Miss Harriet - Toine

: Maupassant nous parlera d'amour.
Nous n'imaginerions pas ce genre de femme, rien d'idéalisé, au contraire.
Mais il y a le pouvoir du mystère avec la délicatesse et la discrétion.
Qui est Miss Harriet?
L'anglaise de passage en Normandie fera parler, fera jaser.
Une femme anglaise seule, taiseuse et surtout "athée".
Grands dieux, de l'Angleterre à la Normandie catholique, comment faisait-elle? Pour soutenir le regard l'air de rien? À qui remettrait-elle son âme à la fin, ceci ne l'angoisse pas?
Léon Chenal, un vieux peintre se souvient et raconte.
L'a t-il aimé?

Parce que " ... dans le village on ne l'aimait point. L'instituteur ayant déclaré: "C'est une athée", une sorte de réprobation pesait sur elle. le curé, consulté par Mme Lecacheur, répondit: C'est une hérétique, mais Dieu ne veut pas la mort du pécheur, et je la crois une personne d'une moralité parfaite..."
Le personnage de Miss Harriet est intrigant plus que troublant, donnant l'impression d'une ancienne convaincue de l'existence de Dieu( peut-être une ancienne religieuse) qui aurait trouvé une vérité encore plus grande du "divinement sublime" en la preuve de la nature simple.
Elle l'en remerciera d'ailleurs, vous verrez.

On aime ce sujet simple qui fait une bonne histoire où comment une femme juste de passage crée l'animation dans un "trou perdue" juste en étant aux antipodes des appréciations des uns et des autres.
Elle est une alllumette craquée sur le bûcher en ne faisant que ses affaires mais en ne les faisant guère comme les gens du coin.
Guy de Maupassant multipliera les romans et les nouvelles, les tons aussi, doux, amer ou satiriquement facétieux, celui jugé le plus adéquoi pour raconter l'histoire qu'il aura choisi de partager et qui brossera toujours un peu le portrait de la société qui l'entoure, bourgeois ridicules, parvenus pitoyables mais attendrissants, illétrés des campagnes aux jugements crûs.
Miss Harriet, c'est du doux-amer ( préparez les mouchoirs), l'histoire d'une vieille fille dont on ne savait rien mais dont la situation suffisait pour les autres à la raconter. Une femme qui avait aimé Dieu, ne l'a plus aimé, sait on pourquoi, ne se savait peut-être plus aimé, peut-être et pourtant...
Et pourtant, nous, nous savons.

Ce qui rendra la proposition intéressante, c'est qu'assurément il y aura une lecture de l'histoire accessible aux ados, avec leur regard sur les adultes et une autre plus critiques que l'on jugerait plus juste des adultes eux-mêmes.
Oui, c'est intéressant d'avoir deux axes du jugement sur autrui, les jeunes et les moins jeunes, qui en savent sans doute plus avec l'expérience de la vie mais qui, dans une société donnée, avec un choix de repères arbitraires, ne détiendront pas forcément la vérité ni toujours, ils détiendront une vérité qui leur convient.
Pauvre Miss Harriet.

Les éditions Sarbacane nous régaleront d'une autre nouvelle de Maupassant de Normandie et d'un autre personnage singulier: Toine, un individu affable, dillétant, amuseur de galerie autour d'un verre de copains, aussi rond et rempli qu'une barrique de vin, pour faire court.
L'histoire de Toine, à l'opposé de celle de Miss Harriett, relèvera l'humeur avec une comédie paysanne naïve, pitoyable mais drôle.
Maupassant ne fera guère l'apologie de la paresse et de l'alcoolisme avec le gros Toine, ils offrira un moment de rire avec des "personnages" hauts en couleurs: comment faire travailler un mari fainéant qui ne pourra quitter le lit? Faites-lui couver les oeufs de vos poules, mesdames!

Souhaitez vos assister à une naissance miraculeuse, jeunes lecteurs?
Là dessus, vous serez servi.

Un recueil de deux histoires émouvantes ou truculentes pour aborder l'oeuvre De Maupassant avec les ados ( nous recommandons les nouvelles comme "La parure" ou celle plus étranges comme "La chevelure" et "Le horla") .

La découverte du travail d'illustration d'Olivier Desvaux me donne l'occasion de lire Maupassant que je boude depuis le lycée, les professeurs n'ayant pas su me communiquer le goût pour cet auteur… au contraire !
Les deux nouvelles se situent non loin d'Etretat et ses falaises, avec vue sur la mer. Dans la première, une tragique histoire d'amour à sens unique marquera à jamais un jeune peintre. le texte est délicat et j'en aime les descriptions tant des personnages et leurs expressions que du paysage et des éléments naturels. L'auteur sait avec talent dépeindre la lumière changeante de l'aube ou du crépuscule et on sent une connaissance du travail de l'artiste peintre.
Olivier Desvaux, lui aussi normand, accompagne parfaitement ce texte avec ses peintures en pleines pages.
Dans la deuxième nouvelle Maupassant met en scène des normands d'un petit hameau qui se retrouvent chez le cabaretier. Les dialogues sont cocasses et truculents et l'humour omniprésent. L'auteur s'amuse avec ses personnages et pousse les situations jusqu'au grotesque.
Olivier Desvaux propose des peintures très réalistes, de superbes portraits de villageois avec leurs animaux. J'aime décidément les couleurs de sa peinture !

Deux artistes régionaux pour un album magnifique.