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sur 909 notes
Aux animaux la guerre est un uppercut.
Nicolas Mathieu est un romancier mais bien plus encore. Il pose un regard ultra lucide et acéré sur la France d'aujourd'hui, la société et les gens, les vrais gens.
Mathieu fait de la sociologie à coups de flingue.
En quelques phrases il nous fait cerner un personnage, en quelques lignes il nous fait comprendre une situation.
Un très très bon roman.
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Aux Animaux la Guerre, Nicolas Mathieu

Me voilà revenu vers un auteur que j'apprécie énormément, Nicolas Mathieu.
Nicolas M écrit Aux Animaux la Guerre juste avant, enfin trois ans avant son Goncourt, Leurs Enfants Après Eux. Ce livre m'avait laissé sans voix
C'est un roman noir sur fond de crise sociale aigüe...Le postulat est, ou aurait l'être de manière plus concrète, que le lent effondrement à perverti les esprits et les personnes et a conduit à l'abjection que l'on voit dans la partie “roman noir” de cet ouvrage.
On peut parler ici d'un grand écart, car faire cohabiter ces deux genres n'est pas une sinécure.. C'est plus complexe que ça dans ce bouquin. Les deux genres sont entrés dans l'enveloppe, mais au forceps.. et puis en fait non, il est resté deux histoires très différentes que Nicolas Mathieu n'a pas réussi à vraiment restituer en une seule histoire.
Est-ce grave? Non, pas vraiment, sauf qu'on aime toujours savoir dans quel univers on se retrouve lors d'une lecture. Moi oui en tout cas. Or, et c'est d'autant plus dommage, les deux composants sont très bien écrits. Il n'est pas question de mettre en doute la qualité d'écriture de Nicolas Mathieu. Encore une fois, son talent éclate plus tard, avec ses deux romans qui suivront...
La trame en deux mots. Une usine implantée dans les Vosges ferme ses portes. Après une floppée de plans sociaux, de refinancements, de fermetures/ réouvertures, cette fois, ça y est, c'est terminé, la direction met la clef sous le paillasson. Même la représentation du personnel se résigne et se contente de repousser les scellés de quelques mois. La DRH montre un visage humain et finalement, tout le monde se contente de la situation, bien conscients qu'il reste peu de marrons à retirer du feu. Estropiés, désoeuvrés, mais pas désespérés, ces hommes vont continuer leur vie comme ils peuvent, en se privant un peu davantage. C'est la facette du livre dans laquelle on sent clairement que l'auteur est le plus à l'aise. Encore une fois, la suite de son oeuvre le prouvera abondamment et avec brio.
Parallèlement, l'auteur nous conduit vers Strasbourg, la grande métropole de la région. Il nous plonge dans l'univers de la prostitution, un monde où il n'y pas d'amis, que des perdants. Surtout parmi les prostituées elles-mêmes, réduites à une vie miséreuse sur les bords des quais strasbourgeois, sans champagne mais avec beaucoup de sueur et de larmes. C'est noir de noir, mais un peu “déjà vu” aussi.
Nicolas Mathieu essaie donc de greffer ce drame à l'autre, via un des protagonistes de la faillite de l'usine et via une inspectrice du travail. Pour réunir ces deux histoires plutôt hétérogènes, l'auteur devait trouver des ponts très solides et surtout crédibles... Il n'y a pas réussi, les liens créés sont très tirés par les cheveux et cela a un tantinet altéré le plaisir de lecture.
Mais ... Heureusement, j'ai lu les deux livres suivants de Nicolas Mathieu. Son Goncourt et son récent Connemara donc. Ce sont deux grands bouquins et Aux Animaux la Guerre est selon moi le prototype de ces deux réussites. Tous les ingrédients s'y retrouvent déjà, surtout la partie sociologique du livre.
Livre un peu en de ça donc, mais tout est pardonné, cher Nicolas. Pas mal de choses sont rattrapées par un belle dynamique et quelques personnages bien amenés.

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Premier roman de Nicolas Mathieu (je crois), le meilleur à mes yeux. Publié dans la collection Roman policier, il s'agit effectivement d'un récit avec intrigue. Les personnages ressemblent fortement déjà à ceux des deux romans qui suivront; l'Est de la France, la pauvreté, la misère, la désespérance sont déjà là. La volonté de s'en sortir, lorsqu'elle existe, fait parfois prendre des chemins de traverse. Ses héros le savent, mais la dureté de la vie ne leur laisse pas le choix.
C'est évidemment bien écrit; une écriture déjà lucide et féroce mais tellement juste.
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Je connaissais l'auteur de nom uniquement ainsi que par les prix littéraires reçus, mais je n'avais jamais lu aucun livre de lui.
Et, ayant reçu celui-ci pour Noël, je me suis lancé dans cette lecture. Je peux dire que c'est une écriture très brute, franche, sociale et sociétale. On a l'impression d'avoir une description de "la misère en quatre volumes" : tous les personnages ont une vie compliquée, des rapports humains et sociaux médiocres, une sexualité médiocre, des emplois insatisfaisants.
Livre plaisant, témoignage intéressant, qui nous bouscule et qui remet en cause mais qui peut être dérangeant si on a une vie sereine et confortable.
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Roman noir. Les Vosges, une usine qui ferme, des hommes à l'agonie. Avec finesse et beaucoup d'humanité, Nicolas Mathieu retrace les révoltes, les espoirs ou au contraire les désillusions et la résignation de ces hommes et ces femmes. Une magnifique fresque sociale, où violence inouïe et amour s'entremelent. A lire !
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Martel a un problème plus gros que la fermeture prochaine de l'usine dont il est la figure syndicale prééminente. Pour payer la maison de retraite de sa mère, pour se payer quelques extras, Martel a tapé dans la caisse des solidarités. Et, pour se refaire, pour garder intact le respect que lui vouent ses collègues, Martel a trempé dans une affaire louche. Aidé de Bruce, un jeune intérimaire à la fois bodybuilder, toxico et petit dealer, Martel a enlevé une jeune prostituée de Strasbourg pour la livrer à deux trafiquants du coin. le coin ? Les Vosges, ses montagnes, ses hivers, ses plans sociaux de licenciement, ses bourgs ruraux désertés par les commerces, sa jeunesse qui n'attend que de partir et rêve de Nancy, Strasbourg ou Paris. Aux animaux la guerre est un pur roman noir, laissant apparaître sous le vernis d'un plan foireux puant l'argent et la violence, le paysage social dévasté d'un pays qui meurt à petit feu. le pays ne fait pas que perdre les emplois, si chers aux Unes des journaux et aux discours politiques : il perd aussi son âme, en brisant entre les générations le lien tissé par une histoire supposée être commune : celle des luttes sociales et celles des espoirs en un avenir meilleur.

Il fallait sans doute à Nicolas Mathieu trouver une trame narrative suffisamment dynamique pour séparer son propos de celui d'un essai de géographie ou de sociologie. Pour ce faire, le roman noir apparaît comme le genre idéal. Derrière l'aspect bien tranquille et presque ennuyant des montagnes vosgiennes, l'auteur montre les mêmes errements que dans n'importe quelle partie du pays : la recherche d'amusement, le désoeuvrement, la quête de paradis artificiels ... Tout cela nourrit une clique de petits trafiquants, reliés à des réseaux plus importants, plus violents aussi. Ainsi ce roman noir s'appuie sur une galerie de personnages à la fois crédibles et atypiques, à commencer par Bruce, un jeune homme bodybuilder, idiot attachant et volontiers violent lorsque les circonstances le lui imposent. Lui-même est en relation avec deux frères, les Benbarek, caïds d'envergure régionale, invisibles durant tout le roman, évoqués seulement comme une menace féroce. Les besoins en argent de Martel l'emmèneront jusqu'à Strasbourg, dans le monde de la prostitution forcée, où apparaissent les figures inquiétantes de Viktor Tokarev, de Jimmy Comore ou encore d'Ossip. C'est parce que la fille que Martel et Bruce enlèvent s'évade de la Ferme - la maison familiale de Bruce où règne le grand-père Pierre Duruy, un ancien de l'OAS et de l'Algérie française - et que celle-ci est recueillie par Rita, l'inspectrice du travail chargée du suivi du plan social de l'entreprise Velocia - où travaillent Martel et Bruce, Martel ayant même l'occasion de flirter gentiment avec Rita dans le cadre de leurs relations professionnelles - que se met en place un puzzle narratif dynamique. Tous les personnages semblent avoir une relation double entre eux : celle de la vie normale d'une vallée vosgienne, celle des cheminements troubles vers des ennuis assurés. Par exemple, Bruce est admiratif de Martel, dont il cherche à obtenir une sorte d'adoubement au sein de l'entreprise. Lorsque Martel a besoin d'argent rapide et facile, il se tourne vers Bruce dont il suppose les relations interlopes. Bruce, en un sens, domine la relation criminelle des deux hommes, car il en est l'instigateur. Si Martel continue d'exercer son autorité sur lui, cette autorité n'est qu'illusoire, car en vérité, Martel ne maîtrise rien du tout une fois placé aux frontières de l'illégalité.

Le roman noir - et Aux animaux la guerre ne fait pas exception - a cette particularité que l'action décrite au premier plan ressort sans doute au second plan, quant aux enseignements du livre. Nicolas Mathieu a l'art et la manière de décrire ces campagnes françaises marquées par l'ennui de la jeunesse, ces samedis soirs passés dans les cafés bien connus de ces villes moyennes, ces usines qui ferment car l'emploi industriel est moins cher ailleurs. Les Vosges, comme d'autres territoires français, sont les oubliées de la mondialisation, les victimes de celle-ci et des discours des hommes politiques, prompts à venir en période électorale et incapables de répondre aux sollicitations une fois élus. le combat de Martel et des employés de Velocia, Rita en a déjà vu la fin, annoncée et répétée dans d'autres entreprises de la région. Ici comme ailleurs, le monde ouvrier est mort, mais il ne le sait pas encore. La France ouvrière disparaît à grands coups de sourires désolés de DRH, de feuilles statistiques Excel, d'indemnités dérisoires à venir. Elle laisse derrière elle les souvenirs des luttes passées, des droits arrachés à coups de grève, d'histoires tragiques d'hommes et de femmes broyés par les machines, éclopés par les erreurs de process et les cadences trop rapides. Martel est de ces figures qui deviendront bientôt mythiques, ouvriers dotés d'une carrure, d'une grande gueule et d'un sens politique aiguisé. Rita est la protectrice des droits et de la sécurité des derniers travailleurs ; elle aussi, bientôt, fera partie de l'histoire. Quant à Bruce et à ses combines, son statut d'intérimaire est le pied dans la porte qui conduit à la précarisation de tous. le monde connu meurt, et en attendant, on cherche à aimer : Rita prend sous son aile la jeune Victoria, prostituée à Strasbourg ; Jordan attend un regard ou un geste de la voluptueuse Lydie Duruy ; Martel et Rita flirtent timidement.

Les combines sombres des uns et des autres ne serait ainsi que le reflet de la réalité sociale. A ce titre, le roman de Nicolas Mathieu se fait politique. le délitement de la société annoncé par la fermeture de Velocia entérine une fracture sociale profonde, qui se fait jour jusque dans les familles. A ce titre, la dimension chorale du roman est intéressante : en montrant les intérêts et les parcours des uns et des autres (entre autres, l'exemple de Jordan Locatelli et de son père, ouvrier à l'usine, est particulièrement expressif), Nicolas Mathieu entre dans l'intimité et dans la subjectivité avec une force remarquable. La langue qu'il utilise, soignée dans la description et familière dans les dialogues, ajoute encore plus de crédibilité à sa démonstration. le monde d'avant, celui des luttes idéologiques (les vieux syndiqués de Velocia) et politiques (Duruy et son Algérie française) n'existe plus. Les jeunes veulent du bon temps (Jordan Locatelli, Lydie Duruy et les autres) et redoutent de se confronter à leurs vieux parents ; surtout, ils veulent partir de ces coins où, sans voiture ou sans mobylette, on n'est rien, où les bistrots ferment tôt, où l'avenir ne s'invite même plus, faute d'espoir. Avant de mourir, le monde ouvrier cherche des coupables : ce sont les intérimaires ou les immigrés, ou encore les Polonais ou les Chinois qui travaillent pour moins cher. le monde ouvrier ne s'effondre pas sans bruit. Cela résonne jusque dans les arcanes de partis politiques de gauche devenus impuissants ou dans celles de partis de droite qui savourent un printemps désespérément attendu. le monde est en guerre, et tout le monde est, dans ces Vosges, un peu misérable. Les loups crient et les baudets subissent. Ce monde, bientôt, sera en noir et blanc, et ce jugement est définitif.
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Un récit noir dont le déroulement ne m'a pas bouleversé par son originalité (j'ai franchement eu l'impression de lire un Thierry Jonquet un peu paresseux... vous me direz qu'il y a pire source d'inspiration).
Le suspens qui constitue le fil directeur peine à tenir sur la longueur, le roman ne compte pas beaucoup de pages, mais j'ai ressenti quelques baisses de régime.
Là où ce roman tire son épingle du jeu, c'est grâce à la restitution réussie de l'unité de lieux (la Lorraine profonde minée par les fermetures d'usines et les plans sociaux), mais aussi à une galerie de personnages bien caractérisés, qui laissent un souvenir longtemps après avoir refermé le livre.
Certains traits de noirceur et la tension crescendo du récit m'ont fait penser à d'autres thrillers US en comparaison desquels Nicolas Mathieu n'a toutefois pas à rougir.
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Voilà quelque temps déjà que ce livre me faisait de l'oeil. Et puis j'ai découvert son adaptation télévisée sur France 3 qui, prometteuse sur ses débuts, m'a relativement déçu dans son déroulement. En toute logique cela aurait du me démotiver à découvrir ce roman, cela a au contraire été l'effet inverse : il fallait définitivement que je me fasse ma propre idée sur cette oeuvre. Au final je suis partagé. C'est un roman chorale donnant la voix alternativement à différents protagonistes aux relations parfois tenus. L'intrigue, parfois, la famille, souvent, le lieu, surtout : autant de liens qui justifie l'apparition de tel ou tel personnage que l'on suit alors alternativement avec les autres. C'est aussi une histoire de générations : l'ancienne qui n'attend plus grand-chose si ce n'est ça mort qu'elle voit arriver, la présente qui tente de s'accrocher à un monde en déliquescence et la nouvelle qui profite tant que possible de son insouciance. En résulte malheureusement un petit côté touche à tout qui perturbe un peu la lecture nous laissant nous demander où l'auteur veut véritablement nous emmener, traçant des pistes sans jamais les laisser aboutir. La toile de fond sociale est très intéressante mais malheureusement inaboutie au sens où l'on ne se trouve pas assez plongé dans cette lutte des ouvriers pour conserver leur emplois. Aucun d'ailleurs n'a le droit à un vrai rôle dans ce roman. Car Martel n'appartient pas à cette catégorie de travailleur enracinés et formatés par leur emploi, lui s'adapte, se transforme pour survivre. le plus important pour lui n'est pas de conserver son emploi mais de pouvoir en tirer suffisamment de ressource pour envisager la suite. Idem pour l'intrigue policière qui voit bien souvent sujette aux ellipses dès que la tension monte où que le texte pourrait virer à l'action. Quand à la partie adolescente elle semble se poser de manière un peu bancale sur cet ensemble.
À mon sens il aurait fallut faire quelque chose de plus condensé : soit se concentrer sur le volet social avec d'un côté la fermeture de l'usine et ces conséquences et de l'autre la jeunesse qui trace la route malgré l'avenir sombre. Soit garder le côté policier en conservant bien sûr le fil rouge du plan social mais en évacuant le volet adolescent du roman.
Dommage, car le texte regorge de bonnes idées et de personnages attachants, à commencé par celui de Rita, cette inspectrice du travail qui tente tant bien que mal de rafistoler l'emploi dans ce coin sinistré. Au final cette multiplication des points de vues et des intrigues effleurées nous laisse la désagréable impression de n'être qu'un spectateur et non acteur du roman.
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Un roman malin, qui se dévore. Il concentre beaucoup de la vie, en un mélange de mystère, de zones d'ombre, de chaleur, d'espoir, d'instants magiques et suspendus, de beauté, de colère, de haine, de folie, d'abrutissement. A l'instar de la vie, c'est un roman qui ne s'arrête pas, parce que l'histoire des hommes continue toujours, quoi qu'il arrive.
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La glissade et la déglingue .

Le ton est donné : des types prêts à tout, qui jouent leur propre partition dans les chaos de société. On commence en Algérie, on se retrouve dans les Vosges, des années plus tard, sans échapper à son milieu, à ses pratiques expéditives, à ses petites débrouilles.

Impossible de résumer ce récit foisonnant , il regorge d'une multitude d'histoires : chaque chapitre porte un prénom, et les personnages se rejoignent, se côtoient, le nez dans le guidon et ses petites affaires.

Sur fond de fermeture d'usine, chacun dévale sa pente, l'éventail sociologique est bien fourni, d'une lycéenne allumeuse à une inspectrice du travail, du délinquant amateur aux malfrats chevronnés. On désire, on convoite, on s'empare, et on refuse de rendre ; Sur les chemins de l'école, à l'usine, dans les cafés miteux, et les rues mal famées.

C'est l'hiver avec une neige persistante, des routes verglacées, des conducteurs à la mauvaise conduite. Chacun suit son objectif et son chemin, avec sa musique de juke box (beau répertoire), et ses petits calculs à mi-voix.

Dans ce premier roman, Nicolas Mathieu soigne chaque épisode, l'abandonne pour en tricoter un autre vite fait, rattrape le précédent et tient son lecteur en haleine. Les acteurs n'ont pas de temps à perdre, le lecteur non plus, un vrai parcours de bosses, à en avoir des bleus partout !
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