Autant le dire tout de suite : ce livre très fouillé sur la vie de
Spinoza comporte ce qui apparaîtra à certains lecteurs comme des longueurs car l'auteur s'applique à préciser, dans des détails de la vie de ce philosophe, dont aucun n'est anodin, les sources dont il s'inspire, et notamment pour exposer leurs contradictions. Mais c'est précisément cette plongée dans les détails qui fait l'intérêt de cet ouvrage, qui, de ce fait, devient bien davantage qu'une biographie de
Spinoza : un panorama de la vie intellectuelle, politique et religieuse des provinces-unies des pays-bas au XVII° siècle ; donc au moment où ce pays développe une certaine forme (dont le livre montre aussi les limites, et les combats internes au protestantisme que cela génère) de tolérance religieuse, unique dans le monde à cette époque. L'opposition officielle de bien des universités les plus prestigieuses du pays à la philosophie de
Descartes, alors même qu'elle continue à y être enseignée, est, à titre d'exemple, vraiment fascinante à découvrir.
Et l'on y découvre le développement d'une communauté juive d'origine portugaise, de création récente, formée de marranes obligés pendant des décennies, en Espagne et au Portugal, à cacher leur attachement à l'antique religion sous le couverte d'une pratique catholique sans faille. Les parents de
Spinoza faisaient partie de cette génération nouvellement implantée aux Pays-bas, et qui souhaitaient redécouvrir une religion dont des décennies de pratique cachée, sans repères livresques car il était dangereux d'en détenir, en avait fait une foi un peu mythique et dont la redécouverte avec des rabbins appelés d'ailleurs n'était pas toujours sans difficultés ou heurts.
Les conditions dans lesquelles a été prononcé le "herem" c'est à dire le décret interne d'exclusion de la communauté juive de celui qui était l'un des élèves les plus doués de ses écoles sont captivantes par ce qu'elles dévoilent du fonctionnement interne de cette communauté, comme aussi de ses liens avec l'extérieur, et de sa dépendance à ce monde dans lequel elle était plongée.
Bien entendu, le livre comporte des exposés nombreux de la pensée de
Spinoza au fur et à mesure de son évolution, même si ce n'est pas là son objet, car c'est tout de même indispensable pour comprendre son rapport à ses maîtres, à ses disciples, à ceux qui s'intéressent à sa philosophie. Ceux qui souhaitent comprendre vraiment quelque chose à cette dernière trouveront sans doute d'autres ouvrages pour les y aider.
Un livre donc parfois difficile, mais passionnant.