AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,63

sur 112 notes
5
3 avis
4
17 avis
3
2 avis
2
2 avis
1
0 avis
La situation s'enlise tellement en Grèce en cette année 2014, que le pays a dû sortir de la zone euro......retour à la drachme et bienvenue à son cortège de dévaluations qui égrènent le roman et pour Charitos et ses collègues, suspension de paiement de leurs salaires pour trois mois...démission du gouvernement oblige. C'est dans ce contexte toujours difficile qu'un jeune homme de bonne famille est arrêté en flagrant délit de trafic de drogue. Avocate, Katerina, la fille de Charitos, persuade son père de l'invraisemblance de cet acte; peu de temps après on découvre le père du jeune homme, un ancien de polytechnique devenu homme d'affaires, assassiné, à ses côtés un mot reprenant le slogan des jeunes étudiants patriotes de l'Ecole polytechnique Pain, éducation, liberté. Puis c'est au tour d'un professeur d'université qui est retrouvé sur le parking de l'université, même mise en scène, lui aussi est un ancien de polytechnique....Alors quel est le lien entre ses deux premiers meurtres bientôt suivi par un troisième, celui d'un syndicaliste, comme par hasard, ancien de polytechnique lui aussi.........ces crimes sont-ils des crimes politiques liés à Aube dorée, groupuscule d'extrême droite, des crimes crapuleux, des vengeances qui seraient liées à la famille de chacune des victimes ?

Un troisième volet où, toujours dans un contexte de crise, Charitos doit faire face à des meurtres dont les origines s'inscrivent dans le passé, le slogan Pain, éducation, liberté représentait les valeurs de la lutte estudiantine contre le régime...quarante après, les héros revendicateurs auraient-ils perdu leur âme, l'un devenant homme d'affaires, un autre professeur d'université et le troisième un syndicaliste pas forcément honnête ou intègre ? C'est la question posée dans cette enquête où Charitos doit naviguer entre références historiques, groupuscule d'extrême droite tout en se serrant la ceinture, privé de salaire, une enquête où il navigue entre les trois piliers d'une démocratie : le bien être économique, l'éducation et la liberté d'expression.
Petros Markaris propose de nouveau une étude économique et historique qu'il mêle à une intrigue policière, prétexte à décortiquer la société grecque et à en dénoncer les travers nés dans le passé et qui ont sérieusement sapé le terrain de la société grecque contemporaine.

Ce troisième opus clôt la trilogie mais une quatrième enquête Epilogue meurtrier finalise cette trilogie / tétralogie.
Enquête à suivre donc...
Commenter  J’apprécie          300
31 décembre 2013. La jeunesse athénienne fête dans l'allégresse le passage à 2014 et le retour de...la drachme ! En effet, épuisée par la crise et les injonctions de la Troïka, la Grèce n'a eu d'autre choix que de se retirer de la zone euro et de revenir à son ancienne monnaie.
Chez les Charitos, on s'attend à des temps difficiles et on se serre les coudes. Comme tous les fonctionnaires du pays, le commissaire Charitos va être privé de salaire pendant au moins trois mois et sa femme Adriani, économe, débrouillarde et solidaire, a décidé d'ouvrir sa table à la famille et aux amis. Bon an, mal an, leur fille Katerina continue son travail d'avocate et vient d'être commise d'office pour défendre un étudiant pris en flagrant délit de trafic de drogue. Intriguée par le profil de son client, elle demande à son père de faire une enquête discrète sur l'affaire. Et si le commissaire ne croit pas à la culpabilité du jeune Kyriakos, il est perturbé quand, incroyable coïncidence, il est chargé d'enquêter sur la mort de son père, l'entrepreneur en BTP, Yerassimos Demertzis. Ce premier assassinat est suivi de deux autres, celui d'un professeur de droit et celui d'un syndicaliste. Tous trois étaient polytechniciens et tous trois avaient dans la poche un portable délivrant le même message : Pain, éducation et liberté. Ces meurtres trouveraient donc une explication dans le passé grec, à l'époque où les étudiants de Polytechnique se soulevèrent contre la dictature des colonels en scandant ce slogan, repris aujourd'hui par le meurtrier.

Pour le troisième tome de sa Trilogie de la crise, Petros Markaris se lance dans un roman de politique-fiction où la Grèce, incapable de se relever de la crise, serait sortie de la zone euro pour la plus grande joie de ceux qui en avaient assez d'être dirigés par Bruxelles.
Mais cela ne se fait pas sans heurts ! Dans une ambiance de fin de guerre, Athènes est la proie de groupuscules d'extrême-droite bien décidés à chasser les migrants, les étrangers, les sans-papiers et autres voleurs d'un travail qui n'existe plus. L'économie tourne au ralenti, les gouvernements se succèdent et imposent dévaluations de la monnaie, suspension des salaires des fonctionnaires, diminution des retraites. Mais au milieu du chaos, certains ne baissent pas les bras et ont entrepris d'aider les plus démunis, par exemple en relogeant SDF et retraités pauvres dans des hôtels réquisitionnés ou en créant une radio pour diffuser des offres d'emplois et lancer des messages d'espoir.
A pieds, en bus ou en voiture de police, le commissaire Charitos qui a laissé sa voiture personnelle au poste pour économiser le carburant, mène une enquête sur trois meurtres liés par la personnalité des victimes. Les trois homme étaient des héros de la révolte de l'école polytechnique qui en 1973 sonna le glas de la dictature des colonels. Mais loin des idéaux de leur jeunesse, ils s'étaient depuis hissés aux plus hauts postes et avaient sacrifié sur l'autel du capitalisme les valeurs qu'ils défendaient alors. Leur a-t-on fait payer leur trahison ? En s'enrichissant ont-ils ruiné le pays ?
Petros Markaris propose encore une fois son analyse de la crise grecque et va cette fois encore plus loin en imaginant un ''grexit'' lourd de conséquences mais aussi porteur d'espoir... Peut-être une voie à suivre...
Commenter  J’apprécie          284
Troisième volet de la « trilogie de la crise » en Grèce, un polar qui mélange fiction politique et triste réalité.

Au départ, on sait qu'on est dans la fiction, car le premier chapitre commence par le retour au drachme pour le Jour de l'An 2014 (et aussi le retour à la lire en Italie et au peseta en Espagne). le changement de monnaie ne s'est pas produit, mais les difficultés économiques de la Grèce sont bien réelles et font toujours les manchettes.

À travers le prétexte de l'enquête criminelle, c'est un pan d'histoire qui nous est révélé, l'époque de la chute de la dictature et du changement de garde du pouvoir politique qu'elle a entraîné. Que sont devenus les étudiants qui réclamaient « Pain, éducation et liberté » ?

La vie des Grecs d'aujourd'hui n'est pas facile, car les coupures dans les indemnités sociales touchent plus durement les plus pauvres, ceux qui n'ont pas profité de la corruption pour accumuler des fortunes cachées.

Avec la misère et la désillusion, Markaris met cependant en scène un élément d'espoir, le partage et la solidarité sociale qui, s'ils ne permettent pas de rebâtir l'économie du pays, tentent au moins de protéger les plus faibles et d'éviter les dérives de la violence et de la xénophobie.

Si on va en Grèce pour voir les ruines d'une civilisation disparue, le voyage à Athènes avec Markaris nous amène au coeur de l'effondrement d'une société moderne.
Commenter  J’apprécie          200
Le roman a été écrit en 2012, imaginant une Grèce qui aurait renoncé à l'euro pour retrouver le drachme. Politique fiction ? Oui, mais le drame grec est bien réel, et s'inscrit dans son histoire.
Charitos fête le jour de l'an en famille, une famille qui se veut unie en dépit d'un présent peu réjouissant et d'un futur plus confus encore. Son salaire est suspendu pour trois mois – si tant est que ce qu'il touchait jusque là puisse être considéré comme un salaire digne de ce nom. Sa fille, que son ami Zissis, grand résistant dans le passé et le présent, a convaincu de rester au pays, ne gagne aucun salaire. Son gendre est réduit à la portion congrue alors qu'il est médecin. Pour survivre, rien ne vaut l'union – et la simplicité. de France on imagine mal à quel degré de pauvreté sont parvenus les grecs. Conserver sa dignité est une lutte quotidienne pour ceux qui n'ont plus rien.
La crise n'empêche pas les crimes – et le premier meurtre commis touche directement un ancien révolutionnaire, un de ceux qui a résisté lorsque la junte militaire a pris le pouvoir. Mais qui peut en vouloir à ses héros modernes ? Et bien… des personnes qui savent pertinemment que la crise n'est pas arrivée toute seule en Grèce, et qu'il a bien fallu que cette génération, ceux qui sont sur le point de prendre leur retraite, ait participé à ce qui est aujourd'hui la débâcle grecque.
Ce n'est pas que Charitos enquête mollement, non, il fait ce qu'il peut avec les moyens du bord, laissant sa chère voiture au garage parce que, de toute façon, il manque un peu d'essence pour la faire rouler. Il est stupéfait par le fossé qui s'est crée entre les générations, entre les parents et leurs propres enfants, qui tiennent à réussir par leur propre moyen plutôt que de suivre les traces de leurs pères. Et il semble que, parfois, donner des cours à des détenus alors que l'on est soi-même incarcéré soit le début d'une existence réussie.
Pain, éducation, liberté est le portrait d'une génération désabusé, parce qu'elle a déjà tout perdu avant même que sa vie n'ait commencé.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
Commenter  J’apprécie          120
Dernier volet de la Trilogie de la crise où l'auteur continue d'explorer son pays, la Grèce et à nous faire vivre sa crise financière de l'intérieur, avec un réalisme bluffant, en imaginant que la Grèce aurait abandonné l'euro pour revenir à la drachme.

Comme souvent dans les romans policiers, l'enquête n'est là que pour permettre d'investiguer dans le passé pour expliquer la catastrophe qui sévit au présent car tout est lié.

Pendant que le commissaire Kostas Charitos enquête sur les meurtres de trois crapules, l'auteur en profite pour fouiller les tiroirs de la Grèce et en sortir le linge sale qu'il va laver en public.

Des tiroirs bourré de naphtaline, il extirpe dehors de la misère, de la pauvreté, des destins brisés, mais aussi de la débrouille, car lorsqu'on est pauvre, on devient plus intelligent et on essaie de trouver des solutions.

Comme on ne sait pas laver plus blanc que blanc, il faut aussi s'attendre à des magouilles, de l'opportunisme, des tortures, des révolutionnaires devenus comme les colonels qu'ils ont chassés, des vestes qui se retournent, de celles qui craquent de tous les côtés à force d'avoir été retournées… À la prochaine révolution, certains retourneront leurs pantalons…

Imaginant un retour du pays à l'ancienne monnaie (la drachme), l'auteur développe son univers avec réalisme, n'épargnant rien aux lecteurs et montrant que même diplômé, il est difficile de s'en sortir quand son pays est en crise.

Il ne se prive pas non plus de taper sur ceux qui se sont engraissés durant des années, sur le clientélisme, sur les faux handicapés qui touchaient des pensions et sur le fait que lorsque l'argent arrivait, tout le monde en profitait, même si certains se sont empiffrés plus que d'autres.

L'extrême droite dans le pays fait ce qu'elle fait de mieux : elle casse, elle brûle, elle frappe sur les immigrés, leur reprochant tout, oubliant qu'ils sont dans la même merde que tout le monde et que ces derniers voudraient quitter le navire puisqu'il n'y a plus rien comme travail. Hélas, partir coûte de l'argent, ils sont bloqués et doivent subir les attaques des décérébrés.

Ce que j'apprécie dans cette saga, c'est que les assassinés soient des salopards, des crapules, bref, des victimes que l'on n'a pas du tout envie de pleurer. Pire, on croise même les doigts que notre commissaire Kostas Charitos ne découvre jamais les coupables, car ce sont bien souvent des assassins sympathiques

Oui, je devrais avoir honte de dire qu'on devrait décorer les assassins de cette trilogie, mais si j'ai honte, c'est juste un tout petit peu…

Un roman policier qui sert de support pour parler de la tragédie de la crise grecque, pour nous la montrer telle qu'elle était, telle qu'elle fut et combien certains en ont souffert. Les conneries, les exactions des uns provoquent toujours la chute des autres, mais l'auteur ne donne pas le beau rôle aux grecs et les mets aussi face à leurs fautes.

Anybref, un roman policier aux arômes de roman noir qui vole plus haut que le polar de gare et qui nous fait visiter une Grèce qui ne se trouvera jamais sur les cartes postales ou dans le guide du Routard. Mais ses personnages qui seront nos guides valent plus que tout les autres guides car ils sont devenus des amis.

Ce troisième tome aurait dû clôturer la trilogie de la crise, mais ouf, il y en a un quatrième à déguster.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
Commenter  J’apprécie          90
« Une dystopie est un récit de fiction dépeignant une société imaginaire organisée de telle façon qu'elle empêche ses membres d'atteindre le bonheur. L'auteur entend ainsi mettre en garde le lecteur en montrant les conséquences néfastes d'une idéologie (ou d'une pratique) présente à notre époque. Ce genre est souvent lié à la science-fiction, mais pas systématiquement, car il relève avant tout de l'anticipation. » Merci à Mr Wikipedia.

Dans son troisième volet de la « trilogie de la crise grecque » (dont le premier volet a reçu le Point du Polar européen 2013), Petros Markaris écrit une dystopie qui n'en est pas vraiment une, un oracle encore plus prophétique que ceux de la Pythie. En 2012, il imagine ce qui va se passer en 2014 (et le livre sort en mars 2014 en français).

L'euro est abandonné au profit (?) de la drachme. Les salaires des fonctionnaires ne seront pas payés pendant trois mois. Même Charitos va devoir se passer de sa Seat au profit des transports publics. Ce qui n'empêchera pas l'auteur de continuer à nous décrire sa ville d'Athènes rue après rue.

Polar et Commissaire obligent, il y a quand même meurtres. Trois, comme pour une trilogie, mais aussi comme pour « Pain, éducation, liberté ». C'était le slogan des étudiants de l'Ecole polytechnique d'Athènes en novembre 1973, dont la révolte a été le début de la fin de la dictature militaire des Colonels.

Trois meurtres d'anciens étudiants de Polytechnique, l'un devenu homme d'affaires, le deuxième professeur d'université et le dernier syndicaliste. Mais aucun n'a un CV très propre, ils ont tous profité de leur aura de révolutionnaire pour s'éloigner de l'intégrité et se rapprocher du Pouvoir.

Notre Commissaire part à la recherche du ou des coupables, aidé indirectement par sa fille avocate qui défend un inculpé tout en travaillant pro deo à la défense des immigrés.

Les premiers soupçonnés sont l'extrême-droite (Aube dorée ?), mais ils seront vite exclus parce que « Organiser trois meurtres à partir du slogan de Polytechnique, cela suppose un raffinement dans la pensée qui correspond mal à l'extrême droite. »

Si vous voulez savoir le nom des meurtriers, lisez le livre ! Si vous voulez avoir une idée de ce qu'était la réalité grecque en 2012, lisez également ce livre.

Petros Markaris « considère le roman policier comme un moyen de mener une investigation sur les errements de son pays. Et tandis que la Grèce s'enfonce dans le marasme, « l'assassin devient de plus en plus un agitateur politique qui règle ses comptes » avec ceux qui sont considérés comme les responsables des maux grecs. »

Bien évidemment, l'Allemagne est supposée être très mal vue dans ce roman. Mais sachez que Markaris est un auteur-culte en Allemagne dont il parle couramment la langue ayant fait ses études à Vienne et traduit les oeuvres de Brecht et de Goethe. « Cette culture cosmopolite lui donne une distance, une ironie, un humour qui parlent au public germanophone », explique Michaela Prinzinger, sa traductrice. Fidèle à lui-même, sollicité par la presse allemande, Petros Markaris décline toute interview en raison de la situation de son pays.

Pour les habitués, sachez que c'est aussi dans ce nouveau volet des enquêtes du commissaire Kostas Charitos que ce dernier découvre l'ordinateur au point de parfois délaisser son cher dictionnaire de Dimitrakos.

« - Ici Polytechnique. Ici Polytechnique. La radio des étudiants en lutte, des Grecs en lutte pour la liberté.
- Pain, éducation, liberté. Nous n'avons pas d'éducation.
- Tous avec toi ! Recommençons Polytechnique !
- Les Colonels sont toujours là !
- Nos Colonels à nous, c'est la Troïka !
- Non, non, non. Non au Mémorandum. »
Commenter  J’apprécie          91
Avec Pain, éducation et liberté, Petros Markaris nous plonge dans un avenir hypothétique : la Grèce renonce à l'euro pour revenir à la drachme.

Le chaos qui s'ensuit dans le pays est encore plus marqué que dans Liquidations à la grecque ou le justicier d'Athènes. le pays sombre de plus en plus et Charitos et ses collègues apprennent qu'ils ne seront plus payés pendant 3 mois.
Heureusement, Adriani, l'épouse de Charitos, a veillé à mettre un peu d'argent de côté. La famille va se serrer la ceinture (encore plus) et partager les repas car, d'après Adriani, cela coûte moins cher que cuisiner chacun chez soi.

Les rues d'Athènes sont toujours régulièrement bloquées par des manifestations en tous genres. Et, cette fois, elles sont aussi peuplées des corps d'anciens occupants de l'école Polytechnique (= protestation des étudiants contre la dictature des Colonels en 1973) qui sont assassinés.
Charitos et ses collègues pensent d'abord à des terroristes, mais l'affaire semble être plus compliquée que cela...

Cette enquête de Charitos (la troisième que je lis) est plus sombre que les autres, même si les touches d'humour sont toujours bien présentes. La politique est également toujours là : les enquêtes du commissaire semblent d'ailleurs toujours impliquer, de près ou de loin, les ministres ou des personnes ayant au moins un lien ténu avec le système politique grec.
Katérina, la fille de Charitos, occupe une place plus importante dans le récit, ce qui n'est pas désagréable, puisque cela permet de "faire le lien" avec la jeune génération grecque, qui tente de survivre malgré les difficultés rencontrées par le pays.
Commenter  J’apprécie          80
Pain, éducation et liberté, Ψωμί, Παιδεία, Ελευθερία (Psōmí, paideía, eleuthería) en version originale parue en 2012, a été publié par les éditions du Seuil en 2014 dans la collection Policiers Seuil. Il est le dernier tome de la Trilogie de la Crise, faisant partie intégrante de la série consacrée aux enquêtes du commissaire Charitos. Au moment de sa parution, il était considéré comme un roman d'anticipation politique puisque Petros Markaris avait choisi d'en situer l'intrigue au début de 2014, au moment où la Grèce décidait de renoncer à l'euro pour revenir à la drachme. Au vu des événements douloureux intervenus depuis, on ne peut que s'incliner devant le caractère prophétique de l'oeuvre. le récit, ancré dans une actualité qui s'éternise, est écrit au présent et à la première personne. L'auteur ne propose que peu de données temporelles: pas de date, le moment de la journée est rarement cité avec précision. le style fluide est rythmé par de nombreux dialogues. Pas de temps mort ni de longueurs.

2014. Tandis que Charitos et sa famille s'organisent afin de faire face à la suspension temporaire des salaires de la police, le commissaire s'intéresse au cas d'un jeune dealer plutôt intrigant: issu d'une famille aisée, ayant fait de brillantes études scientifiques, Charitos ne comprend pas pourquoi le jeune homme, arrêté pour détention de drogue, se justifie en déclarant qu'il avait besoin d'argent. le flair de Charitos lui suggère qu'il y a anguille sous roche.
C'est alors que le père du jeune homme, entrepreneur, est retrouvé assassiné au centre Olympique de Faliro, couché sur un tas d'ordures. Les mobiles ne manquent pas: Vengeance d'un concurrent? En rapport avec son passé de militant? Un drame familial? Rancoeur du fils? Acte terroriste? Un lien avec le crime organisé? le commissaire Charitos et son équipe pataugent...
Puis une seconde victime est retrouvée: Nikos Theoloyis, pénaliste réputé et professeur de droit => Même génération, même profil que la première victime: tous les deux appartenaient à la "génération de Polytechnique", étaient mariés et père d'un enfant unique, vivaient dans l'aisance.
Un lien indéniable existe entre les deux meurtres mais pour quel mobile? Car les deux hommes ne semblaient pas se fréquenter. Charitos nage dans le brouillard. Pour résoudre cette enquête, il va devoir se fier à son instinct, amadouer sa hiérarchie.... et laisser sa voiture au garage!

Dans un contexte de crise économique et de faillite de l'Etat, le ministre de la Sûreté ayant démissionné, l'équipe de Guikas n'a plus personne pour la couvrir et prendre les décisions qui s'imposent; les enquêteurs vont devoir assumer toutes leurs actions et choix, et leurs éventuelles erreurs.
S'ajoute à cela la suspension des salaires, le gel des avancements, les forces de police en alerte à cause des manifestations dans les rues et les nouvelles élections qui se préparent =>De quoi mettre la clé sous la porte!!
Climat social constitue la trame de l'enquête menée par Charitos: les banques momentanément fermées, les Grecs se demandent si les dépôts sont garantis par l'Etat, et si les retraites et les salaires seront payés: "Les coupes répétées dans les salaires et les retraites n'étaient que le prélude...Je dois deux traites pour la voiture, d'accord, mais quel concessionnaire va reprendre une voiture pour si peu? L'argent que j'ai à la banque me permet de tenir trois mois, et je peux même faire traîner un loyer. Mais qui me dit que la suspension (des salaires) prendra fin dans trois mois?" (Page 21)..."Un magasin sur deux a baissé le rideau. Tantôt à louer, tantôt à vendre. Les pancartes sont là pour faire bonne figure: personne n'achète, personne ne loue".(Page 45). => Dans ces conditions, comment assurer au mieux sa mission de maintien de l'ordre?

Le +: une enquête criminelle intimement mêlée à la conjoncture du pays et au quotidien de Charitos et sa famille: comment les gens se serrent les coudes et font preuve d'initiatives originales et inventives pour tenter de se sortir du marasme, notamment le foyer pour SDF installé dans un ancien hôtel et radio Espoir.
Pain, éducation, liberté propose une analyse fine et objective de la situation de la Grèce en 2014. Plus qu'un roman policier, c'est un hymne à son pays en grande souffrance, mené à la ruine par des politiques avides et sans scrupules pour le peuple qui doit gérer au quotidien, oscillant entre dignité et désespoir. S'ajoutent à cela une intrigue parfaitement maîtrisée, un scénario crédible et des personnages qui ne sont ni des héros ni de parfaits méchants, simplement des hommes et des femmes qui se battent pour leur survie...
Lien : https://legereimaginarepereg..
Commenter  J’apprécie          60
Dans ce polar, le troisième de la "Trilogie de la crise", Markaris poursuit sa radioscopie de la société grecque minée par le marasme économique qui plonge les couches ordinaires de la population dans la misère.
Cela commence par de la politique-fiction, nous sommes le 1er janvier 2014 et la
Grèce vient de revenir à la drachme, après avoir abandonné l'euro. Les salaires sont suspendus, les caisses sont vides, les retraités manifestent sous les huées des jeunes qui les accusent d'avoir profité du système, les familles se resserrent et retrouvent les réflexes de la pauvreté d'antan, soupe de haricots et légumes pour tout le monde, et encore en puisant dans leur bas de laine. Pas de travail pour les jeunes diplômés, qui organisent donc pour s'occuper des services solidaires et gratuits, cabinet d'aide juridique, asile dans un hôtel squatté pour les retraités sans abri, écoles de langues et de maths pour les enfants des quartiers pauvres.
Mais entre temps des crimes sont perpétrés contre des anciens de la "génération de Polytechnique", celle qui s'était insurgée en 1973 contre la junte des colonels, dans un soulèvement héroïque et magnifié par les régimes démocratiques ultérieurs. Chaque cadavre est retrouvé dans un lieu emblématique des magouilles auquel la victime s'était livrée de son vivant pour exploiter jusqu'à la corde le prestige, les relations et l'influence gagnées lors de ses années étudiantes. Un message téléphonique destiné aux enquêteurs reprend le fameux slogan des insurgés "Pain, éducation, liberté". L'entrepreneur enrichi par les travaux des Jeux Olympiques, adjudication obtenue par des combines, le professeur d'université dans la thèse est un plagiat et les relations syndicales déterminantes pour sa réussite, le syndicaliste professionnel qui fait et défait les carrières, ces trois victimes hautement symboliques d'une génération qui a réussi par les compromissions et l'affairisme sont également détestées de leurs enfants et brouillées avec leur famille.
Alors à qui profite le crime ? A l'extrême-droite et aux neonazis qui menacent immigrants et jeunes engagés dans la solidarité ?
Chez Markaris, les victimes sont bien plus antipathiques que les coupables, car ces crimes sont comme une catharsis par laquelle la société grecque, sa jeunesse et ses forces vives, voudraient punir une génération de profiteurs responsables de la ruine du pays. Markaris poursuit ici sa dénonciation des maux de la Grèce, mais laisse la porte ouverte à l'espoir fondé sur la générosité, l'humour et la solidarité.
Lu en V.O.
Commenter  J’apprécie          60
C'est mon premier roman policier grec et le moins que je puisse dire c'est qu'il m'a surpris. En premier lieu par le fait qu'il s'ouvre sur une Grèce qui abandonne l'euro au profit du drachme en 2014, chose dont je n'avais pas le souvenir et pour cause car cela n'a pas été le cas. En fait le roman a été écrit en 2012 et ce n'est qu'une projection de l'auteur, une projection qui permet de démontrer que l'idée qu'avancent certains politiciens eurosceptiques d'abandonner l'euro pour reprendre sa monnaie nationale n'est qu'une erreur qui pousserait le pays vers sa faillite. C'est aussi la particularité et l'autre surprise de ce roman c'est son aspect social présent du début à la fin. Même s'il y a tous les ingrédients du roman policier avec ses meurtres, son enquête et ses fausses pistes, tout ceci n'est qu'un prétexte pour nous dresser le portrait d'une Grèce exsangue mais débrouillarde et faire le procés de ces révoltés qui après avoir renversé la dictature des colonels se sont embourgeoisé et ont trahis leurs idéaux. Historiquement ce roman est intéressant et les personnages attachants mais l'intrigue policière ne sort quand a elle pas des sentiers battus.
Lien : http://desgoutsetdeslivres.o..
Commenter  J’apprécie          40




Lecteurs (226) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (6 - polars et thrillers )

Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

seul
profond
terrible
intense

20 questions
2866 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , thriller , romans policiers et polarsCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..