui présentant une galerie de personnages minutieusement campés et superbement évoqués, qu'il s'agisse de Johann Buddenbrook, son épouse Elisabeth, et ses enfants Thomas, Tony et Christian ainsi que le petit Hanno, ultime représentant de cette lignée.

Oh, combien amusant ce médecin qui préconise "une aile de poulet et un échaudé" pour combattre une infection,
et, combien touchante, cette institutrice aimante, la douce Sesemi, qui répète incessamment à ses élèves : "sois hureux, mon bon onfon"

Magnifique, le repas de Noël, auquel le lecteur participe, car, il déployait ses fastes au sein de "la salle tout entière, qu'emplissait l'arôme des branches de sapin surchauffées, rayonnait et scintillait d'innombrables petites flammes", alors, lui, le lecteur croit que tous les fabuleux cadeaux sous l'arbre de Noël,sont à sa portée !

Remarquable, la très longue scène d'agonie de l'un des personnages, dans laquelle le lecteur souffre aux côtés du malade et partage avec lui les affres de la mort proche.

Mais la cohésion familiale va peu à peu se diluer dans les querelles fraternelles et les incompréhensions générationnelles... et le lecteur va appréhender l'inéluctable déliquescence de cette famille et de la caste qu'elle représente !
Tellement brillant que l'on reste sans voix !
Oui, c'est indéniablement un des chefs-d'oeuvres de la littérature du XXè siècle, alors lisez-le !
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Les Buddenbrook, le déclin d’une famille (Buddenbrooks - Verfall einer Familie).

Port de la mer Baltique, capitale et riche héritière de la ligue hanséatique qui régna sur le commerce en Europe du Nord jusqu’au XVIIe siècle, Lübeck est encore une ville prospère entre 1835 et 1877. Sur cet îlot à la confluence de la Wakenitz et du fleuve Trave, les marchands défendent encore jalousement leurs privilèges.

Thomas Mann naît à Lübeck en 1875, dans une grande maison à la façade baroque sur la Mengstraße. En été les familles bourgeoises se retrouvent dans la station balnéaire de Travemünde à l’embouchure du fleuve.
Son grand-père Johann est un riche marchand de grain et politicien, qui épousa en seconde noces Elisabeth Marty, fille d’une autre riche famille influente de Lübeck. Son père Thomas Johann est le plus riche marchand de Lübeck et un sénateur proéminent. Sa mère Júlia da Silva Bruhns, est la fille d’un planteur de canne à sucre allemand et d’une brésilienne, fille d’immigrants portugais ; née à Parati, près de Rio de Janeiro, elle n’a que six ou sept ans lorsque son père renvoie ses enfants en Allemagne mais reste très attachée à ses souvenirs d’enfance. Le couple Mann-Bruhns est dit mal assorti.
Les cinq enfants du couple n’auront pas le sens des affaires et préféreront le théâtre et l’opéra, comme leur mère. A la mort prématuré du père, l’héritage sera rapidement dispersé, les deux sœurs se suicideront alors que deux des frères se mettront à écrire des romans et des pièces de théâtre.

Roman très fortement biographique comme vous l’aurez compris, Les Buddenbrook paraît en 1901, c’est alors le premier roman d’un auteur de 26 ans. Il est l’observateur sans concession de son propre milieu naturel, social et politique. Sa description autant physique que psychologique des personnages est connue pour rappeler des romanciers tels que Balzac ou Zola.

C’est pourtant un roman des frères Goncourt, Renée Mauperin, qui aurait décidé Mann à se lancer dans l’écriture. Jeune fille bourgeoise moderne et artiste du XIXe siècle, Renée Mauperin cherche à secouer le joug des convenances mais passera sa vie à composer avec les bassesses et l’arrivisme de son frère.

Dans la dynastie bourgeoise des Buddenbrook, l’énergie et les qualités marchandes des ancêtres disparaissent avec l’affaiblissement physique des membres de la famille et l’affirmation de leur culture intellectuelle. Les exigences d’une vie de marchand bourgeois et d’artiste y sont inconciliables.

Le récit est construit essentiellement autour des quatre enfants :
- Thomas, le fils qui reprendra les affaires et qui épousera une musicienne d'une riche famille d'Amsterdam dont il aura un fils, le petit Hanno, enfant chétif qui ne montrera aucun intérêt pour les affaires et qui mourra prématurément.
- Christian, le second fils, qui sera incapable de travailler ou de trouver sa voie. Il fréquentera les artistes et accumulera les dettes.
- Antonie, Tony, qui se veut la dépositaire de l'honneur familial et qui par obligations sociales, renoncera à la possibilité de mener une vie simple et heureuse avec un médecin et fera deux mariages ratés.
- Et enfin la très pieuse Clara qui partira vivre à Riga avec un pasteur et mourra de tuberculose.

Les passages du roman qui se situent dans la station balnéaire de Travemünde ne sont pas sans rappeler un tableau impressionniste, par cette capture d’une vie simple baignée de lumière nordique, de moments libres et heureux au bord de la mer, en contact étroit avec la nature, où les émotions trouvent leur place.

Le chapitre V de la dixième partie m'a particulièrement interpellé par sa profondeur.
Les influences de Schopenhauer, Nietzsche et Wagner sont incontestablement très présentes tout au long du livre.

Cette chronique de famille a fait l’objet de plusieurs adaptations au cinéma et au théâtre. Le livre est bien plus complexe et profond que les adaptations cinématographiques.

- Challenge PAVES 2015 -
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Décadence d'une famille du XIXème siècle.
Décadence non due à des tares hériditaires (conception de Zola) mais issue d'une évolution de société tant économique que dans la préhension intérieure de la vie pour les descendants du fondateur de la dynastie.

Par paliers, chaque génération creuse un fossé entre l'intransigeance, la sévérité, l'importance du rôle à tenir et l'évolution qui leur échappe.

Il y a « combat » entre ce qu'il faut maintenir, la raison contre tout et notamment dans le dernier portrait de Johann (Hanno) dont l'âme artistique, trop sensible ne peut correspondre aux exigences d'un milieu de haute bourgeoisie commerçante qui n'a aucune considération pour l'art si ce n'est un amusement…

D'autres figures du livre racontent aussi des vies broyées.
Un frère qui somatise? jusqu'à la destruction, un autre rejeté car il ne s'est pas marié dans le milieu qui correspond, les femmes mariées sans amour, pour leur dot et l'aura qu'elles apporteront à la famille par cette alliance qui n'est que cruauté morale et/ou physique et d'autres exemples édifiants…
La soeur qui accepte son sacrifice car le nom de la famille importe plus que tout et se traite de sotte donne une idée de ce que fut la place de la femme en ces milieux où l'on se marie par intérêt.

Une religion étouffante, humiliante, présente jusques en ses parasites qui défilent du temps du consul, une religion qui broie, culpabilise, attise la peur et pèse sur les consciences.

Une société dans la société, parfois méprisante, souvent hautaine et qui s'épie entre elle, se concurrence, où le paraître se marque et dans les vêtements, les maisons, les paroles, les masques qu'elle porte et adapte selon les situations.

Une saga riche, porteuse de réflexions philosophiques, de recherches et de mal-être (avec peu de remises en question), de sacrifices sur fond évoqué de l'histoire allemande du XIXème siècle raconte les faits et gestes et la difficulté d'être dans cet étouffoir d'une bourgeoisie aux codes marqués et exigeants.
Le chapitre évoquant le collège que fréquente Hanno est particulièrement exemplatif de l'éducation prussienne militaire qui se dessine fin XIXème.

L'humour ne manque pas dans l'observation implacable et lucide de Thomas Mann.
Ce livre, classique de la littérature allemande, raconte certes les moeurs d'une époque mais on y trouve quantité de petites phrases ou moments qui racontent l'homme dans l'éternité de ses ambitions de puissance et de domination.
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Il m'a fallu deux essais pour réussir à entrer dans cette oeuvre mais l'effort en vaut la peine. Si au premier abord les Buddenbrook peut sembler parfois un peu ardu, c'est un livre profondément riche sur de nombreux plans.
La peinture des personnages est une merveille, ils sont d'une humanité extraordinaire, rendus vivants comme dans peu de romans, et cela qu'il s'agisse d'Antonie, fraîche et vivante et se laissant enchaîner à ses obligations sociales par orgueil familial, de Hanno, dernier des Buddenbrook, rêveur et complètement inadapté au monde qui l'a vu naître en passant par toute la famille... Thomas Mann peint avec talent une classe sociale qui s'emprisonne elle-même dans ses obligations, et n'oublie ni l'ironie, ni la tendresse pour ses personnages. le texte en lui-même est de toute beauté, que l'auteur décrive des paysages, qu'il esquisse les bouleversements de 1848 en Allemagne, vu par ses personnages par le petit bout de la lorgnette, qu'il parle de l'art ou de la complexité des rapports familiaux.
Ce roman mérite décidément sa réputation de classique de la littérature allemande et mérite d'être découvert et redécouvert.
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Le plaisir de lire Thomas Mann. Une écriture chatoyante, colorée, époustouflante, ironique, clins d'oeil bienveillants souvent, parfois un brin sarcastiques.
Une écriture qui peint véritablement les scènes de vie, tels les tableaux des grands peintres flamands du XVIIème siècle.

Les Buddenbrook : lu dans la version brochée de Fayard : une édition cochonnée, je ne peux pas le dire autrement, les relecteurs ayant été absents, ou fatigués, ou étourdis. Des coquilles trop nombreuses, Gerda devenant Greda, à plusieurs reprises, je, devenant ii, comme c'est amusant et bien d'autres.
Abordons ce roman. L'histoire de Thomas principalement et de sa soeur Antonie, dite Tony. Deux personnages exceptionnels dans une société encore patriarcale. Dans une Allemagne non unifiée, partagée entre des principautés, des royaumes - celui de la Prusse - , des duchés, un empire (austro-hongrois) et les villes libres, les grands ports hanséatiques, Lubeck, Hambourg, les cités commerçantes, actives, dynamiques au statut économique et politique particulier. Thomas Mann effleure le sujet. le roman se clôt au moment de la réalisation de l'unité allemande dans le second empire et y met en parallèle le déclin de cette dynastie de commerçants. Une histoire qui se termine, au moment où naît une nouvelle Allemagne, impériale, ... qui n'a pas me semble-t-il le goût de l'auteur.
Thomas porte sur ses épaules une entreprise fondée par son grand-père, d'une fratrie de quatre enfants, mais des deux garçons, il est le seul à pouvoir ou devoir reprendre et transmettre. Ce fardeau qu'il assumera jusqu'à l'usure fatale, l' empêche de s'épanouir, de se réaliser, de penser à lui, bref d'être libre et heureux. Ce qui lui manque c'est sans aucun doute la liberté. Il est entravé, contraint, obligé, lui le maître est aussi le serviteur de traditions, de bienséances.
Est-ce que Thomas Mann ne nous délivre pas alors ce message : l'accumulation des richesses, la transmission, le respect des traditions, les règles, le devoir familial - la soeur Tony est exemplaire à ce sujet, elle sacrifie son "bonheur" et sa "liberté" au nom de la famille, de la tradition, du devoir -, sont autant de freins à la liberté et à l'épanouissement individuel ?
Son Thomas Buddenbrook est victime de ses propres chaînes : la famille, le capital familial, l'entreprise, le diktat du progrès, le devoir, la bienséance, etc... il ne s'en libère pas, n'essaye même pas. Mais il meurt ainsi.
Ce n'est pas tant le déclin d'une famille, qu'un cri qui s'élève contre les entraves sociales, politiques et morales.
Ce roman-fleuve se lit comme se déguste une verrine délicate mais précise.
Passé le premier chapitre, que j'ai lu deux fois, avant de passer à la suite, on entre dans cette famille et dans cette histoire, passionnément, avec un attachement presque fébrile. Ils sont là tous, détestables, aimables, pitoyables, pathétiques, et Thomas Mann nous donne une envie furieuse de ne pas les quitter. Tous les portraits sont excellents, succulents, drôles, voire comiques car grotesques, sans concessions, d'une précision d'horloger, de peintre pointilliste.
Et lorsque j'ai refermé le livre, j'ai regretté qu'il n'y ait pas une suite, tant le plaisir est immense.


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Dans la série des panoramas du 19ème siècle, la version allemande. le milieu social est celui des dominants, en l'espèce une famille de riches marchands de Lubeck: les Buddenbrock. Mais cette belle saga du siècle dernier est le témoignage d'un monde révolu. le thème est celui du déclin. C'est classique, très bien écrit, et superbement observé. Il faut dire que le milieu décrit est celui de l'auteur. Un plaisir à lire.
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Encore une fois je suis tombée sous le charme de la plume et des histoires de Thomas Mann.
Ce roman est complètement différent du Docteur Faustus et de la montagne magique. Ici par de réflexions philosophiques ou de longs monologues. Pour cela, je l'ai trouvé plus facile à lire. L'écriture, les sujets, l'atmosphère aussi me sont apparus différents.
Il s'agit d'une saga familiale se déroulant dans la deuxième moitié du 19e siècle. C'est un état des lieux, une description de la vie aristocratique à cette époque. Une critique ou une chronique de l'époque.
J'ai trouvé une ressemblance avec Emile Zola dans la description méticuleuse et précise de cette société. C'est une véritable fresque où est exposée la déchéance du niveau de vie, du pouvoir et de la richesse. Mais aussi en ce qui concerne la filiation, la généalogie et la dégénérescence, l'apparition de maladie (sujet cher à Zola qui est présent tout au long des Rougon Maquart tout comme la description de la société).
Une lecture fascinante et envoutante pour laquelle il est difficile d'en sortir.
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