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sur 606 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Cette critique vient en réaction à une critique récente qui, je pense, donne une idée assez piètre de ce livre. Loin de moi l'idée de dénigrer cette critique qui est légitime et parfaitement entendable. Seulement une volonté d'apporter un éclairage autre sur ce livre, que, personnellement, je tiens en TRÈS, TRÈS haute estime. (Je tiens également à apporter quelques précisions eu égard au film de 1967 réalisé par Sydney Pollack et qui se présente comme issu du livre.)

Ce film fut pour moi une cruelle déception ! Moi qui apprécie pourtant les talents de réalisateur de Pollack (notamment dans l'adaptation fameuse de la Ferme Africaine de Karen Blixen), je ne puis que vous inciter à 563000% à vous fier au livre de Mc Coy pour vous faire une idée véritable de l'oeuvre.

Le film me semble aussi lent et ennuyeux que le livre m'apparaît tonique et captivant. Sans être un navet, c'est tellement moins subtil, tellement modifié que ça ne ressemble plus beaucoup à l'original. Je pense notamment au rôle de Gloria interprété par Jane Fonda qui n'a pas grand-chose à voir avec la Gloria du livre. Personnellement, je trouve Jane Fonda imbuvable et caricaturale dans ce rôle.

Qu'en est-il du livre alors ? me direz-vous. Là, c'est une autre paire de manches et je pense qu'il serait très réducteur de s'arrêter au seul scénario. Voici mes raisons :
Au travers de ce petit roman, Horace McCoy a, à la fois le talent de choisir un élément anecdotique du fonctionnement d'une société (l'organisation des marathons de danse sur plusieurs semaines dans les années 1930 sur la côte ouest des USA) qui en illustre le principal dysfonctionnement (voyeurisme, cupidité, mercantilisme sur la vie des gens, etc.) et qui a donc une valeur de généralisation, mais également un talent de narration d'une redoutable efficacité.

Deux personnages, deux paumés, un homme et une femme, deux oubliés du rêve américain, qui cherchent désespérément une place de figurant à Hollywood se rencontrent par hasard.

Gloria décide Robert à participer à un marathon de danse dont la prime semble bien dérisoire, à savoir 1000 dollars, mais 1000 dollars, au milieu des années 30, en Californie, quand on vient d'un trou perdu, c'est presque la fortune !

La grande force de cet exemple réside dans le principe même de l'épreuve, vu qu'au moment où tous sont épuisés et auraient envie de jeter l'éponge, ils ont déjà tellement souffert qu'ils trouvent dommage d'arrêter si prêt du but, et du coup, tous re-signent pour un tour de plus de ce manège abject et sans fin. (En psychologie sociale, ce phénomène est connu sous le nom de " d'erreur de jugement des coûts irrécupérables " — sunk cost fallacy en anglais.) Dans les faits, c'est une attraction sur la fêlure des gens, télé-réalité avant l'heure ou gladiateurs modernes, où l'on attend que l'un des concurrents s'écroule, issue que les commanditaires attendent en refourguant au passage tout un monceau de pacotilles publicitaires.

C'est donc bien une vision qui de nos jours est et demeure pénétrante d'acuité, une réflexion qui n'a pas pris une ride sur notre système actuel (j'écris en cette première moitié de la décennie 2010) alors que le livre date de 1935, sur l'enfer du quotidien, sur la déprime que crée le système dont Gloria est le symbole. (Robert est pris d'extase à un moment, simplement à pouvoir contempler un coucher de soleil pendant quelques minutes.)

Pour continuer le parallèle avec le cinéma entamé plus haut, c'est une dénonciation au moins aussi forte que celle de Chaplin dans Les Temps Modernes. Gloria dit à un moment qu'elle se sent trop fatiguée pour vivre et pas assez courageuse pour mourir. Elle implore alors le coup de grâce à l'infortuné Robert, pauvre bougre et compagnon de descente aux enfers...

Robert et Gloria, d'une certaine manière vont sortir de la route toute tracée, et cela, l'Amérique ne peut le supporter, et elle les broiera pour en faire des exemples. Les organisateurs du concours, tout cyniques qu'ils sont, représentent la force et la faiblesse de l'Amérique, à la fois douée d'une énergie folle pour s'en sortir et mais parallèlement peu regardante sur les moyens à utiliser pour atteindre cet objectif.

Bref, selon moi, un chef-d'oeuvre absolu, fort, tonique et qui imprime l'inconscient, bien plus qu'un simple roman noir, une analyse et une critique sociale pertinentes, il y a, je le répète, toujours d'après moi, de la philosophie là-dessous, il y a de l'analyse sociale fine, il y a un tas de qualités. Je comprends toutefois que nous ayons chacun nos sensibilités différentes et que l'ouvrage puisse laisser certains lecteurs totalement de marbre. Comme je le précise à chaque fois, ceci n'est que mon avis, qu'on ferait peut-être mieux d'achever, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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C'est sur les conseils avisés de mon ami Morganex ( un grande merci !) que j'ai plongé dans ce roman . Déjà très court en nombre de page et portant l'étiquette de polars : ça ne pouvait déjà que me plaire.

Mais une fois rentrée dans le livre , j'ai été très intriguée par la construction du roman , qui est assez atypique. Mais aussi par la trame qui laisse envisager tellement de choses.

J'ai beaucoup aimé la plume de l'auteur , mais je crois que sa grande force est la noirceur. Et puis il captive son lecteur a tel point qu'on ne lache plus le roman avant de l'avoir fini. Cette façon de raconter est incroyable.
et ce qui m'a vraiment frappé c'est la réciprocité entre ce marathon de la danse et ce qui arrive au personnage principal. Cette idée que l'on n'a plus rien a perdre et que l'on doit aller au bout de son désespoir et de ses idées.

Franchement une très belle lecture. Je sais que l'auteur est un classique de la littérature US, mais c'est une découverte pour moi. Je pense que je vais poursuivre en lisant d'autres oeuvres de Horace MacCoy.
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J'ai d'abord vu le film de Sidney Pollack de 1969, basé sur l'ouvrage de Horace McCoy de 1935, l'année de sa sortie dans nos salles et l'histoire m'a tellement impressionné que je suis retourné voir le film le lendemain. Et pas parce que j'étais un fan inconditionnel de Jane Fonda, ce que je n'étais pas, quoiqu'elle y est convaincante. L'idée qu'il y ait eu aux États-Unis des marathons de danse pour des sous, ou tout simplement pour se remplir l'estomac, m'avait laissé interdit. C'était avant de lire "Les raisins de la colère" du Prix Nobel John Steinbeck, LE livre sur la Grande Dépression américaine après le Krach de Wall Street de 1929.

D'après les statistiques de Babelio, dont la qualité scientifique n'est contestée par personne de sensé, ce roman a été lu par presque 1000 Babéliautes, 937 pour être aussi précis que notre site préféré ! Chiffre saisissant, auquel il convient naturellement d'ajouter toutes celles et tous ceux qui ont vu le film et dont le total doit être carrément hallucinant et se situer dans les dizaines de milliers de spectateurs, rien que dans les pays francophones de notre vieille Europe, que ce serait un exercice hautement futile que de vouloir résumer le récit de ce pauvre McCoy.

Au moment de la lecture en 1971, j'avais noté au crayon pour moi-même en bas d'une page à propos des marathons yankees de danse les qualificatifs suivants : inhumains, décadents et hypocrites.
Deux dames de la Ligue des mères pour le relèvement de la morale publique essaient de faire arrêter le marathon par le Conseil municipal de l'endroit parce qu'elles estiment que le spectacle est "vil et dégradant". Objectivement elles ont, bien entendu, raison. Mais si le Conseil municipal est réticent c'est que, comme souvent aux États-Unis, c'est tout d'abord une histoire de sous. Il y a en effet les entrées, la vente de boissons et victuailles et cela sur une période de marathon qui dépasse facilement le mois.

L'auteur fait référence à un marathon de danse qui s'est tenu, en cette période dans l'Oklahoma, et qui a duré 1.253 heures, soit plus de 52 jours d'affilé. Les participants étaient obligés de constamment se mouvoir, sauf lors d'une petite pause de 10 minutes tous les 2 heures. de très courtes pauses durant lesquelles il fallait se nourrir, se laver et changer de vêtements, se faire masser les muscles endoloris, se faire ausculter et à la rigueur soigner par le toubib et les infirmières et cela évidemment à toute vitesse et... dormir un petit bout, quitte à être obligé de se faire réveiller à l'ammoniaque pour pouvoir reprendre la "danse".

Certains organisateurs de telles festivités inventaient par ailleurs n'importe quoi pour augmenter la "qualité" des show en prévoyant des petits sprints et bien pires des derbys éliminatoires autour de la piste avec le couple qui faisait le moins de tours disqualifié.

Si participer à de tels événements était rentable, à vous de juger. Les participants recevaient 7 fois par 24 heures de la nourriture : 3 repas complets et 4 casse-croûte. Ils recevaient aussi vêtements et godasses, ce qui n'est pas un luxe car l'usure des vêtements et chaussures est importante. Puis, il y avait les sponsors, comme par exemple "La Bière Jonathan, qui ne fait pas engraisser" et offre au couple sortant gagnant d'un petit sprint 20 dollars.

Et finalement pour le couple victorieux, qui a tenu le plus longtemps, la prime. Dans l'exemple donné d'Oklahoma 1500 dollars pour 1253 heures. Faites vos calculs, mais n'oubliez pas qu'un dollar de 1935 vaut un peu plus qu'un dollar 2019 et que ce n'est qu'un seul couple qui touche le prix.
Compte tenu des dommages que de telles épreuves physiques causent au corps humain, la bonne question est de savoir si ces 1500 dollars permettront de financer l'aide médicale et pharmaceutique indispensables à moyen et à long terme pour soigner ces dommages ?

J'ai lu d'autres ouvrages de Horace McCoy, tels "Un linceul n'a pas de poches" de 1937 et "Pertes et fracas" de 1953, mais je crois que ce roman-ci constitue incontestablement son chef-d'oeuvre.

Il y a aussi son approfondissement des héros de l'histoire et lorsque Gloria, qui en a totalement marre de la vie, tout en ayant peur de mourir - comme dans le célèbre negro-spiritual "Old Man River" : "I'm tired of living and 'fraid of dying." - demande à la fin à son partenaire, en lui tendant un revolver : "prends-le et poinçonne mon ticket pour là-haut". Et Robert tire ......
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Il n'y aura jamais assez d'étoiles pour On achève bien les chevaux!
Horace Mac Coy remuait le bâton dans la plaie du mal américain...
Un cirque hallucinant, sur la piste duquel tournent les exclus du rêve américain, à bout de nuit, de jours et de forces. Un livre où le lecteur tourne avec les pages et chavire dans un moite effroi.
Chez Mac Coy, le dégout se ressent à chaque phrase comme dans Un linceul n'a pas de poche, paru sous le numéro 4 de la Série Noire.
Mais, On achève bien les chevaux n'a rien de vraiment...policier. Raison pour la quelle Gallimard le publia dans sa collection du monde entier.
Horace Mac Coy est un grand de cette littérature américaine de l'urgence, du désespoir et de la dénonciation: Des livres brefs, souvent, efficaces et qui tapent dans l'estomac là où cela fait mal.
Il fait partie, Horace Mac Coy, de cette génération disparue dont Marcel Duhamel publia quelques pépites dans la Série Noire (les premiers, ceux en jaune et noir avec jaquette luisante...)
Mais les héritiers de Mac Coy, Tracy, Cain, Goodis ont pris la relève, et le cauchemar américain continue de tourner comme un grand manège de l'infamie et de son âpre poésie.
Le Noir est une couleur, hélas, d'avenir.
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« Accusé, levez-vous… » (incipit)

L'accusé c'est Robert. Il est accusé d'avoir tué Gloria, sa partenaire d'infortune. Il n'a pourtant pas l'air d'un méchant garçon ce Robert. Qu'est ce qui a bien pu l'amener à tuer son amie ?

Le récit dure le temps de l'énoncé du verdict, le temps d'une sentence qu'il voudrait ne pas entendre (nous non plus!), une sentence qui est énumérée par à-coups, comme une ruade, à mesure qu'il se souvient de sa rencontre avec Gloria et de ce marathon de danse auquel ils ont participé, ou autrement dit, à ce qui l'a conduit dans ce tribunal.

Quelle ignominie ces marathons de danse ! La misère mise en scène… Marathon de la dernière chance ? Marathon de l'enfer ? Marathon de la honte ? Ils finiront par être interdits sur l'ensemble du territoire américain le 13 mars 1967. Mais dans cette Amérique désenchantée des années trente, ils fleurissent un peu partout et attirent nombre de candidats … et de supporters !

Avec nos marathoniens, le rêve américain en prend sacrément pour son grade. C'est une critique sombre et amère de la société américaine. D'un côté il y a l'exploitation de la misère sans aucun respect de la dignité humaine, de l'autre des hordes de personnes prêtes à tout, même à mourir, pour un repas et quelques miettes d'espoir, et au centre une foule avide du spectacle, à l'affut des débordements et de ceux qui s'écrouleront ! Voyeurisme, cupidité, magouille, corruption, compétition, sponsoring, humiliation… il y a tout ça et plus encore. C'est un microcosme d'un réalisme édifiant. le plus affligeant, c'est que bien que publié en 1935, ce livre reste par de nombreux aspects, contemporain à en pleurer !

Robert et Gloria vont devoir apprendre très vite les ficelles et les codes de ce petit monde organisé pour avoir une chance d'aller au bout. Au bout de quoi ? Ces deux-là forment un tandem plutôt discordant, deux manières de subir la misère, faites d'espoir et de désespoir : lui, le rêveur un peu naïf, qui prend la vie comme elle vient, croit en ses chances de devenir metteur en scène ; elle, la désillusionnée, qui traine son mal de vivre. Nous savons très peu de choses du passé des protagonistes et de leurs pensées, comme s'ils étaient enracinés dans le présent, sans passé, ni futur. Finalement, c'est à chacun de se faire sa propre opinion.

« On achève bien les chevaux » fait partie de ces courts romans d'une concision implacable qui en ont sacrément sous le capot. Il dérange, dégage une normalité qui fait froid dans le dos, et continue à vous hanter bien après l'avoir refermé. Je l'ai lu il y a plusieurs mois mais son souvenir est toujours aussi vivace, et sa fin est marquée au fer dans ma chair !
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"J'ai même vu, de mes yeux vu, la Sibylle de Cumes suspendue dans une fiole, et quand les enfants lui disaient : Sibylle, que veux tu ? Elle répondait : Je veux mourir."
( Pétrone, "Satiricon")

Amour, envie, joie, tristesse... il y a les sentiments et les états d'esprit qui restent toujours les mêmes, même si le monde continue à tourner et l'humanité continue son chemin. Et aussi le désespoir et la lassitude...
T.S. Eliot a choisi cette citation en 1922 comme ouverture de son "The Waste Land", un poème - lamentation... vivre en "terre vaine" est la même chose que d'être juste l'ombre d'un véritable être vivant.
La Sibylle de Pétrone, condamnée à l'immortalité et moquée de tous dans sa cage à Cumes dit "apothanein thelo" en grec; Gloria Beattie, sur le parquet d'un marathon de danse et sous les yeux des spectateurs avides dit "I wish I was dead" en anglais - mais ce sont les mêmes mots - "dans ce monde et dans ces conditions la vie n'a plus de sens".

"On achève bien les chevaux" est un roman court qui s'inscrit dans une époque bien précise - celle de la crise américaine après le "vendredi noir" au début des années 30.
McCoy connaissait bien (en tant qu'organisateur) les coulisses de ces "marathons" où les couples dansaient pendant des semaines entières (logés, nourris, avec une récompense de mille dollars qui se profile fugitivement à la fin). Sur le parquet on dansait, on mangeait, on se faisait soigner (de temps en temps on se mariait), on se soutenait mutuellement pour ne pas s'évanouir. Parfois aussi, on mourait.
Tout ça dans l'espoir de devenir le couple préféré du public, et dans le meilleur des cas, de se faire remarquer par quelque producteur hollywoodien.

Tel est le cas De Robert, qui entretient encore un semblant de rêve de devenir un jour metteur en scène. Il rencontre Gloria, une starlette rejetée, par hasard. Pour Gloria la vie ne vaut plus rien, c'est juste une image dans un miroir qui déforme le sourire en horrible grimace. Mais elle accepte d'accompagner Robert dans cette parodie d'amusement... alors, ils dansent - l'imbattable "couple 22"- en discutant de la vie d'une façon qui vous donne l'impression que la température autour de vous est en chute libre.
Il n'y a plus d'issue pour Gloria. Et Robert, dans sa brutalité, a quelque chose de terriblement noble - il ne veut pas mentir, il n'essaie plus de remonter le moral de sa partenaire en la persuadant qu'elle est différente de celle qu'elle pense être... Il l'aide seulement à "descendre de ce manège". Car on achève bien les chevaux par miséricorde...

Un contemporain (beaucoup plus célèbre) de McCoy a dit qu'une histoire, même toute simple (qui parle, par exemple, d'un vieil homme, de la mer et d'un gros poisson) et qui vient de la réalité, peut signifier des choses bien plus importantes que cette histoire elle-même. A condition qu'elle soit bien écrite.
Et dans ce sens, je pense que McCoy, avec son "petit" roman, a bien réussi.
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Le rêve hollywoodien...c'est ce qui a amené Gloria depuis le Texas et Robert qui débarque de l'Arkansas à se rencontrer un beau matin aux abords des studios de cinéma où ils espèrent décrocher le graal : un rôle dans une des productions du moment. Nous sommes au début des années 30, l'Amérique peine à se relever de la crise, et nombre de jeunes gens sont prêts à tout pour ramasser un peu d'argent, ou être repéré par un recruteur. Ce qui va amener nos deux héros à s'inscrire à un marathon de danse, où ils seront assurés de la nourriture, de quelques vêtements (et chaussures, indispensables !), et d'un abri pour le temps qu'ils tiendront le rythme. Par contre, pour ce qui est du sommeil, il sera très rationné, à peine 10 minutes par tranches de deux heures. Et encore, pendant ce laps de temps il faut également se nourrir, se laver, se faire soigner quand nécessaire et satisfaire ses besoins essentiels, autant dire qu'on est loin du baloche à Lucien ! Mais il y a mille dollars à la clé pour les vainqueurs, une somme suffisamment conséquente pour attirer de nombreux couples de crève-la-faim. Et des professionnels, aussi, qui enchaînent ces compétitions et laissent peu de chances aux amateurs. Ici ils sont représentés par James et Ruby, qui vont devenir assez proches De Robert et Gloria. Ruby est enceinte de cinq mois...

Pour corser un peu la chose, et attirer des sponsors et du public payant, les organisateurs ont pensé à tout : coin buvette, évènements spéciaux célébrés à grand renfort de pub, ou encore les derbies, des courses éreintantes à l'issue desquelles le couple arrivant dernier est éliminé. Bien sûr, certaines associations ou ligues de vertu s'émeuvent de cette exploitation de la misère humaine, mais difficile d'avoir gain de cause quand ce genre de spectacle rapporte tant. (D'ailleurs, les choses n'ont pas beaucoup changé sur le fond, de nos jours nombre d'émissions de téléréalité ou de "jeux" fonctionnent encore sur le principe de l'élimination par vote ou abandon ou de l'humiliation des candidats pour faire du buzz. Et ça ne choque pas grand monde. C'était mon petit coup de gueule, fin de l'aparté)

Nous suivons donc parallèlement le couple dans l'épreuve du marathon, sur plusieurs semaines, leurs interactions avec d'autres concurrents, les organisateurs, les sponsors et les dames de "la Ligue des Mères pour le relèvement de la moralité publique", ouf ! Et le jugement rendu dans le procès pour le meurtre de Gloria, retranscrit sous formes de fragments de phrases en guise de tête de chapitres. Pas de suspense, nous savons dès le début qu'elle est morte, et d'ailleurs tout le long du récit elle aspire à cette issue, communiquant au lecteur son spleen et son "anti-joie de vivre".
Si vous avez envie d'une lecture joyeuse, allez voir ailleurs, vous êtes prévenus. Et ne regardez pas non plus le film inspiré du roman et réalisé par Sidney Pollack en 1969, avec Jane Fonda et Michael Sarrazin, même s'il n'est pas exactement fidèle au roman, il risque de vous flanquer par terre, et vous seriez éliminé du marathon !

Je recherchais ce livre depuis longtemps, ayant justement été très impressionnée par le film (vu dans les années 70), et j'ai enfin réussi à me le procurer via une des bibliothèques que je fréquente. J'avais donc très peur d'être déçue, comme parfois lorsqu'on fonde trop d'espérances sur quelque chose de très attendu. Mais l'alchimie s'est produite, ce roman a été à la hauteur de ce que j'en espérais, et malgré sa brièveté (moins de 200 pages) il ne m'a rien manqué. le style est assez sec, pas d'étalage inutile, et du coup c'est très efficace, percutant. On se le prend en pleine tronche, et on reste pantois. J'ai d'ailleurs mis trois semaines à en rédiger la critique, il me fallait un certain recul pour ordonner mes idées, comme chaque fois qu'un livre me marque émotionnellement. D'autant plus que je savais que ces marathons ont réellement existé, et qu'il ne s'agit pas totalement d'une fiction. Je n'ai pas ressenti d'empathie pour Gloria, mais j'ai compati avec Robert. Et je me suis demandée quand un producteur aura l'idée de ressusciter l'idée d'un marathon de danse, histoire d'émoustiller le public d'une chaîne payante...
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Que le meilleur gagne !
Robert et Gloria participent à un marathon de danse
un peu comme dans les arènes romaines
Le genre tu tombes, tu meurs..
Le Travolta du samedi soir, il peut aller se recoiffer à la gomina,
Robert, il lui faut cet argent
pour réaliser son rêve :
devenir réalisateur de cinéma,
quant à sa partenaire de piste, elle est à bout...
Mais pour l'instant faut tenir le coup
Danser, tourner, danser mais jusqu'à quand ?
On achève bien les chevaux est un roman noir des années 30
qui dénonçait déjà la société américaine basée sur la compétition.
Pas de compromission possible,
soit tu as une bonne tête de vainqueur
alors à toi Hollywood
soit tu a une bouille de looser
à toi le grand blues...
On achève bien les chevaux, terrible !
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« Rien de nouveau sous le soleil », c'est à cette expression de l'Ecclésiaste que m'a fait songer le roman d'Horace McCoy paru en 1935 et porté à l'écran en 1969 par Sidney Pollack. « On achève bien les chevaux » frappe en effet par une forme de modernité étonnante, tant les thèmes abordés sont encore et toujours d'actualité : dénonciation de l'avidité sans limites d'un capitalisme dénué de scrupules, mise à nu de l'hypocrisie d'une société protestante qui défend des valeurs morales qu'elle n'a de cesse de bafouer.

Si les thèmes abordés n'ont pas pris une ride, la structure romanesque est également résolument moderne. le roman commence en effet par la fin, c'est-à-dire le jugement pour homicide volontaire de Robert Syberten, accusé d'avoir assassiné Gloria Bettie. le narrateur, qui est également l'accusé, nous conte dans un récit en forme de long « flash-back » les événements qui ont conduit au dénouement tragique dévoilé dès la première page. Horace McCoy insère habilement entre chaque chapitre quelques phrases révélant progressivement le verdict que la cour est en train de prononcer à l'encontre du narrateur.

Hollywood avant la seconde guerre mondiale. Robert Syberten rencontre Gloria Bettie. Tous deux sont figurants au cinéma et ont vu leurs rêves de grandeur se fracasser contre le réel. Désoeuvrés et à court de billets verts, ils s'inscrivent à un « marathon de danse » qui promet mille dollars de récompense au duo vainqueur et offre l'occasion de se faire remarquer par un producteur présent dans le public des soirées orchestrées pour l'occasion.

Cent quarante-quatre couples sont inscrits au marathon de danse qui consiste à danser pendant une heure cinquante avant de profiter d'une pause de dix minutes puis de recommencer, sous la supervision d'un maître de cérémonie, de plusieurs arbitres et d'un médecin. Pour pimenter l'affaire, les organisateurs ont choisi d'ajouter les fameux « derbys », où les couples doivent courir de concert sur une piste, tels des chevaux réincarnés dans des corps humains. L'objet de cette épreuve à la cruauté indicible est d'éliminer, soir après soir, le dernier couple arrivé.

Écrit après la grande dépression de 1929, « On achève bien les chevaux » est une fable cruelle qui met à nu l'envers du rêve américain. Noir comme l'ébène, ce classique de la littérature américaine suinte le désespoir de ses protagonistes prêts à vendre leur âme dans l'espoir de remporter les mille dollars promis au couple vainqueur. Les pauvres bougres signent ainsi un pacte faustien d'un nouveau genre, qui les conduit à échanger leur dignité contre le mince espoir d'une improbable victoire.

« - le deuxième couple à être patronné, dit Rocky, c'est le n° 34, Pedro Ortega et Lilian Bacon. Ils sont patronnés par le Garage Speedway. Et maintenant, un petit bravo pour le garage Speedway, qui est situé au n° 1134 du boulevard Santa Monica. »

Les organisateurs ont pensé à tout et ont notamment organisé un système de sponsoring à la modernité étonnante, qui permet à un garage ou à un institut de beauté local de « patronner » un couple en lice, s'offrant ainsi, à moindre coût, une publicité percutante.

« - C'est en général ce qui se passe avec les filles des gens qui veulent réformer les autres, poursuivit Gloria. Tôt ou tard elles y passent toutes et elles ne sont pas assez dessalées pour éviter de se faire coller un gosse. Vous les chassez de chez vous avec vos maudits sermons sur la vertu et la pureté, et vous êtes trop occupées à fouiner dans les affaires des autres pour leur apprendre les choses qu'elles devraient connaître. »

C'est ainsi que Gloria, qui n'a pas sa langue dans sa poche, tance les représentantes de la Ligue des mères pour le relèvement de la moralité publique, qui se font fort de tenter d'interdire la poursuite du marathon de danse. À travers cette saillie haute en couleur, c'est toute l'hypocrisie d'une société qui prêche sans relâche une vertu sans cesse dévoyée, que dénonce Horace McCoy avec une vigueur étonnante.

« On achève bien les chevaux » est un petit bijou intemporel, qui prend la forme d'une fable aussi noire que désespérée. Horace McCoy ne se contente pas de dénoncer la soif inextinguible de profit et l'hypocrisie effrontée d'un « rêve » américain aux allures de cauchemar. le caractère inexplicable du meurtre absurde de Gloria Bettie préfigure en effet le désespoir qui hante « L'Étranger », le chef-d'oeuvre existentialiste d'Albert Camus, qui paraîtra sept ans plus tard.

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Aussi triste que le film, et me donnant aussi mal au ventre, ce marathon de danse de plusieurs semaines au bord du Pacifique, des couples consentant à exposer leur souffrance à la seule condition d'être nourri.

On suit le couple 22, Robert et Gloria désespérément fascinée par la mort.

J'ai bien aimé l'écriture 'à la Hemingway', simple et vrai.
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