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C'est le premier livre, je crois, que je lis de Henri Michaux. Je ne connais pas sa poésie. Et je reste un peu dérouté par cette lecture. Nous sommes en 1931 et Michaux parcourt l'Asie. Dans sa nouvelle préface de 1967, on peut lire : « L'Asie continue son mouvement, sourd et secret en moi, large et violent parmi les peuples du monde. Elle se remanie, elle s'est remaniée, comme on ne l'aurait pas cru, comme je ne l'avais pas deviné. Il date ce livre. de ma naïveté, de mon ignorance, de mon illusion de démythifier, il date. »
Ces propos reflètent bien le contenu du livre. IL s'agit d'un arrêt sur image sur l'Inde, la Chine, le Japon, la Malaisie, l'Indonésie, quelques pages sur le Népal et Ceylan, plus quelques textes sur la nature. le « barbare », l'étranger, c'est bien évidemment l'auteur-voyageur, l'Européen, Le Blanc. « Ici, barbare on fut, barbare on doit rester ». D'une manière générale il découvre l'Orient. On le sent curieux de tout. Surtout des échanges avec la population. Il décrit beaucoup les habitudes, les comportements qui l'étonnent, en comparaison avec ceux de l'Occident. Mais, parfois, il n'est pas tendre dans ses descriptions. Ses nombreuses assertions comme : « les Chinois sont…, les Japonais sont... » nous mettent parfois mal à l'aise, tant son propos est réducteur et se résume à une observation fugace qu'il présente comme une vérité. C'est dommage, mais l'intérêt du livre est ailleurs. Pour le lecteur d'aujourd'hui, il révèle plus la pensée d'un occidental en Asie dans les années 30 qu'une bonne description des peuples d'Extrême-Orient. A lire en resituant le livre dans son contexte.
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"Qu'est-ce que c'est qu'une pensée ? Un phénomène qui trahit un esprit - son cadre - et ce que ce cadre désirait.

L'occidental sent, comprend, divise spontanément par deux, moins souvent par trois et subsidiairement par quatre. L'Hindou plutôt par cinq ou six, ou dix ou douze, ou trente-deux ou même soixante-quatre. Il est extrêmement abondant. Jamais il n'envisage une situation ou un sujet en trois ou quatre subdivisions."

Michaux non poète...
Michaux nous parle ici des Hindous, des Chinois, des Japonnais... C'est de l'Asie qu'il veut parler, et de l'humanité dans son rapport avec Dieu, le divin, autrui, le monde. Mises en regard, comparaisons, ce livre est agréable à lire, léger et parfois amusant.
Aussi, Michaux nous fait discrètement part de certaines réflexions philosophiques qui nous éclairent un peu sur ses idées si peu dévoilées...

"Qu'est-ce qu'une civilisation ? Une impasse.
Non, Confucius n'est pas grand.
Non, Tsi Hoang Ti n'est pas grand, ni Gautama Bouddha. Mais depuis on n'a pas fait mieux.
Un peuple devrait être honteux d'avoir une histoire.
Et l'Européen tout comme l'Asiatique, naturellement.
C'est dans l'avenir qu'ils doivent voir leur Histoire."

Une histoire collée à la Contemplation.

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Partant à la rencontre des civilisations asiatiques des années 1930, Henri Michaux nous délivre ses impressions de voyage sous la forme de jugements si tranchés qu'ils semblent avoir été découpés avec un poignard malais : une violence que reflète bien le titre du livre. Ainsi, non sans une bonne dose de cynisme, Michaux décortique tous les signes qui s'offrent à lui (parole, alphabet, coutumes, art...), et n'hésite pas à les dénoncer quand ils ne renvoient à rien, à ses yeux. Exemple avec le théâtre japonais :

"Aucun acteur au monde n'est aussi braillard que le Japonais avec un
résultat aussi maigre. Il ne dit pas sa langue, il la miaule, et
brame, barrit, brait, hennit, gesticule comme un possédé et malgré ça,
je ne le crois pas. "

Le ton sec et sentencieux de Michaux peut s'avérer désagréable, notamment lorsqu'il s'enferme dans des certitudes peu convaincantes pour un lecteur d'aujourd'hui (par exemple, ses prédictions de révolutions en Inde)... Des certitudes qu'il aura le bon goût de remettre en cause plus tard, comme le montrent les notes de son « moi futur » des années 50 et 80, qui parsèment cet ouvrage. Toutefois, dans ce livre, la civilisation dont les idoles sont le plus mises à mal n'est peut-être pas celle que l'on croit, comme le suggère cette mémorable invective :

« Y aura t-il encore une guerre ? Regardez-vous Européens,
regardez-vous. Rien n'est paisible dans votre expression. Tout y est
lutte, désir, avidité. Même la paix, vous la voulez violemment. »

Au moins, notre barbare sait d'où il vient.

Mais Michaux ne s'abandonne jamais totalement au bruit et à la fureur, car, à travers ses voyages, il tend toujours l'oreille attentive du poète, qui entend et retranscrit en mots la musique propre à chaque civilisation asiatique, comme ces "immenses gammes" qu'il entend résonner dans la religion indienne. Sans nécessairement admirer ce qu'il découvre, il sait en restituer une singularité à même de lancer une rêverie ou une réflexion.

La caractère très libre et fragmentaire de cet ouvrage le rend tout à fait inclassable, et on y trouve même des comptes-rendus de visites d'aquariums, où Michaux laisse percevoir son amour contrarié pour la mer (lui l'ancien marin démobilisé), et se livre à des descriptions de poissons qui pourraient tout aussi bien être des créatures fabuleuses peuplant ses "lointains intérieurs".

Mais c'est paradoxalement loin au-dessus du niveau de la mer, dans les contreforts de l'Himalaya, que Michaux laisse le plus percevoir ses capacités à éprouver de l'amour pour autrui, pour un être humain considéré dans sa singularité et non plus comme le représentant d'une ethnie ou d'une culture. Au détour d'un simple sourire, qui ôte au barbare sa parole tranchante pendant un instant de grâce.
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Pour avoir lu d'autres écrits de voyage sur cette région du monde, j'ai été pris au dépourvu par ce récit. L'Asie m'a semblé bien plus loin de mon expérience que je ne l'imaginais. Car dans ce texte, Michaux n'est pas à la recherche de ce qui réuni les Occident et Orient dans le giron de l'humanité, mais de ce qui fait leur différence.
A mon sens, ce livre n'est pas un carnet de voyage, mais plutôt "l'Orient selon Henri Michaux". Je n'y ai trouvé finalement que peu de faits, et beaucoup d'interprétations : finalement, le factuel n'intéresse Michaux que pour être réécrit par son imaginaire. Je comprends mieux le titre à l'aune de cette explication : isolé en lui-même par son incapacité à communiquer - le barbare est celui qui parle une autre langue - Michaux a toute facilité à trouver incompréhensible l'humanité qui l'entoure.
D'ailleurs, sans parler de l'écriture très puissante, je trouve que la force du livre est là, dans sa capacité à nous mettre en face d'une altérité démesurée et pourtant humaine. Et je crois voir les ferments du magnifique "Ailleurs" dans ce parcours aux confins de l'Asie.
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Il aurait été intéressant de lire ce livre en 1933 pour sans doute se trouver dans le contexte des observations réalisées en Inde, en Chine, en Malaisie et au Japon par Henri Michaux. le découvrir presque 90 années après sa parution reste aussi passionnant car on suit le regard d'un homme d'une époque, porté sur des civilisations à une époque donnée et on s'aperçoit que si bien des évolutions sont survenues, les réflexions métaphysiques et poétiques de l'auteur demeurent d'actualité.
Michaux a d'ailleurs ajouté une préface en 1945, soit douze ans après la première publication, puis une nouvelle en 1967, trente-quatre encore après. Et il ajoute dans ses notes des observations précisant ses erreurs d'analyse de 1933 sur par exemple la fin des bains dans le Gange à une échéance assez brève, et, la disparition des castes en Inde sous un autre délai qui s'avérera inexact.
Une fois intégré ce décalage inévitable, la plongée dans le livre est merveilleuse car l'auteur s'intéresse à une infinité de détails, les visages, les sourires ou leur absence, les musiques, les gestes, les vêtements, les arbres et la nature avec même les poissons d'aquarium à Madras (Chennai aujourd'hui), les oiseaux, les traditions religieuses ou non, les femmes, tous ces mystères de l'Asie qui fascinent certains des barbares que nous sommes.
Donc une très belle lecture à savourer dans un rêve éveillé.
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Henri Michaux... Mon auteur favori Nicolas Bouvier le cite si souvent qu'il me fallait le découvrir.

Un Barbare en Asie est une entreprise risquée: l'oeil de l'auteur juge divers peuples et races qu'il a côtoyés lors de ses voyages. Dans le contexte des années 30, c'est délicat. Qu'on pense au ton involontairement colonialiste des premiers Tintin! Souvent, Michaux n'évite pas l'écueil des généralités: "le Chinois est comme ceci, le Bengali comme cela, ...". Ce qui le sauve, c'est son auto-critique. Une auto-critique dans la préface - une préface nouvelle, rédigée 40 après -, dans les notes de bas de page, dans l'introduction au chapitre sur le Japon. D'ailleurs le premier mot du livre, dans la préface, est "mea culpa". le monde change, et si les observations de Nicolas Bouvier restent pertinentes et délicieuses, celles d'Henri Michaux s'avèrent vite dépassées. C'est parce que Bouvier s'intéressait aux individus, en évitant les généralisations. Si Bouvier considérait Michaux comme un maître, alors je dirais que l'élève a dépassé le maître. Peut-être une seconde oeuvre de Michaux me permettra de corriger mon jugement.
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Le barbare s'excuse !

Michaux s'excuse en fait de ne pas être un prophète (en qui se révèle la quintessence de la poésie ); personnellement, je ne lui en tiens pas rigueur.
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Un barbare en Asie' a été écrit par Henri Michaux à la suite de son voyage sur le continent asiatique en 1931, voyage durant lequel il aura visité des pays tels que l'Inde, la Chine et le Japon. Ce récit unique en son genre est axé sur la comparaison entre les civilisations, à savoir la vie européenne qu'il connaît et les cultures asiatiques qu'il découvre. Ne s'attardant que très peu sur la description des paysages, ce carnet de voyages s'attache à analyser, de façon sympathique mais sans complaisance, les moeurs, la vie sociale, la spiritualité et plus généralement la culture des peuples d'Asie, pour lesquels il éprouve plus ou moins d'intérêt et de sympathie.

La première partie du livre - la plus longue - est consacrée à son voyage aux Indes. On ne peut pas dire que Henri Michaux brosse un portrait très flatteur des Indiens ! S'il loue leur profondeur philosophique et leur sagesse, il n'en pointe pas moins la franche misogynie qui se manifeste dans la société indienne, la sclérose du système des castes, la laideur physique qu'il juge fort répandue et la bêtise qui l'est selon lui toute au moins (hic).

Son voyage en Chine l'enthousiasme bien davantage : une affinité touchante se créée entre le poète et cette culture si singulière, ingénieuse et éprise d'harmonie. Il dépeint encore avec esprit et humour les caractères sociaux, amoureux ou encore philosophiques qui lui semblent propres aux Chinois. Son voyage se termine par le Japon, qu'il juge accablé et effacé, et l'Indonésie, plus charnelle.

Deux préfaces introduisent le livre, toutes deux rédigées par Henri Michaux lui-même. L'une sera écrite douze ans après son voyage, l'autre trente-cinq ans après. Dans ces préfaces, l'auteur exprime ses regrets a posteriori, notamment celui d'avoir mal compris ces pays et d'avoir mal vu leur avenir. Cela nous rappelle qu'il faut lire cet ouvrage en tenant compte de l'époque où Henri Michaux l'a rédigé. Les empires coloniaux occidentaux étaient au faîte de leur domination sur le monde. L'intérêt en Occident pour les civilisations orientales relevait davantage d'un goût pour l'exotisme et un sentiment de supériorité par rapport aux cultures orientales. Il est d'ailleurs intéressant de rappeler qu'à l'époque même où Henri Michaux se promène en Asie, André Malraux remettaient en question le colonialisme des nations européennes.

En définitive, un livre qui semble daté par certains aspects mais qui n'en garde pas moins une véritable liberté de ton et une très grande modernité dans sa vision du voyage et de l'interculturalité.
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Le grand poète Henri Michaux revient, dans cet ouvrage que l'on pourrait qualifier de « culte », sur son voyage en Asie réalisé au cours de l'année 1933. Il y est beaucoup question de la psychologie des peuples qu'il rencontre et pour lesquels il éprouve plus ou moins d'intérêt et de sympathie. La première partie du livre, la plus longue, est consacrée à son voyage aux Indes. On ne peut pas dire que Michaux brosse un portrait très flatteur des Indiens, ce portrait est parfois même assez féroce ! S'il loue leur profondeur philosophique et la sagesse qui peut advenir à l'occasion d'une noble maturité il n'en pointe pas moins, avec dureté et drôlerie, la franche misogynie qui se manifeste dans la société indienne, la sclérose du système des castes, la laideur physique qu'il juge fort répandue et la bêtise qui l'est selon lui toute au moins. Il s'arrête en outre de façon relativement savante et en tout cas sensible sur la musicalité des langues qu'il traverse du Nord au Sud de ce continent, avec une préférence pour les langues du Sud comme le Tamoul. Son voyage en Chine l'enthousiasme bien davantage : une affinité touchante se créée entre le poète et cette culture si singulière, ingénieuse et éprise d'harmonie. Il dépeint encore avec esprit et humour les caractères sociaux, amoureux, philosophiques etc. qui lui semblent propres aux Chinois. Son voyage se termine par le Japon, qu'il juge accablé et effacé, et l'Indonésie, plus charnelle, qu'il lui préfère. Un livre qui semble daté par certains aspects mais qui n'en garde pas moins une véritable liberté de ton, une langue moderne et un regard très acéré !
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plutôt une citation qui m'a frappée
car d'autres on fait de magnifiques description de ce livre que j'ai aimé :
" l'Europe devrait se reposer sur l'Asie disent encore quelques Hindous ; mais l'Europe ne peut se reposer sur personne. Elle ne peut plus e reposer du tout; le temps du repos est fini Il faut voir maintenant ce que le reste donnera. D'ailleurs, le repos n'avais pas donné assez"
et maintenant, elle ne peut toujours pas se reposer loin de là
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