A écouter l'actualité des turpitudes du monde politique actuel , on se dit que rien n'a vraiment changé depuis l'époque de « papa ». Coup bas, magouilles, trafic d'argent et d'influence, luttes de pouvoir , seuls les cadavres sont absents du décors même s'il suffirait d'entrouvrir certains placards pour en apercevoir peut être quelques uns.
C'est dans cet univers un peu glauque, fait de compromission, de collusions entre le monde des malfrats et de la politique, où la notion de démocratie est à géométrie variable, et où l'ombre des barbouzes s'imprime en filigrane de la vie politique, que nous plonge
François Médeline à travers son premier roman .
«
La politique du tumulte » est un vrai roman noir , au sens noble du terme, comme on aimerait en lire plus souvent. Un livre qui plonge les racines de son scénario au coeur des années 70, une époque bénie pour le pouvoir où la presse était encore muselée et peu regardante sur les travers des politiciens. Mais le curseur de l'histoire va rapidement remonter à une période plus contemporaine, celle des années 90, époque qui n'était pas dépourvues non plus de coups tordus et de bassesses en tout genre.
A travers l'histoire de Léa Bruni, une jeune journaliste au chômage, le lecteur va être amené à plonger dans l'eau saumâtre de la vie politique française des dernières décennies.
C'est en venant par hasard à s'intéresser à la mort tragique de sa mère dans un accident de circulation, intervenu trente ans plus tôt, que la jeune femme va faire remonter à la surface et bien malgré elle des souvenirs et des histoires d'aucun, à commencer dans les hautes sphères du pouvoir, voudraient ne voir jamais ressurgir.
Le télescopage entre histoire personnelle et celle des chapitres obscurs de l'histoire récente du pays va se concrétiser par la rencontre improbable de cette jeune femme au caractère affirmé et de Manu, un petit caïd lyonnais, violent et sans état d'âme. Un homme qui verse dans le proxénétisme et la drogue, dont il gave ses filles parfois jusqu'à un point de non retour, un mac au service de Vincente di Canio le parrain local de la pègre locale.
Leurs routes se croisent au moment où un scandale politico-sexuel concernant le fils du président du Sénat est sur le point d'éclater, à quelques semaines à peine d'élections nationales cruciales pour le pouvoir en place. Un scandale qui trouve sa source auprès des filles de di Canio, qui participaient aux parties fines qu'il organisait pour le fils du numéro deux de la République.
Tandis que Secundi, barbouze du pouvoir gaulliste à la solde des Renseignements Généraux et de la DST ayant fait ses classes dans la torture en Algérie s'applique à manipuler le juge d'instruction chargé du dossier, les filles elles, sont victimes les unes après les autres d'une overdose.
Un couvercle de plomb s'apprête donc à étouffer cette affaire explosive, mais le petit grain de sable que représente Léa, dont l'histoire familiale la ramène inexorablement vers une des pages les plus sombres et secrètes de la vie politique française, viendra gripper cette belle mécanique.
Ce premier roman de
François Médeline prend par moment des allures de road movies. Mais que le lecteur ne s'y trompe pas, c'est un roman aux ramifications complexes que nous offre l'auteur. Il devrait d'ailleurs prendre garde à s'avancer dans celui ci avec la plus extrême des concentrations s'il ne veut pas se perdre dans le dédale scénaristique que l'auteur a construit pour lui.
Car si l'histoire s'articule autour de Léa, l'auteur n'hésite pas à multiplier les angles d'approche, à jouer avec la chronologie des évènements, à déplacer le centre de gravité de son roman et à faire porter par Secundi ( qui s'avèrera finalement être le véritable personnage central du roman) , la charge de cette histoire.
Trempant sa plume dans l'encre de fait réels, des turpitudes du pouvoir gaulliste, aux magouilles de la garde rapprochée balladurienne, en passant par les faits divers criminels ayant marqué l'actualité ( Rannuci…),
François Médeline déploie patiemment son scénario.
Il dispose progressivement au fil des pages, autant d'éléments qui tiennent dans un équilibre fragiles et qui n'attendent plus que la pichenette du destin pour tomber les uns après les autres et engendrer un maelström politico-policier conduisant à un final des plus réussis.
Porté par des personnages brûlants, soutenu par des seconds rôles consistants, le lecteur visite l'envers d'un décors toujours supposé ou fantasmé, mais qu'il approche au plus près sous la plume de Médeline. Reste cette infime pellicule de fiction qui le sépare encore de cette réalité qui lui restera à jamais impalpable.
Violent, puissant et percutant »
la politique du Tumulte » ravira les inconditionnels de Manchette. C'est en tout cas une vraie réussite, incontestablement pour moi un des meilleurs romans noirs de l'année.