Ma troisième lecture d'Irène Némirowsky , et toujours aussi impressionnante. Je découvre de nouveau avec le Maître des âmes une très fine observation psychologique et nuancée des caractères humains. Mais ce dernier écrit - édité en 1939- est aussi le plus acide et le plus sombre. Les temps durs se rapprochent inévitablement…
Ce roman autour du personnage de Dario Asfar est d'abord un récit universel sur l'immigration. Quelle que soit la raison – persécution, guerre, famine, crise économique ou autre, les émigrés/immigrés ne fuient pas leur pays et leur culture pour rien. Que cela soit dans un autre temps ou dans notre époque…Pour de millions de personnes ayant « atterri » dans un nouveau pays pour un nouveau départ, le spectre de la pauvreté, la non-reconnaissance, la soif démesurée de gagner de l'argent et surtout de l'estime, hantent leur vie. le regard méprisant, réel ou non, des autres pèsent sur leurs épaules. Ils feront tout pour être « comme eux », à en perdre leur âme…
Le style d'écriture est « vivant » mais aussi contemplatif ; beaucoup de dialogues, les personnages ont des caractères et des physiques très bien campés, leur langage corporel bien décrit, comme j'aime.. Les pensées de Dario sont également longuement narrées et nourrissent le fond du roman. Parfois un peu lassant, car les mots clés sont Argent, Désespoir et Pauvre Dario, Pauvre Clara.
Parfois, le style de
Moravia me revient en mémoire.
L'histoire déchirante de Dario, sa femme Clara et leur fils Daniel, nous montre combien c'est difficile de se créer une nouvelle vie ailleurs. le médecin Dario se sent responsable pour la survie de sa petite famille. Surtout au début du récit, une certaine théâtralité colore les phrases et les ambiances, on est dans la vie des russes de Paris. Au fil des pages, Dario commence à perdre pied malgré sa bonne volonté de s'en sortir et glisse vers une certaine immoralité, devient ambigu. Une « collaboration sordide » s'installe avec un Wardes et une Elinor, qui lui permet d'avoir une clientèle riche.
A la fin, Dario devient riche lui-même mais perdra l'amour de son fils. Devenu veuf, hanté et fatigué mais ensuite remarié, il aura également perdu son âme.
Un roman oÙ espoir et désespoir, vanité et humilité sont les ingrédients d'une vie pas si inventée que cela.