Ségrégation est un mot fort pour parler d'éducation dans un pays comme la France. Ne trouvez-vous pas? Il vient du latin segregare et indique un processus de séparation des individus, et ici ce sont des enfants.
Pierre Merle est sociologue et auteur au "
Presses Universitaires de France". Il dresse selon moi un constat alarmant sur ce phénomène qui concerne l'éducation.
Cette ségrégation scolaire se traduit surtout à partir du collège et a pour résultat , pour résumer, de mettre ensemble les enfants de milieu social proche ensemble dans des établissements. Grâce à des stratégies de contournement de la carte scolaire ( carte scolaire qui attribue un établissement proche du domicile où l'enfant doit être scolarisé), les parents surtout aisés placent leurs enfants dans les quartiers aisés où les établissements sont à leur image. Qui se ressemble s'assemble et tout le monde est content, dira-t-on pour se rassurer.
Malheureusement l'auteur constate que cette mixité sociale mise à mal entraîne une baisse des résultats scolaires d'une année sur l'autre (tests internationaux PISA). Les professeurs n'y sont pas pour grand chose. C'est surtout par manque "d'effet de pairs", cette forme d'émulation des bons élèves qui tire la classe vers le haut. Cela ne fonctionne plus dans les établissements dits défavorisés.
Si bien que de collège unique, qui prône l'homogénéisation des apprentissages (sans filières qui séparent les collégiens), on est passé peu à peu vers" le collège pour chacun". L'école à la carte, le choix des établissements avec des options qui mettent ces établissements en concurrence...
Des moyens considérables sont pourtant consacrés pour aider les établissements dans les quartiers favorisés. Mais le sigle ZEP (zone d'éducation prioritaire) devient une labellisation de l'élève en difficulté. Et ça n'attire pas.
Liberté, égalité, fraternité...eh bien non! "Ecole libérale rime donc avec école inégale" (
Yves Careil)!
Les comparaisons avec d'autres pays montrent que l'on peut au moins freiner sinon inverser cette tendance. Mais il faudrait alors une politique qui lisserait l'offre des établissements, ferait construire les logements sociaux aux bons endroits, et imposerait aux chefs d'établissements un recrutement social mixte.
Voilà pour la thèse parue en 2012 de
Pierre Merle que j'ai tenté de résumer (assez maladroitement je trouve). Elle contient une bibliographie impressionnante ( 150 ouvrages du monde entier), de nombreux tableaux, des statistiques internationales et les recommandations de l'OCDE d'où il extrait l'essentiel. La lecture de ce livre m'a ouvert les yeux sur ces transformations essentielles du système éducatif français. Pourtant vous n'en entendrez pas beaucoup parler dans les médias...A part que le niveau moyen baisse.