Le petit Alberto est un entretien entre
Alberto Moravia et
Dacia Maraini, écrivaine et deuxième femme de l'auteur. Celle-ci lui pose des questions sur son enfance et la naissance de sa vocation d'écrivain.
Moravia ne parait pas avoir toujours envie de répondre et les questions sont parfois insistantes, voire intrusives, surtout celles qui concernent la mère de l'écrivain et les relations qu'il entretenait avec elle.
Dacia Maraini semble vouloir l'entraîner sur le terrain de la psychanalyse mais l'écrivain n'est pas prêt à jouer le jeu. Il répond simplement aux questions, de manière assez factuelle, sans vraiment entrer dans les confidences.
Il nous relate une vie bourgeoise dans une famille installée à Rome dont le père architecte était originaire de Venise et la mère dactylo au moment de son mariage était issue d'une famille modeste d'Ancône. Il nous propose deux portraits assez fascinants de ses parents : le père, secret, sauvage, qui ne parle à personne et que l'on qualifierait aujourd'hui de "psychorigide", s'emportant au moindre incident, et la mère, en quête de respectabilité et de conformisme, velléitaire et un peu mythomane, qu'il compare à plusieurs reprises à Emma Bovary.
Moravia se décrit comme un étranger dans cette famille qu'il considère comme normale, lui étant, à ses yeux, anormal. Il est doté d'une hypersensibilité qui, paradoxalement, l'amène à se couper des autres et à leur être indifférent,
Les indifférents étant le premier roman qu'il publie à l'âge de 19 ans, sans avoir pratiquement jamais été à l'école.
On se demande, à la lecture de cet entretien, sur quoi repose la genèse d'un écrivain aussi talentueux : une enfance solitaire dans une famille atypique, une longue maladie qui l'a tenu éloigné du système scolaire, un goût précoce pour la lecture, l'histoire et les histoires, les langues - le français était parlé à la maison -, un rapport particulier au temps, à l'espace et à la réalité ?
Si l'entretien avec
Dacia Maraini ne nous donne pas de réponses et nous laisse un peu sur notre faim, celui qui sert de postface avec René de Cecatty son interprète, bien que court, a plus de profondeur. Il se rapproche de sa Brève autobiographie littéraire, rédigée également sous la forme d'un entretien.