Robinson à Pékin

Le dessin plaisant et frais, gai et coloré, s'affranchit de bords de case. Ces rebords évanescents contribuent à la légèreté du graphisme. Les dessins sont dynamiques et foisonnants comme pour retranscrire une masse humaine chinoise difficilement appréhendable pour un occidental. Les toniques couleurs à l'aquarelle traduisent et accompagnent la renaissance du monde chinois.
Débarqué dans l'empire du milieu en 1987 comme journaliste, Eric Meyer ne quittera la Chine qu'en 2019. Cette expérience Pékinoise est ici relatée à travers les soubresauts de ce monde si diffèrent de nos standards. le titre claque d'ailleurs comme une provocation : comment pourrait-on vivre en « Robinson » au coeur d'une métropole chinoise telle que Pékin ? C'est bien d'un fossé culturel dont il est fait mention, Meyer se sent seul dans une masse chinoise si étrangère à ses propres repères sociaux.
La grande histoire est alors mêlée à la petite : vélos improbables, petits métiers, codes gastronomiques, cigarettes Panda, usines improbables, tai-chi et socialisation dans les parcs...manque la retranscription de la spiritualité du peuple chinois entre taoïsme, bouddhisme, culte des ancêtres, en absence d'une religion institutionnelle partagée.
Un bien beau témoignage nostalgique pour toute personne ayant connu cet environnement à présent englouti en bien des aspects par la course à la modernité et au profit.

Une immersion croquignolesque dans la Chine de la fin des des années 80, où expats s'entraident pour mieux comprendre ce drôle de pays et faire face à son administration plus que méfiante envers les étrangers, tous soupçonnés d'être des espions sous leur couverture de journalistes.

On sourit aux péripéties d'Eric Meyer, que rien n'empêche de demeurer à Pékin, même aux heures les plus sombres de la révolte étudiante sur la place Tian'anmen ; et l'on s'attriste de voir brisés par le régime les espoirs de démocratisation du pays.

Les anecdotes d'Eric Meyer, bien que centrées sur son quotidien et ses rencontres au coin de la rue, sont toutes à leur manière révélatrices de l'actualité politique et géopolitique, et l'on s'amuse de voir notre protagoniste courir à Hong Kong pour récupérer les biens de consommation qui manquent à la Chine continentale.

Une très chouette découverte !