Une chose que l'on peut dire à propos de
Robert Merle c'est qu'il sait se renouveler. Bon, en même temps, c'est facile pour moi de dire ça, je n'ai lu que deux romans de cet auteur.
Après
La mort est mon métier, qui m'avait laissée presque sans voix, roman qui parle, pour ceux qui ne le savent pas encore, de la vie du dirigeant fictif (enfin, fictif...) du camp d'Auschwitz, il s'attaque cette fois-ci à la dystopie.
Imaginez une épidémie mondiale (bon, d'accord, vous ne devriez pas avoir besoin de beaucoup d'imagination, malheureusement).
Imaginez surtout que cette épidémie ne touche que les hommes, plus particulièrement les hommes en capacité de procréer.
Imaginez donc ce que ce monde peut donner si le système phallocrate ne peut plus durer et que, par conséquent, les femmes arrivent au pouvoir.
C'est ce monde que nous raconte ici l'auteur par le biais de son narrateur, un éminent neurochirurgien devenu un « homme protégé », soit un homme en danger que l'on met à l'abri afin qu'il puisse trouver un remède au mal qui ronge le monde. A moins, au contraire, que les nouveaux dirigeants, ou plutôt dirigeantes, aient d'autres projets en tête.
Même si ce roman a un tout petit peu mal vieilli, de mon point de vue, en ce qui concerne la forme particulièrement, il ne faut pas oublier de le replacer dans le contexte de l'époque, soit les années 70, le début des mouvements féministes et d'avancées significatives pour les femmes. N'oublions pas que les femmes n'avaient pas le droit de travailler sans le consentement de leur mari ou de posséder leur propre compte bancaire avant 1965, et qu'elle ne possède l'autorité parentale sur leurs enfants que depuis 1970, cette dernière étant entièrement dévolue au père avant. Sans oublier le droit à la contraception, de l'enfant quand je veux et si je veux, etc... Et c'était assez couillu, excusez-moi l'expression, pour l'époque d'écrire un roman où le pire cauchemar des hommes prend sens et réalité.
Je n'ai pu m'empêcher de faire le parallèle avec un autre roman, beaucoup plus contemporain, lu il y a deux ou trois ans,
le pouvoir de
Naomi Alderman où l'autrice arme les femmes d'un artefact extraordinaire. On ne peut bien entendu pas comparer ces deux romans sur tous les plans, deux temps, deux époques, beaucoup de changements sociétaux depuis, mais si je dois dire quelque chose est, qu'au final, j'ai trouvé le roman de
Robert Merle plus abouti.
J'ai passé un agréable moment de lecture même si l'auteur n'a pas réussi à totalement me convaincre sur certains aspects, et il n'est pas parvenu non plus à passer au travers de certains écueils, notamment la domination subliminale de l'homme sur la femme, donnant quand même le très beau rôle à son « héros » alors que les femmes peuvent passer tout de même pour des dames n'attendant finalement que le prince charmant. Libres, certes, mais pas complètes.
En soi, c'est un roman que je conseille de lire, particulièrement en ces temps #metoo et compagnie.
Lu (et manifesté) en octobre 2021