Le grand poète
Henri Michaux revient, dans cet ouvrage que l'on pourrait qualifier de « culte », sur son voyage en Asie réalisé au cours de l'année 1933. Il y est beaucoup question de la psychologie des peuples qu'il rencontre et pour lesquels il éprouve plus ou moins d'intérêt et de sympathie. La première partie du livre, la plus longue, est consacrée à son voyage aux Indes. On ne peut pas dire que Michaux brosse un portrait très flatteur des Indiens, ce portrait est parfois même assez féroce ! S'il loue leur profondeur philosophique et la sagesse qui peut advenir à l'occasion d'une noble maturité il n'en pointe pas moins, avec dureté et drôlerie, la franche misogynie qui se manifeste dans la société indienne, la sclérose du système des castes, la laideur physique qu'il juge fort répandue et la bêtise qui l'est selon lui toute au moins. Il s'arrête en outre de façon relativement savante et en tout cas sensible sur la musicalité des langues qu'il traverse du Nord au Sud de ce continent, avec une préférence pour les langues du Sud comme le Tamoul. Son voyage en Chine l'enthousiasme bien davantage : une affinité touchante se créée entre le poète et cette culture si singulière, ingénieuse et éprise d'harmonie. Il dépeint encore avec esprit et humour les caractères sociaux, amoureux, philosophiques etc. qui lui semblent propres aux Chinois. Son voyage se termine par le Japon, qu'il juge accablé et effacé, et l'Indonésie, plus charnelle, qu'il lui préfère. Un livre qui semble daté par certains aspects mais qui n'en garde pas moins une véritable liberté de ton, une langue moderne et un regard très acéré !