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François Mauriac - le Baiser au lépreux - 1922 : Il y a du Maupassant dans ce roman terrible qui dissèque de belle façon la psychologie de deux personnages mariés que tout sépare. Lui est laid, petit, presque infirme mais riche. Elle est belle, jeune, simple mais sans fortune. La marier à cet homme c'est une façon pour son entourage de sortir de la misère et des ennuis. On ne refuse pas un tel parti dans la France rural du début du vingtième siècle. Peu importe que leur vie de couple se transforme en un véritable combat contre la peur, le dégoût et la pitié. Ne supportant plus le regard de sa femme et ses gestes d'épouvante quand il l'approche, l'homme s'exile loin de sa maison la laissant en proie à des tentations qu'elle n'assouvira pas à cause de la morale bourgeoise et par peur de la damnation éternelle. Quand il reviendra ce sera pour mourir de tuberculose et de chagrin. Mais les épreuves ne sont pas finies pour autant, le vieux père est encore vivant et il consent à la mettre sur son testament uniquement si elle ne se remarie pas. Les années passant, elle renoncera au bonheur amoureux et charnel pour s'enfermer dans un conformisme de femme aigrie et vertueuse. C'est le premier succès de ce grand écrivain parut en 1922. On a souvent dit que François Mauriac peu gracieux lui-même s'était servi de ces frustrations de jeune homme pour imprimer à ces lignes un désespoir latent qui sera par la suite un des éléments principaux de son oeuvre. L'écriture était sans fioriture, sèche comme le vent d'hiver qui déshabillent les arbres de leurs dernières feuilles mais riche en même temps de sentiments contrits par la vie et de pensées amoureuses blasphématoires. François Mauriac mettait en scène son Emma Bovary, mais loin d'être aussi libérée que l'originale Noémi d'Artailh ne passait jamais à l'acte préférant s'étouffer dans ses envies pour conserver une fortune qui ne la rendra finalement pas heureuse. La description d'un monde paysan ayant abdiqué depuis longtemps toute considération humaine était assez proche de celui relaté trente ans plus tôt par Zola dans «la terre». Alors que tous ces gens se précipitaient en masse à l'église leur seul dieu véritable ou plutôt leur seul diable était cet argent qui corrompait dans les campagnes mais aussi dans les villes tant de vie et de bonheur. «Le Baiser au lépreux» évoquait la misère de vivre qui nourrit tant de romans français à l'époque au point d'en faire un genre prépondérant. En effet avant l'avènement de la France dite moderne il était difficile de trouver des recueils qui donnaient le sourire, le roman ne pouvant être aux yeux du lecteur qu'un vecteur dédié à nourrir son vague à l'âme. «Le Baiser au lépreux» agit encore comme un pôle négatif qui pourtant impressionne par sa noirceur et son implacable réalisme… effrayant
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En ces terres bordelaises, Jean Péloueyre qui se sait laid préfère éviter la compagnie de ses congénères et chasser seul les pies. Grâce à la complicité de M. le curé, son vieux père hypocondriaque et tyrannique arrange cependant son mariage avec Noémi, une fille du village issue d'une famille désargentée. Un mariage avec un Péloueyre, cela ne se refuse pas.

Ce premier roman de Mauriac est terrible, à tel point que la ressemblance avec son personnage peut sembler troublante. Les faits sont minutieusement consignés, pas un mot de trop pour nous raconter la lente descente aux enfers d'un couple mal assorti dans ce roman de la dévastation.

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J'ai hésité à faire ce billet pensant ne pas être la personne la plus objective pour entreprendre une critique d'un livre de François Mauriac, surtout quand celui-ci m'entraîne en terre Bazadaise pour me perdre dans la lande sous les grands pins qui saignent une résine entêtante.
Je retrouve mes racines qui troublent ma raison m'empêchant de faire, comme il se devrait, une critique sereine.
N'empêche, on ne peut qu'être admiratif devant la construction de ce roman qui aspire le lecteur avec un incipit tentateur.
Nulle phrase inutile, tout est à sa place comme chaque pièce d'un puzzle que l'auteur imbrique une à une avec patience nous conduisant inexorablement vers la vacuité de la condition humaine.
D'aucuns trouveront parfois le style daté (1922), que ce roman ressemble davantage à une longue nouvelle, seule réserve empêchant d'attribuer cinq étoiles à ce livre qui révélait enfin un auteur accompli alors qu'il n'était qu'à l'aube de son triomphe.
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Roman très sombre qui raconte un mariage de raison entre une jeune fille plutôt belle, de bonne famille, mais totalement désargentée et un homme jeune contrefait, de mauvaise constitution, mais riche. Mariage arrangé par les deux familles et aussi grâce à l'entremise du curé. Tout est codifié, les traditions et le sens de l'honneur sont respectés. Une union qui fera le malheur des deux conjoints car le sens du devoir ne pourra pas lutter contre la répulsion.
Etude très psychologique d'un milieu bourgeois provincial du début du 20 ème siècle. Une belle écriture.
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Trop petit, les joues creuses, de vilaines dents, un nez rougeaud, long et pointu, un front prématurément ridé puisqu'il va seulement sur ses vingt-trois ans ; c'est le premier portrait de Jean Péloueyre qui attaque cette première page. L'accent est donc immédiatement porté sur sa laideur puisque c'est celle-ci qui sera au coeur du sinistre et âpre destin qui attend ce pauvre Landais. L'auteur va même jusqu'à le qualifier de cloporte ou de grillon, insistant sur le caractère hideux de son personnage, renforçant ainsi l'image d'un homme perclus dans sa laideur.
Orphelin de mère, il se plie amèrement à l'absolu silence exigé par son père maladif durant les longs après-midi de siestes sacrées.

François Mauriac, d'une phrase, plante l'atmosphère, le décor. S'en échappe, sans aucune insistance, la sensation d'étouffement de cette maison lugubre où la maladie du père, puis plus tard celle du fils, appesantissent l'atmosphère. On ressent parfaitement cet engourdissement qui règne entre ces quatre murs. L'extérieur nous sera subtilement suggéré par le chant d'un coq, les plaintes d'un porcelet, les cloches sonnant un glas ou l'angélus.

La vie de Jean se résume à chasser les pies, soliloquer avec force gestes, ce qui lui attire les moqueries du bourg, se raccrocher à la foi pour tenter de combler tout ce que sa laideur lui a refusé depuis l'enfance. Il se surprend à haïr ceux aux physiques avantageux dont les portes sont ouvertes vers tout ce qui lui est refusé. D'ailleurs, sa tante et son fils, guignant la fortune du vieux Jérôme Péloueyre ne se privent pas de lui coller l'étiquette de « non mariable ». Leur anticléricalisme amènera le curé, refusant vivement que la fortune et la notoriété des Péloueyre aillent à ces mécréants, à arranger rapidement le mariage de Jean avec la belle Noémi.
L'auteur donnera à Noémi l'image d'une fleur bien jeune mais brutalement coupée par ce mariage imposé. Un refus n'est pas envisageable, elle se doit d'obéir à M. le curé et une telle chance de fortune ne se refuse pas.

Cette sordide histoire prend ses racines dans l'obéissance à des conventions morales, catholiques, sociales et financières du début du XXe siècle.
Dans ce couple horriblement mal assorti, la présence de Jean flétrira la jeunesse de Noémi dont le dégoût de ce mari se bataillera avec ses remords de ne pouvoir l'aimer. Celui-ci s'évertuera à rentrer le plus tard possible, tristement conscient de la répugnance de son épouse. Ce couple sera rongé de part et d'autre alors que le père se sentira partiellement revivre sous les bons soins de sa bru, jouant avec cet héritage qui continuera à plomber le devenir de la jeune fille.

L'écriture très concise de François Mauriac nous offre ici des combinaisons syntaxiques d'un très bel effet. À plusieurs reprises, il montre également une capacité étonnante à nous servir en une seule phrase des faits cruciaux dans l'avancée de ce drame conjugal.

Entre le vieux Jérôme se traînant dans sa robe de chambre « souillée de remèdes », l'aversion de Noémi rongée par le besoin d'amour et le poids de la vertu, la détresse macabre de Jean, ce roman est profondément et impitoyablement dramatique.
La possession de ces terres landaises, soufflant leurs effluves de résineux, mènera à de misérables destins.
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« le baiser au lépreux », court roman, longue nouvelle ? Peu importe : c'est dense…
Nous sommes fin XIXème, début XXème… Peu importe, également… Une maison dans un village de la lande girondine. Là vivent Jérôme Péloueyre , le père plus ou moins hypocondriaque et son fils, Jean, orphelin de mère dont la laideur n'échappe à personne ; pas même à lui : « tout son être était construit pour la défaite », nous dit François Mauriac.
Les Péloueyre sont riches et pratiquants et Jérôme voit d'un mauvais oeil sa succession arriver dans la besace de ces mécréants de Cazenave, oncle et tante de Jean. Par l'entremise du curé, on propose à Jean d'épouser la belle Noémi d'Artailh, qui, malgré la laideur de Jean est quand même prête à l'épouser… le mariage sera célébré en septembre, mais Jean ne tardera pas à se rendre compte qu'il n'inspire que répulsion à sa jeune et gironde épouse qui ne tarde pas à dépérir…

Qui n'a jamais entendu le grondement sourd de l'océan qui s'acharne sur la dune ? Qui n'a jamais senti l'odeur d'une pinède après l'orage, l'odeur de cèpes d'un sous-bois l'automne venu, ou celle, capiteuse du seringat en fin d'une chaude journée d'été ? Si c'est votre cas, lisez ce « baiser au lépreux », car en marge du drame qui se joue dans la maison des Péloueyre, François Mauriac n'a pas son pareil pour nous faire sentir ces choses- là ; comme Maupassant en Normandie et Genevoix en Sologne.

Parlons du style : c'est du lourd, comme dirait Lucchini… François Mauriac est un maître dans l'art de ciseler une belle phrase… Jusqu'au vocabulaire, précis, rare… local, même : brande, alios...

Un premier grand succès pour François Mauriac, malgré (ou à cause, allez savoir) le scandale provoqué à sa sortie en 1922. On croise ici la maladie… Et un jeune médecin venu du bourg voisin qui ne semble pas insensible aux charmes de la gironde mais pieuse Noémi…
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De pire en pire! Plus je découvre Mauriac, plus je m'enfonce dans la noirceur, l'absence d'air et d'espérance. Et toujours ce silence...
Pas d'éclats de voix en effet dans ce face à face forcé, pas de cris farouches de refus de la part de Jean Péloueyre, bon parti mais malingre, tordu, irrémédiablement laid qui ne sait s'opposer au choix du père de le marier à la belle et tendre Noémie, qui elle non plus ne pousse pas de cris d'effroi et de dégout face à ce mari qu'elle ne peut se permettre de refuser. Après que la porte se sera refermée sur le jeune couple et à l'issue d'une épouvantable nuit de noces (dont toute l'horreur est contenue avec maestria en une seule phrase), tout ne sera entre eux que silence, abnégation pour elle qui se reproche de ne pouvoir surmonter sa répugnance, fuite pour lui qui disparait de longues heures dans une nature sombre où personne ne le voit.
Un roman provincial noir, lourd, qui sue le mal de vivre sans espoir de soleil.
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Bonjour. Aujourd'hui je vous présente Jean Péloueyre, un jeune homme de 23 ans au physique disgracieux.
Pauvre Jean, il n'a pas connu sa mère phtisique qui est décédée et il vit auprès d'un père égrotant et d'une vieille servante. Inutile de vous dire que ce n'est pas la joie !
Dans une maison où il y a la sieste du père tous les après-midis et où aucun bruit n'est admis, le timide Jean traîne sa carcasse dans un quotidien morne et sans attrait.
Et voilà que le curé s'en mêle ! Il propose au père de Jean de marier son fils avec une jeune fille du voisinage et il se trouve que la jeune fille pressentie était lorgnée depuis un moment par Jean.
Ce mariage arrangé rend service au père qui se venge de sa soeur et aux parents de la jeune fille qui va entrer dans une famille aisée : on ne refuse pas le fils Péloueyre.
Et le mariage de Noémi et Jean va avoir lieu !
Jean, conscient de sa laideur ne réussira pas à s'imposer dans son couple et il fera tout pour s'éloigner de sa jeune épouse. Noémi, aura beaucoup de mal à cacher le dégoût que lui inspire son époux.
Bref, un roman magnifique et poignant sur un mariage arrangé, l'égoïsme d'un père, l'incompréhension dans un ménage. Quant à l'écriture, c'est du François Mauriac, donc parfait.
À lire, que vous soyez beau ou moche, dans le fond d'une église, ou sur le banc d'un parc, en vous empiffrant de viennoiseries avec du jus d'orange. Bonne lecture !
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Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu du Mauriac, c'est à dire au lycée il y a une petite trentaine d'années.
Intriguée par le titre et l'histoire semblant alléchante, j'ai ouvert ce court roman.
Que j'ai bien fait, j'ai retrouvé avec un immense plaisir cette plume si belle, si incisive, des phrases splendides, une exploration de l'âme humaine et de leurs tourments avec ce couple si dépareillés. J'ai dévoré ce roman en une demi journée je n'ai pas pu le lâcher. Je ne me lassais pas de relire certains passages tant c'était bien écrit, alors qu'ils étaient si durs parfois mais magnifiquement exprimés.
Comment ne pas s'attacher aux personnages, chacun partageant ses espoirs, ses envies, ses troubles, son ressenti, tout cela sans fioriture, en se rendant bien compte de sa situation dans ce qu'elle a de plus tragique et de bien réelle.
J'ai passé un moment de lecture magnifique qui va sûrement me réconcilier avec certaines auteurs ou lectures scolaires imposés.
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Je viens juste de terminer ce court roman et je suis encore sous le choc. Dans cette France provinciale des années 20 (il y a déjà un siècle), tout semble figé, arrêté, dans l'inéluctable conformisme étriqué des conventions sociales. le curé, le médecin, les bourgeois affairistes, décident de ce que sera l'avenir de deux jeunes gens, en vertu, toujours, d'accords financiers. L'amour viendra bien... On plaint Jean Péloueyre et Noémi d'Artiailh. On a décidé pour eux et ils ne peuvent rien n'y opposer. Leurs destins sont scellés. Mauriac, comme pour le "Noeud de vipères", n'est pas tendre avec la rigueur prétendument morale de la société. Il dénonce, à travers ce roman, la bienpensance des notables de cette époque. D'une certaine manière, ça me fait penser à certains auteurs italiens du XXe siècle comme Brancati, Pirandello ou encore Moravia, qui n'ont eu de cesse de démonter l'engrenage de la famille italienne.
Un livre que je conseille à tous ceux que le sujet intéresse.
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