J'ai découvert Carole Martinez grâce à La Terre qui penche que j'ai adoré. J'ai donc débuté ma lecture du Domaine des Murmures avec appétit.
J'ai retrouvé avec plaisir le style particulier de l'auteur, me délectant de chaque tournure de phrase.
Nous sommes en 1187. La jeune Esclarmonde doit épouser Lothaire, un sauvage qui prend plaisir à violer de jeunes vierges dans les talus. Esclarmonde ne veut pas de ce butor et décide de devenir Recluse en consacrant sa vie à Christ. Elle demande à son père de bâtir une chapelle à la gloire de Sainte-Agnès qui, comme elle, avait refusé de se marier.
Après sa mise au tombeau, Esclarmonde devient une sainte pour les gens de son époque car la Mort à fui le domaine des Murmures : c'est forcément grâce à ses prières que plus personne ne meurt et que les récoltes sont abondantes.
Quel bouquin mais quel bouquin ! L'histoire est passionnante du début à la fin. J'ai gobé ce livre tant je me suis régalée. On pourrait penser que partager la vie d'une recluse est assommant alors qu'en réalité Carole Martinez livre un récit haletant. Non seulement il y a des rebondissements - la vie d'Esclarmonde n'est pas un long fleuve tranquille - mais en plus les détails sur le mode de vie et les croyances au XIIe siècle rendent l'histoire ultra-vivante.
Et puis le style de Carole Martinez est une merveille. Il y a une musique chez cet auteur et cette musique m'enivre. C'est à la fois soutenu (mais pas pédant pour deux sous), poétique et direct.
Le Coeur cousu m'attend dans ma PàL, je pense qu'il ne vas pas y rester bien longtemps !
Commenter  J’apprécie         312
Au XIIe siècle, il était impensable qu'une femme refuse d'épouser celui qui lui était choisi. Pourtant c'est ce que fit Esclarmonde, fille du Seigneur des Murmures.
Le jour de ses noces, elle demande à être emmurer dans une cellule contre la chapelle du château pour se consacrer à Dieu et à la prière. Seulement tout ne se passera pas forcément comme elle le souhaite. Elle devra faire face à la force des croyances locales et à son père.
Teintée de mystique, cette histoire recèle de vérités sur l'époque médiévale. Les légendes et croyances païennes sont encore bien présentes même si l'église tente de les éradiquer en mettant en avant ses saints. le système vassalique est bien décrit dans ce livre: "oeil pour oeil, dent pour dent".
J'ai apprécié l'écriture, mais c'est certainement le côté sauvage de certains personnages qui m'a empêcher d'apprécier ce roman dans sa totalité.
Commenter  J’apprécie         300
Livre découvert grâce au club de lecture de Babelio (même si je l'ai lu avec presque un mois de retard), j'avoue avoir eu beaucoup de difficulté à rassembler mes idées pour rédiger cet avis, tant je me sens partagée suite à sa lecture.
Au vu du nombre conséquent de critiques, je vous épargne un énième résumé, je vais juste vous livrer mon ressenti et le fruit de mes « recherches » sur les recluses.
Carole Martinez a une écriture agréable, précise je dirais même « ciselée » ; pas d'envolée lyrique, de phrasé poétique comme j'ai pu le lire, mais une auteure qui vous plonge au cœur du moyen-âge dès les premières pages du livre, c'est une remarquable conteuse. La 4° de couverture parle d'un univers d'une sensualité prenante, en vérité il y en a fort peu, j'ai posté en citation les seules lignes qui, selon moi, en possèdent un tant soit peu. Quant à la part d'imaginaire dans le récit, elle est tout aussi minime. En débutant cette lecture, je craignais que le côté mystique du récit ne me rebute mais pas de longue dissertation sur ce thème heureusement.
Ce qui a retenu toute mon attention est le caractère historique de ce récit:
- Toute l'histoire repose sur la condition de la femme à l'époque, condition qui explique la cruauté de ce conte, imaginez préférer la réclusion perpétuelle au mariage !! Esclarmonde explique que « seul Christ pouvait tenir les hommes en échec ».
- L'évocation des croisades est d'une force remarquable, sans concession aucune, l'auteure ne nous épargne rien ; captivant certes, mais d'une dureté !! En parcourant ses lignes, je ne pouvais n'empêcher de penser à un tableau de Jérôme Bosch ou aux cavaliers de l'apocalypse, au cheval pâle de la mort aussi, bref de très joyeuses références, n'est-ce pas ??
- La recluserie : j'ai donc effectué de rapides recherches, un volet de l'histoire que je ne connaissais pas ; avaient-elles droit à autant d'égards ces emmurées vivantes ? Une fenestrelle somme toute pas si petite, de la nourriture tous les jours, des contacts quotidiens avec l'extérieur...
A ma grande surprise j'ai découvert que, dans une abbatiale pas très loin de chez moi, une cellule de recluse avait été déblayée dans les années quatre-vingt : à la fin du XII ème siècle, une dame de la région choisit d'y vivre en recluse pour « imiter » un de ses fils devenu abbé.
Voici les quelques informations que j'ai découvertes : même si cet aspect de la vie religieuse est presque méconnu, les recluseries prolifèrent au moyen-âge, un tête à tête avec Dieu à une époque très mystique. Les recluses, il s'agit surtout de femmes, s'isolaient du monde pour se consacrer à la prière et à la pénitence. La règle n'interdisait pas d'accueillir des visites ; proche de Dieu, la recluse était bien placée pour intercéder, obtenir grâce... Il y avait bien une messe, des funérailles, la future recluse y faisait vœu de clôture perpétuelle puis on scellait la porte de sa cellule ; en effet, seule la mort mettait un terme à cet enferment. Les recluses étaient soit dotées, comme celle près de chez moi, soit vivaient de la charité publique. (Selon les archives, en échange d'une « grosse dîme », l'abbaye a pourvu à sa nourriture, aux services et chauffage.) A l'abbatiale, l'habitacle dégagé est légèrement voûté, mesure un peu plus de 2m de haut et de large, pour trois mètres de long ; des mesures assez standards en fait. De l'intérieur, par un hagioscope – une ouverture « pour voir les choses saintes » de 60cm de haut et large de quelques centimètres – la recluse peut voir l'autel de l'abbatiale et lui seul ou recevoir la sainte Communion. Mais cette cellule n'est qu'une partie du reclusoir qui comportait en général trois pièces : l'oratoire et son hagioscope, une chambre et enfin le parloir avec une fenestrelle, une petite fenêtre (1,5m x 1m) grillagée comportant un volet de bois intérieur, par laquelle on passe la nourriture. En résumé, des conditions de vie très proches de celles décrites par C. Martinez.
Pour conclure, une lecture plaisante sans plus, l'histoire d'Esclarmonde ne m'a pas bouleversée - vu les commentaires dithyrambiques j'attendais peut-être beaucoup - le caractère historique du récit m' a beaucoup intéressée, j'ai découvert une pratique religieuse dont on entend rarement parler....
Commenter  J’apprécie         303
Qui de Carole Martinez ou de moi a eu besoin d'un tour de chauffe? En tout cas, j'ai eu du mal à entrer dans l'histoire et il m'a fallu une croisade pour véritablement admirer le talent de l'autrice (qui est encore un féminin militant mais dont j'espère qu'il deviendra un accord parmi d'autres).
Ce qui prouve 1) qu'il faut toujours persévérer avant d'abandonner une lecture, si tant est que l'abandon soit une option 2) que le mysticisme n'est pas la tasse de thé de madame Martinez, ce qui est quand même ballot dès lors qu'on prétend s'intéresser à une recluse foudroyée par l'amour divin. Quand Dieu s'est retiré, que les croisés meurent sous le soleil ardent, c'est superbe. Quand Esclarmonde renie la destinée qu'elle s'est choisie, très bien. Mais manquent l'ardeur et l'extase, dites, ô certes, mais sans émotion, sans stupeur et sans tremblement.
Malgré quelques pages magnifiques, ce que je retiens surtout de ce roman, c'est qu'il est didactique. Le moyen-âge comme si vous y étiez. Un exemple particulièrement significatif : « Côte à côte, au haut bout de la grande table, les deux seigneurs partageaient gobelet et tranchoir — cette épaisse tranche de pain rassis qui nous servait d'assiette »
Ben non. Fallait pas expliquer « tranchoir ». Ou alors, il fallait écrire un guide du moyen-âge, et non pas un roman.
Car trop souvent, on tombe sur des phrases superflues et culturellement irréprochables. « Les croisades sont des saignées qui rééquilibrent les humeurs du pays. » « Le monde en mon temps était poreux, pénétrable au merveilleux ». D'une façon générale, Carole Martinez ne fait pas confiance à son lecteur. « Je m'étais emmurée en moi-même. Ma pensée m'encerclait, j'étais recluse en ma tristesse, plus de fenestrelle dans cet espace où mon âme s'était repliée » Comment dire? Sinon qu'on avait effectivement compris que la reclusion physique se doublait d'une reclusion mentale, il n'était peut-être pas utile de souligner et de stabiloter.
Si, j'osais, j'affirmerais qu'il ne fallait pas enfoncer le clou.
Comme la troisième croisade, ce roman a souvent échoué ; mais certaines pages méritent qu'on s'y lance: « Alors, silencieux, ils se sont assis un moment sur les pierres, ils se sont assis côte à côte, les vivants et les morts, ils se sont arrêtés en bordure du tableau pour attendre leur chef, car Frédéric de Souabe, traînant derrière lui dans sa besace de cuir souple la dernière relique de son père — ce crâne lourd du plus grand des rêves et de la foule des ombres —, avançait encore moins vite qu'eux, qui pourtant s'étaient crus immobiles. »
Commenter  J’apprécie         295