On retrouve dans Les chroniques d'Avonlea non seulement Anne Shirley et sa perspicacité qui s'éclot en apportant de l'encouragement, de la consolation ou des solutions à certains types de problèmes à tous ceux qui s'approchent d'elle mais on découvre aussi toute une multitude de personnages qui gravitent autour d'elle. Ils sont tous en proie à un souci particulier, si n'est dans leur quotidien, ça serait avec leur passé...et dans ces chroniques, il est temps de faire table rase...
Un livre très sympathique pour lequel l'on ne peut y prendre du plaisir!
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Ces histoires sont fraîches et naïves, à l'image de l'attachante Ann Shirley. Elles nous plongent encore un peu sur cette île où tout semble gai et simple.
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Les romans sont vraiment meilleurs que ces petites histoires sans grand intérêt.
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C’était le samedi soir et Anne Shirley était dans le salon de Theodora Dix, blottie dans le fauteuil auprès de la fenêtre, contemplant rêveusement les étoiles au loin, derrière les collines du couchant. Passant quinze jours de ses vacances au Pavillon de l’Écho où M. et Mme Stephen Irving étaient installés pour l’été, Anne en profitait souvent pour venir à la vieille maison des Dix bavarder quelques moments. Ce soir-là, elles avaient fini de parler et Anne s’abandonnait au plaisir de construire un château en Espagne. Elle inclina sa jolie tête couronnée de tresses d’un roux chaud contre la fenêtre, et ses yeux gris évoquèrent des étangs ombreux où rayonnait la lune.
Puis elle aperçut Ludovic Speed qui descendait l’allée. Il était encore loin de la maison, car l’allée des Dix était longue, mais même de loin, Ludovic était facile à reconnaître. Personne d’autre à Middle Grafton n’avait une silhouette aussi élancée, légèrement voûtée, empreinte de placidité. Toute la personnalité de Ludovic s’y exprimait.
Anne émergea de sa rêverie, se disant qu’il serait plus délicat de prendre congé. Ludovic courtisait Theodora. Tout Grafton était au courant ou du moins, si quelqu’un l’ignorait, ce n’était pas parce qu’il n’avait pas eu le temps de le découvrir. Il y avait déjà quinze ans que Ludovic venait ainsi voir Theodora, de cette manière indolente et décontractée.
« Deux classes ont besoin d’un professeur, une classe de garçons et une classe de filles. J’enseignais aux filles, mais la santé du bébé m’oblige à laisser quelque temps. Vous pouvez choisir celle que vous préférez, Mlle MacPherson. »
« Alors, je prendrai les garçons, fis-je résolument. (…) »
Mme Allan eut l’air perplexe. Je savais qu’elle s’était attendue à me voir choisir les filles.
« C’est un groupe de gamins très turbulents », dit-elle.
« Je n’ai jamais connu de garçons qui ne l’étaient pas », rétorquai-je.
« Je... je... pense que vous préféreriez peut-être les filles », poursuivit Mme Allan en hésitant. Je ne l’aurais pas avoué à Mme Allan pour tout l’or au monde, mais une seule chose me chicotait, sinon j’aurais peut-être en effet préféré la classe des filles. Mais voilà, Anne Shirley était dans cette classe, et Anne Shirley était le seul être humain qui me faisait peur. Non qu’elle ne me plaisait pas. Mais elle avait l’habitude de poser des questions insolites, inattendues, auxquelles même un avocat de Philadelphie n’aurait pu répondre. Mlle Rogerson avait déjà eu cette classe et Anne l’avait réduite à néant. Il n’était donc pas question que j’entreprenne une classe comptant un point d’interrogation ambulant comme ça. »
Elle accrocha son chapeau et regarda ses élèves, espérant que sa terreur et son affolement n’étaient pas trop perceptibles et que personne ne s’apercevrait à quel point elle tremblait.
La veille, elle était restée éveillée jusqu’à près de minuit, à composer le discours qu’elle avait l’intention de prononcer devant ses élèves à l’occasion de la première journée d’école. Après l’avoir révisé et poli avec soin, elle l’avait appris par coeur. C’était un très bon discours émaillé d’idées tout à fait intéressantes, en particulier sur la nécessité de s’entraider et d’étudier le plus consciencieusement possible. Il n’y avait qu’un problème : elle n’arrivait pas à se rappeler un traître mot.
Ludovic venait d’arriver à la maison, mais il resta si longtemps sur le seuil, en proie à une méditation mélancolique, contemplant le feuillage emmêlé des cerisiers, que Theodora se leva finalement pour aller lui ouvrir avant même qu’il n’ait frappé. En le conduisant au salon, elle adressa une mimique amusée à Anne par-dessus son épaule.
Ludovic sourit gentiment à Anne. Elle lui plaisait ; elle était la seule jeune fille de sa connaissance, car il évitait habituellement les jeunes filles en présence desquelles il se sentait gauche et déplacé.
« Les étoiles sont levées et l’heure est venue de vous dire au revoir », annonça-t-elle avant de partir tranquillement.
Mais elle dut s’arrêter pour rire un bon coup dès qu’elle fut hors de vue de la maison, dans un pré verdoyant où des pâquerettes blanches et dorées ressemblaient à des étoiles. Une brise embaumée soufflait gentiment. Anne s’appuya contre un bouleau blanc qui se dressait dans un coin et rit de bon cœur, comme elle avait coutume de le faire chaque fois qu’elle pensait à Ludovic et Théodora.
"Anne d'Avonlea"
Livre vidéo.
Non sous-titré. Non traduit.