Citations sur Le coeur cousu (318)
Tant de mots, tant de sable, tant de pas, innombrables.
À travers l'épopée d'Anita, à travers le poème infini qui coulait d'elle, nous marchions.
Des mots pour tout sillage, drôles de cailloux.
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Et dès lors le rouge envahit la salle du bas. Les marchands en apportèrent de toutes sortes pour que Frasquita Carasco put faire son choix. Cotonnades amarante, cerise et coquelicot. Entrelacs de Garance, de vermeil et grains de grenat. Velours cramoisi et taffetas pourpre. Boutons de porphyre et larmes de sang dans leur écrin doré. Éclat de rubis dans l'oeil noir de la couturière. Coraux de soie sauvage et géraniums enflammés.
Elle aurait pourtant tant voulu lui parler des êtres brisés, détruits, de tous ceux qui se laissent mourir, qui s'abandonnent et qui sans un geste sublime, renoncent simplement à défendre leur petite personne dans un monde que l'amour a déserté.
La lâcheté, l'horreur, les tueries, les massacres ne m'étonnent pas. Seuls me surprennent les moments héroïques où, dans un monde chaotique, un être par nature aussi imparfait que l'homme se laisse gagner par la pitié et l'amour.
"C'est nous les gitans, qui faisons tourner la Terre en marchant. Voilà pourquoi nous avançons sans jamais nous arrêter plus de temps qu'il ne le faut. Mais toi, pourquoi marches-tu, la belle, pourquoi chemines-tu comme les cigognes en hiver vers le sud, avec ta nichée derrière toi et tous leurs petits pieds sanglants ? Pourquoi leur imposer un tel voyage ?"
Écoutez mes sœurs !
Écoutez cette rumeur qui emplit la nuit !
Écoutez... le bruit des mères !
Écoutez-le couler en vous et croupir dans vos ventres, écoutez-le stagner dans ces ténèbres où poussent les mondes !
Ce n'est qu'une boîte à couture, murmura la mère. Rien qu'une boîte à couture!
Regarde ces couleurs ! Comme notre monde paraît fade comparé à ces fils ! Tout chez nous est gâté par la poussière et les couleurs sont mangées par l'éclat du soleil. Quelle merveille ! Même dans la lumière grise ces bobines resplendissent ! Il doit exister des pays de pleines couleurs, des pays bariolés, aussi joyeux que le contenu de ce coffret.
Je crois à tout. Mais je crois sans craindre.
Ma mère a avalé tant de sable avant de trouver un mur derrière lequel accoucher, qu'il m'est passé dans le sang.
Ma peau masque un long sablier impuissant à se tarir.
Le fil. La broderie. Des enfants comme des perles taillées dans sa chair, des sourires brodés et tant de couleurs sur les tissus pour exprimer sa joie ou sa douleur. Toutes ces couleurs ! Alors pourquoi le blanc la fascinait-il tant ?