Le Horla /
Guy de Maupassant (1850-1893)
« J'ai sans cesse cette sensation affreuse d'un danger menaçant… » Ainsi au début de cette nouvelle se confie le narrateur, qui va de cauchemars en crises d'étouffement pour une raison inconnue au cours de nuits entrecoupées d'angoisses et de palpitations. Un être impalpable et mystérieux, invisible et tenace rôde dans la maison, un Horla qui guette sa proie en attendant son heure…On le croît là mais alors il est dehors, et quand on le croit dehors, il est là. D'où le nom de cet être ectoplasmique. Hors-là.
Une excursion au Mont Saint Michel puis à Avranches apporte un semblant de guérison à notre narrateur. Lors de son passage au monastère
Du Mont, il a l'opportunité d'échanger avec un moine au sujet des croyances et des phénomènes invisibles : « le vent qui tue, qui siffle, qui gémit, qui mugit, l'avez-vous vu, et pouvez-vous le voir ? Il existe pourtant. » dit le moine.
Mais les phénomènes reprennent de plus belle dès son retour
lui faisant croire qu'il devient
fou. Un séjour dans la capitale le remet d'aplomb. Mais pas pour longtemps.
le narrateur, c'est
Maupassantlui-même. Obsédé par la présence d'un être invisible dont il devient l'esclave, il ne voit d'autres issue que de tout tenter pour détruire cet être, sinon c'est
lui-même qu'il détruira. Ce drame de l'épouvante n'est pas un conte fantastique fruit de l'imagination d'un écrivain. C'est du vécu.
« Cette fois, je ne suis pas
fou. J'ai vu…J'ai encore froid jusque dans les ongles…J'ai encore peur jusque dans les moelles ! …je le sens près de moi, m'épiant, me regardant, me pénétrant, me dominant… »
Maupassant est un des maîtres du conte fantastique et par son art et son style il rappelle
Edgar Poe. Il fut un grand amateur d'observation de phénomènes paranormaux, hypnotisme et mesmérisme. Mais de plus il relate du vécu, ce
lui de sa maladie qui progresse. Écrites surtout dans les dernières années de sa vie, les nouvelles de
la peur et de l'angoisse, de la hantise de l'invisible et de la folie avec l'idée du suicide, sont la conséquence de ses troubles nerveux qui le frappèrent très tôt et s'aggravant dès 1884 en raison du surmenage intellectuel et du voyage vers les paradis artificiels. Hallucinations visuelles associées à une angoisse latente devinrent alors son quotidien : il avait l'impression de sentir une présence mystérieuse et hostile auprès de
lui. Hanté par l'idée de la mort, il sombre dans la folie en 1891 et interné il mourra deux ans plus tard à l'âge de 43 ans.
Cette nouvelle est considérée par les psychiatres aliénistes comme un témoignage très précieux, surtout en considérant l'évolution du mal au fil de la lecture du texte. Elle possède non seulement une valeur littéraire mais encore une réelle valeur médicale.