Cet ouvrage écrit par
Jean-Yves Moyart sous le pseudo
Maître Mô, avocat pénaliste, regroupe plusieurs récits d'après des affaires qu'il a vécues, toutes étant différentes sans lien avec les autres (principalement sur le terrain pénal). Chaque cas constitue un chapitre plus ou moins long ; certains ne font que quelques pages, d'autres s'étendant beaucoup plus.
J'étais très curieuse à l'idée de découvrir ce livre et il n'y a aucun doute sur mon ressenti final : j'ai profondément aimé cette lecture et oui, je le clame haut et fort, c'est je pense un de mes coups de coeur de l'année en matière de découvertes. (et je vais tenter tant bien que mal de condenser toutes mes notes éparpillées prises à chaud. :')) (spoiler : je n'ai pas réussi et ceci est bien trop long, oups... pardon d'avance.)
La façon qu'a l'auteur de raconter son récit le rend de suite sympathique, c'est indéniable. Il ne prend pas de ton pompeux, n'utilise pas un vocabulaire particulièrement riche et/ou technique, avec des phrases longues qui seraient un peu compliquées… pas du tout ! En fait, son ouvrage est fait pour être accessible à tous et c'est en ça qu'il est agréable. Il est appréciable de pouvoir plonger dans le milieu d'un avocat pénaliste sans se confronter à tous les détails complexes et techniques du droit pénal. Il explique les choses de manière simple, cela se lit avec fluidité et rend l'ouvrage parfaitement abordable pour tout individu, juriste ou non-juriste (ou débutant dans la matière, comme moi qui suis en L1 Droit :)).
J'ai donc vraiment apprécié la plume de l'auteur. Je trouve qu'on se sent facilement ‘proche' de lui, même si on n'est pas avocat et qu'on n'est absolument pas dans le milieu du Droit de manière générale.
Par ailleurs, j'ai trouvé les petites notes en bas de pages super pertinentes ! Elles ne sont pas nombreuses, ne viennent pas entrecouper la lecture toutes les trois pages pour expliquer le moindre terme de vocabulaire relatif au Droit. Mais elles interviennent ponctuellement pour éclairer un lecteur qui serait peu spécialiste en Droit. Me concernant, j'ai trouvé ça très bien !
Je note aussi sa façon, parfois, de s'adresser directement aux individus qu'il a croisés au cours de sa vie et qu'il évoque dans cet ouvrage. Il y montre sa considération envers ces personnes, son respect, ainsi que son intérêt de savoir ce qu'ils sont devenus. Cela rend le truc tellement réel, tellement touchant. Je trouve que ce n'est pas rien.
À travers cet ouvrage de 300 et quelques pages, on découvre ainsi plein d'affaires diverses : des ‘petites' affaires à d'autres qui ont probablement fait beaucoup parler à l'époque, des comparutions immédiates à des affaires de plusieurs années, ou encore de l'anecdote de sa première plaidoirie à des cas bien plus terribles…
(Petite remarque sur sa première plaidoirie d'ailleurs : elle est consacrée au deuxième chapitre, et je dois dire que son ton second degré était que trop appréciable ! Et l'anecdote est juste mémorable comme tout - et qui m'aurait je pense fort traumatisée si je l'avais vécue… :'))
Du vol simple au meurtre en passant par l'homicide involontaire ou le viol, s'il y a bien une chose de certaine, c'est que je ne me suis pas ennuyée une seule seconde durant cette lecture. Ecoeurée par certaines histoires, touchée par d'autres… on n'en reste dans tous les cas pas indifférent.
J'ai aimé suivre les questionnements du narrateur, ses pensées, voir les enjeux et la pression du métier ou encore les émotions qui surgissent au moment de la décision rendue après délibération des juges…
J'ai aimé la façon dont l'auteur ne racontait pas uniquement des affaires d'un point de vue objectif et juridique.
Je pense que si je devais trouver des mots qui me font penser à cet ouvrage, le premier qui me viendrait à l'esprit serait ‘humanité'. J'ai pu observer au cours de ma lecture une réelle volonté de se pencher sur l'aspect humain : le fait qu'il parle de ses clients, évoque ses relations avec eux, ce qu'il sait d'eux, la façon dont il les a perçus et compris…
Par exemple, un chapitre m'a particulièrement touchée sur ce point-là, puisque c'est un cas où il ne raconte pas le procès, il s'arrête juste avant, juste après un échange fort entre la mère de la victime et le prévenu, accusé d'homicide involontaire… Je sais que ce passage m'a marquée sur le moment, car je me suis dit que cela aurait pu arriver à n'importe qui, finalement…
Dans une autre affaire, l'auteur évoque le temps qu'il a passé avec le prévenu qu'il devait défendre, la façon dont il a pris le temps de l'écouter, etc.
J'y ai vu cet ouvrage, non pas seulement comme un témoignage d'avocat sur des affaires pénales, mais aussi comme un récit qui parle de l'être humain, de sa complexité, ainsi que de celle de la justice pénale, qui est bien loin de se résumer à *une infraction = une sanction*. J'y ai vu la complexité de l'âme humaine, les remords possibles, la culpabilité qui peut détruire de l'intérieur suite à des actes inexplicables et impardonnables, des traumatismes passés, la difficulté de se positionner, et puis le rôle de l'avocat dans tout cela…
Évidemment, on a une plongée dans le monde du droit pénal. Concernant certains chapitres, l'accent va être mis un peu plus sur l'aspect déroulement de la procédure ; notamment sur la phase d'instruction, par exemple. J'y ai vu durant ces passages un aperçu de toute la difficulté et minutie que demande le travail du juge d'instruction, du temps que cela peut prendre de chercher chaque détail susceptible de servir à l'enquête…
À noter également que la lecture est d'autant plus dynamique qu'il y a une approche différente à chaque chapitre pour aborder l'affaire en question et la ‘raconter'. Parfois, il conserve son pdv à la première personne de A à Z. D'autres fois, il se met dans la peau de son client, écrit à la troisième personne… On sent (en tout cas c'est mon ressenti!) que l'auteur ne voulait pas transmettre chaque cas de la même façon. de cette manière, le ton du récit n'est pas monotone, pas ennuyeux, pas répétitif. J'ai été intéressée du début à la fin par chaque affaire différente.
Il me faut souligner le fait que j'ai lu le dernier tiers d'un trait et que cela ne fut pas des plus évident compte tenu les sujets abordés dans les derniers chapitres…
-> Concernant le chapitre «
Au Guet-apens », il est à noter qu'il est assez long car on suit vraiment le déroulé de l'affaire et que j'ai trouvé que c'était un des cas les plus fous et fascinants à suivre… On suit le fil du raisonnement de l'auteur et de sa pensée qui aboutit à sa plaidoirie de 3 heures et je me suis faite la réflexion à cet instant que c'est assez dingue comme métier, quand même… Et puis, affaire d'autant plus marquante de par sa chute… Je suis clairement tombée des nues et je ne peux qu'imaginer vainement la sensation et claque monumentale que tu dois te prendre en tant qu'avocat… le terme d'écoeurement utilisé par l'auteur est plutôt bien choisi à mon avis.
-> Pour ce qui est du chapitre intitulé « Noël », j'ai très vite compris que c'était l'affaire mentionnée dans la quatrième de couverture. C'était un cas juste affreux et terriblement éprouvant à lire ; on a un aperçu de torture plutôt insoutenable pour la sensible que je peux être. A se demander comment un être humain peut rester vivant après avoir vécu des horreurs pareilles… Là encore, cas très intéressant malgré tout car on est témoin encore une fois de la difficulté du métier d'avocat de devoir se confronter à toute sorte de profil, nécessitant de se mettre à la place de n'importe qui afin d'essayer de comprendre, même dans la peau d'un tortionnaire… Il s'agit d'essayer de comprendre la complexité humaine, parfois capable des actes les plus terribles… Et comme l'auteur le dit lui-même, la source de ce genre d'actes vient, le plus souvent, d'un passé lui-même composé de souffrances… Et comme il l'exprime également : le rôle d'un avocat est d'essayer de faire avancer quelqu'un et de l'humaniser… même après avoir commis des actes d'une telle cruauté, même quand, parfois, avoir de l'empathie est pratiquement impossible… Et le pire, là encore, dans cette affaire ? La fin du chapitre, encore. :') La chute.
« Mon confrère a vaillamment défendu Gérald, invoquant longuement le premier dossier, ce qu'il avait subi, la sauvagerie dans laquelle on l'avait plongé, et que des années après, il avait répétée, ressortie de lui, pour son malheur et celui de la victime… »
-> Autre cas qui m'a heurtée sur le moment (un peu moins que les autres évoqués dans cette chronique, ceci dit), celui intitulé « Passion ». Je me suis demandé un bref instant s'il ne s'agissait pas de l'auteur lui-même, tant j'ai été perturbée par la narration à la première personne… Mais en fait, l'auteur a seulement utilisé ici une approche encore différente, du point de vue de son client, approche d'autant plus percutante et intéressante qu'il s'agit du point de vue du délinquant.
À noter que tous les passages où il 's'approprie' les pensées de ces individus, bien sûr, ont donc été écrits avec une part évidente de fiction. Cela dit, à aucun moment je n'ai senti dans son écrire une volonté d'exagérer ou amplifier quoi que ce soit. Tout m'a semblé simplement profondément juste et réaliste.
-> le chapitre « Petite fille… », j'avoue m'être demandé sur le moment si je ne devais pas faire une pause dans ma lecture. Il ne m'avait même pas fallu le temps de lire la première page que j'avais déjà senti le truc arriver… C'était un des cas les plus éprouvants à lire et qui m'a profondément impacté. le chapitre était lourd, sombre, dur, bref, affreux, comme chaque fois qu'il s'agit de parler de viol et de pédophilie, mais c'était un chapitre aussi très fort. Pour tout dire, les derniers mots que l'auteur adresse directement à Jade… j'en ai presque eu les larmes aux yeux.
-> La dernière affaire racontée, « Plainte », ne m'a pas épargnée non plus. (Emprise, violence, inceste, bref…) J'ai réellement eu peur pour cette femme et ses filles durant ma lecture ; peur rien qu'en lisant le récit. Alors à vivre… Je ne peux pas le comprendre, même pas vraiment l'imaginer. Mais j'ai un respect infini pour ces personnes qui ont vécu des histoires similaires et qui ont ce courage surhumain là pour s'en relever et peut-être, comme pour les trois personnes concernées dans l'ouvrage, d'en parler enfin après tant d'années.
D'ailleurs, à noter que je n'ai pas été indifférente à la personne que représente le chef hiérarchique de la mère. Il existe des gens biens dans ce monde bordel. J'ai parfois tendance à l'oublier. Mais il existe des gens au coeur si pur.
À ces gens-là : juste merci d'exister.
Et encore une fois, les derniers mots de l'auteur qu'il adresse aux victimes… Tellement de respect, de gentillesse, de bienveillance… C'était la dernière chronique judiciaire et elle s'est conclue de la meilleure façon possible.
À l'auteur, décédé en 2021 et qui ne verra jamais mes mots, merci d'avoir su si bien retranscrire la réalité de ce monde et de ce que vivent tant de personnes. Merci d'avoir partagé ces quelques expériences dans cet ouvrage pour les partager, et merci pour avoir fait votre métier avec tant d'humanité et d'humilité. Je vous admire.