La saga Vorkosigan est une oeuvre de science-fiction écrite par l'auteure américaine
Lois McMaster Bujold. Les éditions Nouveaux Millénaires en ont publié une intégrale en 5 volumes regroupant les différents romans qui la composent en suivant non pas leur ordre de parution mais la chronologie interne au cycle.
Cela faisait un moment que je l'avais repérée et j'ai fini par me lancer.
Le volume 1 de l'intégrale rassemble les trois romans suivants : Chute libre, L'honneur de Cordelia, Barrayar.
Attention, dès lors que vous lisez cette critique, vous courez le risque de vous faire spoiler, puisque je peux être amenée à évoquer le dénouement du tome x quand je présente le tome x + 1.
« Chute libre » (« Operation Cay ») :
L'ingénieur Leo Graf, de la compagnie GalacTech, est envoyé sur une station spatiale en orbite comme instructeur spécialisé dans les opérations de soudure. Sur place, il découvre que ses élèves possèdent une anatomie modifiée grâce à des manipulations de bio-ingénierie : leurs membres inférieurs ne sont pas des jambes mais une paire de bras supplémentaires. de quoi leur permettre d'évoluer et, surtout, de travailler au mieux en apesanteur, puisque c'est dans ce milieu qu'ils vivent.
Les quaddies, c'est ainsi qu'ils sont appelés, représentent une population d'environ mille personnes, tous âges confondus. Leur statut légal est celui de biens appartenant à la compagnie GalacTech, laquelle a fait en sorte de les éduquer de façon à ce qu'ils obéissent sans rechigner aux ordres qu'on leur donne.
Tout semble, au moins en apparence, aller pour le mieux. Jusqu'au jour où un élément nouveau amène GalacTech à reconsidérer la situation de ses quaddies …
Difficile, à l'image de Leo Graf, incapable de respecter les consignes qu'on lui a données à ce sujet, de ne pas s'attacher aux quaddies. Intelligents, ils le sont sans conteste, mais ils ont été élevés à l'écart des turpitudes du monde et, de ce fait, conservant en eux une certaine forme d'innocence. Leur confrontation avec une réalité qui prend soudain des couleurs beaucoup plus sordides n'en est que plus douloureuse.
« Chute libre » est un roman prenant, mettant en scène des personnages forts. le cas des quaddies, tel qu'il est posé, illustre les questions éthiques soulevées par les manipulations opérées sur le vivant. Il questionne aussi ce qui a trait à l'éducation et au développement de la conscience de soi. Mais c'est avant tout un formidable roman d'aventures !
« L'honneur de Cordelia » :
Le capitaine Cordelia Naismith, de la colonie de Beta, est responsable d'une mission d'exploration scientifique au cours de laquelle son camp de base est détruit par des forces barrayaranes. Elle est capturée par l'amiral Aral Vorkosigan, officier barrayaran lui-même dans une position délicate, comme elle ne tarde pas à le comprendre. Ils se retrouvent à devoir unir leurs forces pour s'en sortir...
Dans L'honneur de Cordelia (comme ce sera aussi le cas pour l'opus suivant), l'intime et le politique se mêlent de manière particulièrement réussie. C'est autour de Cordelia que le récit s'organise et, avec elle, nous tâchons de démêler ce qu'il en est des manoeuvres internes retorses des dirigeants de Barrayar : incapables de mener une guerre en faisant abstraction de leurs luttes intestines, on pourrait même dire qu'ils asservissent celle-là à celles-ci. Péripéties et rebondissements abondent et on ne s'ennuie pas une seconde à suivre les aventures de Cordelia et l'évolution de ses relations avec Vorkosigan.
« Barrayar » :
Cordelia a quitté l'armée et sa planète pour rejoindre son époux Aral Vorkosigan, maintenant à la retraite. Devenue Lady Vorkosigan, elle s'apprête à couler des jours heureux et paisibles sur Barrayar, où la nature, à défaut des habitants, ne cesse de l'éblouir. Mais c'est compter sans la situation géopolitique, laquelle évolue subitement, si bien que Vorkosigan se retrouve régent pour une durée de seize ans, en attendant la majorité du petit prince héritier âgé de quatre ans.
Voilà qui change fondamentalement la donne pour Cordelia ! Elle est obligée de fréquenter la classe aristocratique dirigeante Vor, que son éducation démocrate betane ne lui rend pas sympathique a priori. Quant à Vorkosigan, elle le voit s'éloigner d'elle, absorbé à longueur de temps dans la complexité des alliances politiques. Et alors qu'elle est enceinte, le risque de se trouver, avec lui, la cible d'un attentat, devient de plus en plus réel …
« Barrayar » est un roman qui cache bien son jeu. Il commence tranquillement, en déroulant le quotidien de Cordelia, passée des fonctions de capitaine à l'état d'épouse d'un dignitaire de haut rang, et on se dit qu'il va bien falloir, comme elle, s'y habituer, en s'intéressant aux jeux de pouvoir à l'oeuvre.
Mais l'auteur nous surprend, sans quitter ce terrain de la politique intérieure, avec un virage brutal dans le récit qui fait voler en éclats le relatif équilibre de la situation initiale. de quoi donner à nouveau à Cordelia l'occasion de montrer qui elle est, dans des circonstances stressantes.
Dans ce volume, Cordelia découvre Barrayar et, si elle est sensible à la beauté de la planète et de ses habitations (rien à voir avec la colonie betane dont elle est originaire), elle constate avec stupéfaction l'existence d'une frange de la population marginale, incapable de subvenir à ses besoins et abandonnée à son sort sans que quiconque s'en offusque : c'est une réalité qui dépasse son entendement car sur Beta, la misère n'existe tout simplement pas, elle n'est pas concevable. Ce passage est anecdotique mais il m'a marquée et m'a semblé refléter la volonté de l'auteure d'inscrire son texte dans des thématiques lui tenant à coeur.
Le tome 1 de l'intégrale de la Saga Vorkosigan s'est avéré un redoutable page-turner (excellente source d'évasion en cette période de confinement). L'auteure n'a aucun mal à nous gagner à la cause de ses personnages principaux, qu'elle entoure de personnages secondaires eux aussi dignes d'intérêt. Leurs aventures individuelles s'intègrent dans un cadre qui les dépasse et on se passionne pour l'ensemble. Une saga que je ne devrais pas laisser trop longtemps en plan, compte tenu de plaisir que j'ai eu à en lire les trois premiers romans !