Paris ! Eh bien ! écoute : ici, comme à Venise,
Un peuple condamné sous les plombs agonise.
Le Malheur, les prenant tombés du sein natal,
Marqua ces giaours de son cachet fatal,
Et sur leur front, depuis, glissant avec Je t’aime !
Nul baiser n’essuya cet infernal baptême.
Sans éveiller de bruits, sans prêtre à leurs côtés,
Ils vont mourir, ceux-là, durement cahotés.
Chaque jour les condamne, et comme au roi qui passe,
À chaque lendemain ils demandent leur grâce.
L’Espérance, avocat à la magique voix,
Les traîne ainsi longtemps de pourvois en pourvois…
(Lacenaire poëte)
Non, la gloire pour toi n’eut jamais de baptême !
Non, Joseph tu n’es pas Bonaparte, et quand même !…
Quand même il reviendrait gigantesque, celui
Devant qui peuples, rois, empereurs, tout a fui ;
Quand même du tombeau le nouvel Encelade
Bondirait, et des cieux tenterait l’escalade,
Pense-t-on qu’à la soif de l’aigle renaissant
La France-Prométhée irait livrer son sang ?
(Le Parti bonapartiste)
Vive le roi ! La voix de la vengeance
Se perd toujours au bruit de ce refrain ;
Pour endormir son éternelle enfance,
Voilà comment on berce un souverain ;
Mais quand la foudre éclate et le réveille,
Seul, sans flatteurs, le prince épouvanté
Entend ces mots gronder à son oreille :
Vive la liberté !
(Vive le Roi)
Ils sont tous morts, morts en héros,
Et le désespoir est sans armes ;
Du moins, en face des bourreaux
Ayons le courage des larmes !
(Les 5 et 6 juin 1832)
Moi, dans les paroles divines
Je me confie, et sans savoir
Si sur des fleurs ou des épines
Il faudra m’endormir le soir ;
Quand vient la brise, je sommeille,
Et je m’abandonne à son cours :
Vole, vole, petite abeille,
Vole, vole, vole toujours.
(L'Abeille)
Hégésippe MOREAU – Qui est-il ? (France Culture, 1983)
L’émission des « Chemins de la connaissance », par Jean Markale, diffusée le 14 juin 1983.