« Une dystopie est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'elle empêche ses membres d'atteindre le bonheur. L'auteur entend ainsi mettre en garde le lecteur en montrant les conséquences néfastes d'une idéologie (ou d'une pratique) présente à notre époque. Ce genre est souvent lié à la science-fiction, mais pas systématiquement, car il relève avant tout de l'anticipation. » Merci à Mr Wikipedia.
Dans son troisième volet de la « trilogie de la crise grecque » (dont le premier volet a reçu le Point du Polar européen 2013),
Petros Markaris écrit une dystopie qui n'en est pas vraiment une, un oracle encore plus prophétique que ceux de la Pythie. En 2012, il imagine ce qui va se passer en 2014 (et le livre sort en mars 2014 en français).
L'euro est abandonné au profit (?) de la drachme. Les salaires des fonctionnaires ne seront pas payés pendant trois mois. Même Charitos va devoir se passer de sa Seat au profit des transports publics. Ce qui n'empêchera pas l'auteur de continuer à nous décrire sa ville d'Athènes rue après rue.
Polar et Commissaire obligent, il y a quand même meurtres. Trois, comme pour une trilogie, mais aussi comme pour «
Pain, éducation, liberté ». C'était le slogan des étudiants de l'Ecole polytechnique d'Athènes en novembre 1973, dont la révolte a été le début de la fin de la dictature militaire des Colonels.
Trois meurtres d'anciens étudiants de Polytechnique, l'un devenu homme d'affaires, le deuxième professeur d'université et le dernier syndicaliste. Mais aucun n'a un CV très propre, ils ont tous profité de leur aura de révolutionnaire pour s'éloigner de l'intégrité et se rapprocher du Pouvoir.
Notre Commissaire part à la recherche du ou des coupables, aidé indirectement par sa fille avocate qui défend un inculpé tout en travaillant pro deo à la défense des immigrés.
Les premiers soupçonnés sont l'extrême-droite (Aube dorée ?), mais ils seront vite exclus parce que « Organiser trois meurtres à partir du slogan de Polytechnique, cela suppose un raffinement dans la pensée qui correspond mal à l'extrême droite. »
Si vous voulez savoir le nom des meurtriers, lisez le livre ! Si vous voulez avoir une idée de ce qu'était la réalité grecque en 2012, lisez également ce livre.
Petros Markaris « considère le roman policier comme un moyen de mener une investigation sur les errements de son pays. Et tandis que la Grèce s'enfonce dans le marasme, « l'assassin devient de plus en plus un agitateur politique qui règle ses comptes » avec ceux qui sont considérés comme les responsables des maux grecs. »
Bien évidemment, l'Allemagne est supposée être très mal vue dans ce roman. Mais sachez que
Markaris est un auteur-culte en Allemagne dont il parle couramment la langue ayant fait ses études à Vienne et traduit les oeuvres de
Brecht et de
Goethe. « Cette culture cosmopolite lui donne une distance, une ironie, un humour qui parlent au public germanophone », explique Michaela Prinzinger, sa traductrice. Fidèle à lui-même, sollicité par la presse allemande,
Petros Markaris décline toute interview en raison de la situation de son pays.
Pour les habitués, sachez que c'est aussi dans ce nouveau volet des enquêtes du commissaire Kostas Charitos que ce dernier découvre l'ordinateur au point de parfois délaisser son cher dictionnaire de Dimitrakos.
« - Ici Polytechnique. Ici Polytechnique. La radio des étudiants en lutte, des Grecs en lutte pour la liberté.
-
Pain, éducation, liberté. Nous n'avons pas d'éducation.
- Tous avec toi ! Recommençons Polytechnique !
- Les Colonels sont toujours là !
- Nos Colonels à nous, c'est la Troïka !
- Non, non, non. Non au Mémorandum. »