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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Peut-on séparer le blanc du jaune sans tout monter en neige ?

Disons-le d'emblée, et parce que sa réputation précède l'ouvrage : oui c'est une lecture malaisante, mais parce que son auteur, Montherlant est un écrivain malaisant, pour un tas de raisons.

Oeuvre de friction. Dans cet ouvrage, on ne peut s'empêcher, depuis sa parution d'ailleurs, d'y voir le point de vue de l'auteur. Pourquoi n'admet on pas qu'il puisse s'agir simplement d'une oeuvre de fiction ? Et, à l'inverse, pourquoi le fait pour l'auteur et ses défenseurs de se cacher derrière l'alibi, la licence littéraire n'a jamais convaincu ?

Montherlant a, toute sa vie, suscité la polémique, son oeuvre jugée géniale par certains et surfaite par d'autres, ses pièces de théâtre, autrefois à succès, semblent aujourd'hui oubliées et ce qui fait sa discrète postérité est cette série de romans “les Jeunes Filles”.

Le personnage d'anti-héros de Pierre Costals est un séducteur méprisant, suffisant, qui entretient des correspondances avec plusieurs jeunes femmes totalement raides de lui. le roman est d'ailleurs en grande partie épistolaire, ce qui est à porter au crédit de l'oeuvre. le lecteur est ainsi témoin de ce courrier des fans où les déclarations les plus enflammées se heurtent au silence, au dédain, et aux outrances misogynes d'un personnage qui croit avoir tout compris.

Certes Costals avec honnêteté décourage, tente de dégriser les élans de ses admiratrices, mais d'autre part il joue aussi avec les sentiments de Solange et la manipule pour arriver à ses fins, sachant très bien où finira l'affaire : “c'était ce menton un peu lourd qui lui permettrait un jour de la quitter le coeur léger.”

Cependant Costals a des idées arrêtées sur tout, cela parfois avec la complicité du narrateur (suivez mon regard). Surtout, Costals se trompe en essentialisant l'état amoureux, et en le rattachant à un sexe ou l'autre. Par exemple, à Andrée qui écrit “vous ne savez pas ce que c'est que la volonté d'une femme”, Pierre Costals répond : “je vous mets en garde, aussi, contre votre croyance au pouvoir du désir et de la volonté. Vous savez mon opinion sur la maladresse des femmes : une de ces maladresses me paraît être leur foi dans l'efficacité de l'insistance.”

Or, l'état amoureux n'a pas de sexe. On peut avoir bien sûr, avec toute la nuance requise, une discussion sociologique, historique, culturelle sur le conditionnement des genres, sur le rose et le bleu, les poupées et les camions etc, ce que d'ailleurs reconnaissons-le, Montherlant n'ignore pas, faisant parfois allusion aux problèmes liés à l'éducation des femmes et à leur place dans la société des années trente, regrettant que celle ci ne permette pas leur émancipation, notamment vis à vis des hommes.

Pourtant on ne peut pas réduire à une dimension sexuée les comportements amoureux. Dans le reproche adressé par Costals dans la citation plus haut, il n'y a pas de stigmate spécifique à un genre ou à l'autre dans “efficacité de l'insistance” me semble-t-il, les hommes ne sont pas en reste dans ce domaine. Et cela, je crois, Roland Barthes, lorsqu'il livra Fragments d'un discours amoureux, l'avait bien compris, chacune et chacun se retrouve dans les tourments, les élans de la passion, indifféremment du genre. Barthes, qui au demeurant n'était pas tendre avec Montherlant, jugeant notamment : «Je relisais précisément ces jours-ci une oeuvre bien “littéraire” : La Reine morte : texte anachronique, bouffon de pose littéraire, singeant le classique comme un film de Sacha Guitry la Révolution».

Les “portraits de femmes” ne sont finalement pas si caricaturaux. Je veux dire qu'elles n'ont pas à rougir d'être amoureuses et qu'elles font preuve d'une introspection souvent lucide, toujours exigeante et intelligente, notamment Andrée, le véritable souffre-douleur du personnage principal. Consciemment ou malgré lui, Henry de Montherlant démiurge est derrière chacun de ses personnages féminins et peut-être malgré lui, leur fait honneur aussi. Alors certes on a parfois envie de secouer Andrée, de lui dire “lâche l'affaire” pour autant, ai-je envie de dire, minute papillon ! Il faut parfois passer par chaque étape d'une passion, et la colère, l'illusion, le déni, se mentir à soi-même, s'accrocher, se fabriquer un peu d'espoir et mal interpréter certains gestes, certaines paroles, sont aussi des passages, sinon obligés, du moins qu'on peut tous comprendre, parce que c'est trop tôt pour renoncer, parce qu'on a rien d'autre à quoi s'accrocher, parce qu'une chimie secrète se forme dans notre cerveau reptilien et qu'il faut laisser décanter tout ça etc…

Mais de là à théoriser, comme le fit en d'autres occasions Montherlant, sur une faiblesse congénitale, un péril civilisationnel ou l'avènement d'une société de “midinettes” qui “émascule la France”, on préférera croire à la mauvaise foi plutôt qu'à la crédulité, pour ne pas insulter l'intelligence d'un auteur qui s'est assez fourvoyé lui-même dans des écrits jugés collaborateurs, après la victoire de l'Allemagne nazie en 1940…

Les écrivaines elles-mêmes semblent en désaccord sur l'appréciation de cet ouvrage, dans le Deuxième Sexe, Simone de Beauvoir est intraitable sur la misogynie de l'auteur des Jeunes Filles, de leur coté Marguerite Yourcenar ou encore Amélie Nothomb saluent le génie littéraire.

Sur l'oeuvre littéraire, intrinsèquement, d'abord le style est très bon, l'écrivain ne manque pas d'humour ; par exemple une scène d'anthologie au cours de laquelle Montherlant se moque du public bourgeois assistant à un concert de musique classique, portant sur la société galante parisienne de son époque un regard souvent juste mais cynique. Ainsi, il vilipende les moeurs de son temps, le mariage, la famille et son obligation procréatrice qu'il juge très sévèrement : “c'est toujours la même chose. Faire des enfants, puis ne savoir qu'en faire.”

Néanmoins, on ne peut pas s'empêcher de lire aussi cette oeuvre à la lumière de la biographie de l'écrivain (c'est le moment #balancetonporc) car lorsqu'on constate cette acerbité envers les femmes on s'interroge, est-ce qu'elle peut être le reflet de ses propres peurs ? Quand on a peur on peut vite détester, rabaisser, pour tenter vainement de garder le dessus sur des injonctions sociales qu'on ne peut honorer. Montherlant en effet a fuit, jusqu'à son suicide en 1972, à la fois le mariage et la paternité, est-ce uniquement la marque d'un désir absolu de liberté ? Si l'on en croit les confidences indiscrètes de son ami l'encombrant Roger Peyrefitte (qui rappelait à un Jean d'Ormesson exaspéré leurs aventures en Thaïlande en direct sur le plateau de Bernard Pivot), l'académicien français, que ses biographes ont présenté à demi mot comme homosexuel, avait en fait des pulsions pédérastiques qui n'avaient hélas pour ses victimes, rien d'inassouvies, cela lui en aurait même coûté un oeil ; il entretint du reste, des rapports étroits avec un certain Gabriel Matzneff… J'en veux pour preuve cette citation pour le moins étrange dans le bouquin : “J'ai mis ange au féminin. En effet, puisque les anges sont de purs esprits, je ne vois pas pourquoi on les représenterait exclusivement sous forme mâle, sinon pour satisfaire la pédérastie inavouée du genre humain.” du “genre humain”, ben voyons, c'est celui qui dit qui est… Montherlant essayerait-il de se dédouaner de ses propres penchants pédo-criminels en les attribuant au “genre humain” tout entier ?

Il n'en reste pas moins, pour conclure, que l'auteur provocateur a bien du, face à la persistance de la critique sur son livre, se défendre en expliquant “c'est un livre composé de gags à la Charlot, un livre comique, au second degré, ce que le public n'a peut-être pas vu.” L'auteur disait encore «la recette la plus sûre pour faire une oeuvre de valeur, c'est de recueillir sur le papier, tout chaud, ce qui gicle de vous” … peut-être bien, mais l'envie de poursuivre cette saga avec des opus aux titres, plus lourdeaux que finement ironiques, tels que “Le Démon du bien”, “Les Lépreuses” ou encore “Pitié pour les Femmes” ne me démange pas vraiment.

Cette critique restera t-elle, comme les nombreuses lettres d'Andrée à Pierre Costals, “sans réponse” ? Qu'en pensez-vous ?
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C 'est un livre d'une autre époque ou le style nous ravis....
Est -ce une déclaration d'amour de l 'auteur pour les jeunes filles ou son coté misogyne pour peindre avec cruauté ce tableau féminin ...
Montherlant se livre à une étude psychologique de ces jeunes filles avec sa prose qui nous enchante...Il est froid et acide dans ses réflexions et nous emporte à cette époque passée....
Je vais le relire encore....
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Voici un livre qui me laisse perplexe, il faut dire qu'il n'est plus dans son époque et que le monde d'Henri de Montherlant a bien changé !
C'est extrêmement bien écrit et bien construit. L'étude des différents personnages par l'intermédiaire de leurs correspondances, nous dévoile les tréfonds de leurs âmes avec l'amour et les espérances de ces jeunes filles qui se transforme en douleur, en souffrance et même en folie.
Ce tome faisant partie d'une série de quatre ouvrages, je suis resté un peu sur ma faim mais ai-je l'envie de persévérer ? L'avenir nous le dira !
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J ai été un peu surpris par le manque d histoire dans ce livre.
L auteur nous donne un point de vue de la relation homme-femme par les yeux d un homme qui place sa liberté au-dessus de tout le reste.
Néanmoins, il est joliment écrit, délicieusement méchant et comporte quelques fulgurances très drôles.
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Premier tome d'une série de 4, on a un peu l'impression d'écouter du Poulenc ou du Milhaud, une belle musique, agréable mais un peu surannée, dépassée, qui ne peut franchir les ans. Je n'aurai lu que la 1ère moitié du 1er tome, l'histoire d'un écrivain homme à femmes et qui écrit des livres qui font triper les vieilles filles. Certaines lui écrivent et voudraient que l'écrivain tombe amoureux d'elles tout en le redoutant. Tout un jeu d'attirance répulsion qui finit par être un peu lassant.
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