"A cette époque-là, je ne savais pas encore qu'un jour je la blesserais irrémédiablement. Je ne savais pas que parfois un être humain peut en blesser un autre, par le seul fait d'exister et d'être lui-même."
Son visage me captivait. Il y avait dans son expression – je ne le découvris bien sûr que beaucoup plus tard, en y réfléchissant – quelque chose de sensuel et d’attirant, comme si elle enlevait doucement une à une de fines couches de peau autour d’un cœur. Aujourd’hui encore, je me rappelle parfaitement la légère lumière perceptible au fond de ses prunelles et sur ses lèvres fines, accompagnant ses moindres changements de physionomie, comme la flamme d’une petite bougie vacillant à l’extrémité d’une salle obscure.
[Chapitre 1]
C'est simple: tout ce qui a une forme finit par disparaître, mais certaines pensées laissent des traces éternelles.
Oui, mais tu ne sais pas, toi, à quel point on se sent vide quand on ne crée rien.
Je suis né le 4 janvier 1951. La première semaine du premier mois de la première année de la seconde moitié du XXe siècle. Cette date de naissance significative me valut d'être prénommé Hajime, ce qui signifie "commencement". Cela mis à part, aucun événement notable n'accompagna ma venue au monde. Mon père était employé dans une société de courtage, ma mère était une ordinaire femme au foyer.
Un nouveau jour commençait. Mais je n’avais pas la moindre idée de ce qu’il allait m’apporter.
Chapitre 15
C'était sans doute une erreur (je suis obligé d'ajouter ce "sans doute", car il ne me revient pas de décider ce qui était juste ou non, en examinant cette étendue de souvenirs qu'on nomme le passé.
Quand j'étais fatigué de contempler mes fantasmes, je me mettais debout devant la fenêtre et regardais le paysage. De temps en temps, il me semblait que j'avais été abandonné dans un désert privé de vie. Mes hordes de visions avaient aspiré toutes les couleurs du monde autour de moi, ne laissant que le vide.
Je ne connais pas les demi-mesures. Il n'y a pas d'intermédiaire en moi: le juste milieu, je ne sais pas ce que c'est. Tu as le choix entre me prendre totalement telle que je suis, ou ne pas me prendre du tout. C'est le principe de base.
Si je ne voulais plus entendre ce morceau, ce n’était pas parce qu’il me rappelait Shimamoto-San. C’était parce qu’il ne touchait plus mon cœur comme avant. [...] Et je ne voulais plus écouter une musique qui, si belle fût-elle, n’était plus pour moi qu’une carcasse vide.
[Chapitre 15]